Nous sommes bien surpris.e.s mais la question est sérieuse, et nous ne pouvons pas ignorer cette information.

Nous décidons de nous rendre nous-même au rendez-vous afin de voir ce qu’il s’y passe – ou, du moins, vérifier l’info. Et le coup ne manque pas : nous reconnaissons immédiatement celle que le keuf veut transformer en indic’. Nous l’appellerons SH.

Nous assistons à sa rencontre dans un bar tout près de la gare, avec deux personnes, une femme et un homme, chargé.e.s de la “recruter”. Pour l’instant, nous n’en savons rien, mais la question nous tracasse, naturellement. Quand la néo-indic sort (seule, les deux présumé.e.s RG étant encore à l’intérieur), nous décidons de la suivre et de tirer les choses au clair avec elle.

Se défendant dans un premier temps de tout contact avec les forces de répression, notre argumentaire avisé ne tarde pas à la faire craquer : de toutes façons nous ne lui laissons pas le choix. Nous sommes en position de force.

Ce qu’elle nous révèle est bien ce que nous redoutions. La police a contacté d’abord sa famille pour ensuite pouvoir la joindre. C’est ainsi qu’une flic se présentant sous le nom de Pauline Guillot est entrée en contact avec SH, convenant du rendez-vous de ce mardi.

Aujourd’hui, donc, se sont rencontré.e.s SH, Pauline Guillot et un autre policier. Les deux agent.e.s lui proposent clairement de travailler pour eux, éventuellement contre rémunération. Ce qu’elle accepte initialement.

Les objectifs des renseignements sont variés ; on vous laissera juger de leur pertinence : ils veulent des infos sur les mouvements étudiants, les manifestations pour le climat, ou encore les gilets jaunes. Leur objectif est d’empêcher à la rentrée universitaire la convergence de ces mouvements sociaux avec les “casseurs professionnels”, les “black blocs”, les “ultras” ou encore les “libertaires”. Ils s’intéressent aussi aux manifs des sans papiers et aux “brigades anti-sexistes” et “anti-spécistes”. Ils parlent aussi de l’”université populaire Lille 0”. Selon leurs infos, Lille 0 pourrait bientôt se relancer et devenir un outil et un espace de convergence des luttes (comprendre : l’union des bon.ne.s et des mauvais.e.s manifestant.e.s).

Les renseignements ne sont plus ce qu’ils étaient. Avec tous les moyens dont ils disposent, ils en viennent à tenter de criminaliser des “éducateur.rices populaires”. Ça nous fait bien rire. D’autant plus que Lille 0 ne semble plus en fonctionnement depuis le printemps 2019 (d’après le site).

Tellement hilarant que nous décidons de nous amuser un peu avec nos ridicules adversaires. Ces derniers ont demandé à leur indic SH de se rendre le jeudi suivant à une “réunion de rentrée” de cette université populaire. Nous demandons avec insistance à SH de jouer le jeu et de se reconvertir en contre-espionne.

Le jeudi suivant, elle se rend comme prévu au bar “La Rumeur” pour assister à la réunion. Arrivée sur place, elle demande au patron du bar s’il y a bien une réunion. Problème : il n’est pas au courant. Vers 18 heures, SH envoie un message à Pauline Guillot et lui communique le fait qu’il ne semble pas y avoir de rendez-vous ce jour. La keuf lui répond que celle-ci a probablement été “annulée”, car son info est “sûre” : une affiche de Lille 0 annonçait cette réunion. Après vérification de notre part, nous sommes contraint.e.s de constater que les keufs sont plus que stupides. Ils sont tombés sur une affiche de Lille 0 datée de l’année dernière (à la même date). Un an plus tard : nada. Encore bravo à ces fins limiers de la Police Nationale. D’ailleurs, Pauline Guillot garde toute sa confiance en SH, elle lui recommande de participer aux futurs événements militants locaux, de poser des questions, de repérer des têtes, en s’inspirant des dates indiquées sur le site « Démosphère – Lille ».

Elle lui donne rendez-vous dans le courant de la semaine prochaine pour lui donner les prochaines instructions. Alors, les keufs lui demandent d’aller à des événements organisés par les collectifs Lilleradiée (mercredi 2 octobre) et Alternatiba, ANV-Cop21 et Les Amis de la Terre (vendredi 4 octobre) à la MRES, annoncés sur Démosphère. La première étape vers un fichage de militant.es écologistes.

A ce stade, nous considérons que la Police s’est suffisamment humiliée elle-même, que le jeu fut amusant mais surtout trop risqué, c’est pourquoi il fallait y mettre un terme et en faire le récit.

Mais, en guise d’ultime pied-de-nez aux renseignements, et pour clore toute cette histoire, nous avons envoyé le SMS suivant au numéro de “Pauline Guillot” :

« Chère police, c’était bien essayé, mais on a grillé ta nouvelle indic : S**** H****. Vous vouliez nous espionner mais c’est l’inverse qui s’est produit, revoyez vos méthodes bande de sous-merdes. A bientôt pour de nouvelles surprises.

Acabement vôtre,

La DGSI – Destitution Générale de la Sécurité Intérieure

PS : La bise à Papineau. »

Épilogue

Cette histoire nous en apprend. Sur la police, sur ses méthodes, mais aussi sur nous. Les flics sont nuls. C’est pas nouveau, mais c’est bien de se le rappeler.

Redoublons de vigilance. Nous comprenons un peu plus comment les keufs essayent d’inflitrer les mouvements contestataires. Nous ne pouvions pas prendre le risque de les laisser répandre leur venin sécuritaire plus encore. Il est important de redoubler d’efforts dans les précautions que nous prenons dans nos militantismes. Quelles que soient les méthodes, quels que soient les groupes, l’infiltration peut avoir des conséquences dans les incessantes tentatives des autorités de criminaliser tout type de mouvement.

Cet exemple illustre à quel point la police n’hésite pas à détruire des vies. La vie de SH a pris un tournant irréversible lorsque la police a pris contact avec elle. Elle était une poukave, nous avons fait en sorte qu’elle poukave ses tortionnaires. Mais cette étiquette lui restera à vie. La police a détruit sa vie militante. Nous en sommes désolé.e.s pour elle.

Semer la zizanie dans un mouvement, surveiller, réprimer et menacer des militant.e.s, voilà le quotidien de ceux qui prétendent nous protéger.

Pour finir, sachez que nous avons gardé quelques éléments croustillants à sortir en cas de besoin. D’ailleurs, les keufs, surveillez sur vos arrières, car même dans vos rangs, des personnes détestent la police.