Ce billet contient la transcription intégrale d’un prêche de Nader Abou Anas intitulé « Le vêtement de la femme ». En introduction, j’explique pourquoi j’ai pris le temps de faire ce travail, puis je donne quelques clés de lecture du texte : présentation succincte du prédicateur, indications sur ses sources, règles adoptées pour la transcription, et traduction de quelques termes en arabes qu’il emploie de manière récurrente.

Pourquoi publier ce texte ?

Nader Abou Anas a acquis une certaine célébrité en septembre 2015, à l’occasion de sa participation à une édition spéciale du Salon musulman du Val-d’Oise intitulée « Salon au féminin ». Il était l’un des conférenciers invités à ce salon censé mettre « la femme à l’honneur » dont la présence avait suscité une polémique en raison de propos qu’ils avaient tenus dans des vidéos visibles en ligne. Ces propos avaient en particulier motivé une intervention des Femen, dont l’activisme féministe prend notamment pour cible les idéologues sexistes des religions monothéistes, une intervention à mon sens très bienvenue et parfaitement fondée quoiqu’on puisse penser de ses modalités concrètes.

Toutes les vidéos en ligne contenant les propos incriminés ont été supprimées : les prédicateurs en question ont mené une chasse efficace aux republications, obtenant leur suppression au titre du droit d’auteur. Sans préjuger de ce qui motive ce nettoyage scrupuleux, force est de constater que cela permet de les défendre en discréditant les personnes ayant dénoncé leurs propos. En effet, on peut ainsi prétendre qu’ils ont été rapportés de manière approximative, ou sortis de leur contexte de sorte à en tordre le sens, et la motivation de ces attaques prétendument malhonnêtes est ensuite toute trouvée : une xénophobie ou un racisme anti-musulmans qu’on nomme « islamophobie ».

C’est cette stratégie rhétorique qu’a employé Marwan Muhammad, directeur exécutif du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), pour prendre la défense de Nader Abou Anas et de Rachid Abou Houdeyfa, deux compagnons de route assumés du CCIF visés par la polémique.

Selon Marwan Muhammad[1], il s’agissait d’une polémique « pathétique », d’un « procès en règle » organisé par « [l]es mêmes islamophobes qui, à chaque fois que la lune est visible, doivent faire recette en trouvant une nouvelle façon de problématiser les musulmans ». Ironisant sur le « soudain » investissement féministe des détracteurs des « deux imams » et sur leur souci d’ « émanciper des femmes musulmanes qu’ils passent le reste de l’année à diaboliser », il prétendait que les deux prédicateurs « retransmett[ai]ent systématiquement sur internet toutes leurs conférences, tous leurs prèches, tous leurs discours », et regrettait que leurs propos soient déformés au moyen de « montages à charge ». Il regrettait également qu’on ne relève pas leur remarquable engagement en faveur des femmes (« ordonnant de les aider à accéder à l’éducation, de les traiter de la meilleure des manières, avec douceur et bienveillance »), et qu’on ait « recours à des moyens malhonnêtes pour diaboliser les boucs émissaires salafis à qui on demande en même temps d’être les travailleurs sociaux chargés d’éponger nos injustices ».

J’ai conservé certaines des vidéos dans lesquelles ces prédicateurs tiennent des propos pour le moins problématiques, en particulier parce qu’exactement comme ceux du pape Jean-Paul II, de ses successeurs et d’une bonne partie du clergé catholique, ils invitent à la fois au nom de Dieu et au nom de la nature à une révolution conservatrice profondément sexiste dont je scrute les développements depuis des années. Ce phénomène est bien identifié dans sa version catholique par les sociologues du genre, ainsi que par les militants féministes et LGBT, mais il tend à être minimisé par les mêmes dans sa version islamique : que ce soit par simple ignorance, par racisme bienveillant ou par peur de passer pour islamophobes, il est soit prêté aux seuls extrémistes dont les discours seraient anecdotiques, sans conséquences notables, soit au contraire jugé compatible avec un féminisme et un progressisme qui seraient « adaptés » aux personnes de culture musulmane.

Estimant qu’il est important de participer à la mise en lumière de ce phénomène, extrêmement irritée par l’immense malhonnêteté intellectuelle du CCIF et de la mouvance islamiste à laquelle il appartient, et effrayée autant par l’efficacité de leur propagande que par celle du discours de prédicateurs dont l’offre idéologique sait si bien répondre à la demande de nombreux jeunes, j’ai décidé de publier la transcription de ces vidéos afin de mettre à disposition une trace objective de leur contenu. C’était aussi l’occasion de mettre à profit ma connaissance de la langue arabe et de la culture musulmane certes modeste, mais néanmoins susceptible d’être utile à nombre de personnes qui prétendent respecter cette culture (voire qu’il faudrait m’enseigner son respect[2]) alors qu’elles l’ignorent à peu près complètement.

Constatant qu’aucune des vidéos qui avaient fait scandale n’était encore en ligne, j’ai réalisé que je risquais de voir mon effort réduit à néant par un autre argument parfois opposé aux détracteurs de ces prédicateurs : il s’agit de vieux prêches dont ils ont regretté la maladresse, qu’ils ont fait supprimer du web pour cette raison, et il est malhonnête de ressortir ces vieilles choses pour les discréditer alors qu’ils font un boulot irréprochable depuis des années. J’ai donc recherché d’autres vidéos toujours en ligne, publiées par leurs soins (et donc non susceptibles d’être des « montages à charge ») et ayant eu une diffusion notable.

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=> Lire la suite : https://lmsti.wordpress.com/2017/02/20/a-propos-du-vetement-de-la-femme/

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[1] Sur sa page Facebook le 12 septembre 2015, et le 14 sept sur le site Contre-attaques avec un lien hypertexte ajouté sur « pathétique et énième polémique à propos du « Salon de la femme musulmane » » pointant vers un article du Figaro relayant des propos d’Isabelle Kersimon et de Caroline Fourest.

[2] Voir le fil de commentaires sous cet article publié sur le blog de Christine Delphy : https://delphysyllepse.wordpress.com/2015/10/27/apres-charlie-plaidoyer-pour-tordre-le-baton-dans-lautre-sens/.