Présence policière massive, nasses et brutalités en manifestation, surveillance abusive, pressions judiciaires, peines abusives… Le mouvement des Gilets jaunes, né il y maintenant six mois, s’est accompagné d’une répression sans précèdent qui a donné lieu a une loi anticasseur, à des violences policières multiples et à des menaces récurrentes au droit fondamental de manifester. Il est clair que le gouvernement mène une guerre ouverte à la contestation, quel que soit son niveau de radicalité. Cela se mesure au nombre croissant de blessé·e·s et de mutilé·e·s depuis le début du mouvement (1 décès, 5 mains arrachées, 23 éborgné·e·s et plusieurs centaines de blessé·e·s, au bilan provisoire établit le matin du 1er mai 2019), à la masse d’arrestations préventives en amont de chaque manifestation et aux peines exemplaires prononcées à l’encontre des manifestant·e·s interpellé·e·s par une justice au plein service de l’État.

Les réseaux sociaux grillés

Ces dérives autoritaires s’inscrivent en renfort de mesures sociales et politiques liberticides dont la liste s’allonge chaque semaine et qui sont largement à l’origine du mouvement des GJ. Pour mettre en place un système de plus en plus dictatorial, le gouvernement ne se prive pas d’utiliser tous les éléments en sa possession pour contrer la résistance ; les réseaux sociaux sont à ce titre particulièrement explorés. Pratiques d’utilisation et facilement partageables, les pages et les comptes Facebook et Insta sont ainsi largement épluchés par les services de renseignement, d’autant plus lorsqu’ils se font le relai d’événements de moyenne ou de grande ampleur. C’est ainsi que le 20 avril et le 1er mai dernier, basée sur des commentaires publiés sur les pages de Black bloc France [1], que l’on sait infiltrées et sur des appels à l’émeute et à l’acte ultime likés et partagés par des centaines de personnes, la police a déployé 7 400 policiers et gendarmes sur la seule ville de Paris et occasionné 15 000 contrôles préventifs et 330 interpellations dont 315 mises en GAV toujours dans la capitale [2]. Une situation qui, fin mars, avait également nui à l’appel du week-end de blocage des usines d’armement, où 1 000 CRS avaient accueilli moins de 100 manifestant·e·s qui s’étaient déplacés au lieu des 500 participant·e·s attendu·e·s et de plusieurs milliers d’intéressé·e·s.

L’anonymat, une force pour la lutte

On sait pourtant combien Facebook est surveillé. Certain·e·s, qui y affichent toute leur vie sous leur propre identité, s’engouffrent dans ses pièges sans se poser de questions, s’inscrivent, partagent et publient des événements sous tension, annoncent des actions avant qu’elles n’aient lieu au détriment de toute discrétion et de l’effet de surprise, pourtant conditionnel à la réussite de nos actes. Cela a été le cas le 1er mai 2018 puis lors des actes II, III, IV, VI, VIII, XIII et XVIII qui ont permis d’établir un rapport de force, d’inquiéter et de fragiliser le gouvernement. Si le port d’une cagoule se révèle souvent utile dans la rue, l’anonymat est indispensable sur le Net, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’entretenir une révolte… Ainsi, déclarer participer ou être intéressé par une manifestation, à laquelle souvent on fait faux bond, alors que les forces de l’ordre ajustent leurs effectifs en fonction du nombre d’inscrits potentiels parait relever de la désinvolture, voire de l’inconscience, car attirer l’attention de la police sur un événement place sa propre personne en danger, mais également ses proches, ses camarades, les autres manifestant·e·s et fragilise de fait l’ensemble du mouvement militant. En effet, nombre d’arrestations auraient pu être évitées le 20 avril ou le 1er mai 2019 si davantage de discrétion avait entouré ces appels. Il est bon de rappeler que la spontanéité a toujours été la force du bloc et celle du mouvement des Gilets jaunes lors des premiers actes. C’est pourquoi surprendre, dérouter, se montrer insaisissable n’a jamais été autant à propos et nécessaire.

Revenir aux fondamentaux

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’exclure la technologie de nos outils de communication, mais d’en faire un usage intelligent et non exclusif. Il existe en effet d’autres moyens d’informer, d’échanger et de rassembler telle que la rencontre, le tractage, le bouche-à-oreille… Longtemps, les révolutions se sont faites sans le secours d’Internet, à chacun·e de se montrer créatif… Aujourd’hui, il nous incombe de nous adapter en temps réel aux stratégies policières, qui ont pour seul objectif de disloquer nos mouvements et de déjouer les pièges qu’elles nous tendent. À nous également de nous montrer offensifs pendant et hors manifestations en multipliant les actions de lutte et de résistance. Il est d’urgence de manœuvrer de manière stratégique, de ne pas se mettre en lumière (peu importe la motivation : imprudence, manque de réflexion, soucis d’égo, erreur de jeunesse ou inexpérience). Le noir est notre couleur restons lui fidèle et plaçons nos talents et nos intelligences au service de la Révolution : celle qui a pour visée de détruire le capitalisme dont les effets se révèlent chaque jour davantage plus dévastateurs.

Notes

[1] Par exemple sur cet article de Marianne

[2] Selon les chiffres communiqués par la préfecture de Paris