DELPHY TU ME FAIS CHIER

Ceci est une lettre ouverte que tu ne liras sans doute pas mais voilà tu me fais chier.

Tu me fais chier et tu me bouffes mon énergie avec tes partages de textes obsessionnels sur le fait que les femmes trans sont des agentes du patriarcat, qu’elles pratiquent le viol correctif en ayant des inclinations romantiques / sexuelles pour des femmes cis lesbiennes.
Delphy tu me fais chier parce que peu importe ce qu’on fait, peu importe ce qu’on dit, peu importe les remarques que tu peux avoir, tu persistes dans ton discours et comble de l’ironie, tu partages le texte d’une personne qui commence son texte par « je ne suis pas lesbienne »
Delphy tu me fais chier parce que je suis une lesbienne et Delphy tu me fais chier parce que les lesbiennes ne sont pas des femmes donc elles ne sont ni specifiquement cis, ni specifiquement trans.
Delphy tu me fais chier parce que ton cadre d’analyse ne prend jamais en compte la coercition générale qu’exerce la contrainte à l’hétérosexualité sur tous les corps.
Delphy tu me fais chier parce que tu veux passer pour une féministe radicale en réduisant les questions de classe de genre à une histoire de sexe biologique alors qu’au final tu n’es que réactionnaire, tu ne te rends pas compte des alliées que tu te choisis quand tu n’as aucun discours critique au sujet de la Pride de Londres : tu choisis des alliées qui ont la même rhétorique que l’alt right, cette alt right qui parle d’aggriper des chattes sans leur consentement.
Tu es faiguante à rabacher tout le temps le même sempiternel discours sur nos corps quand aucune de vous ne se prend la peine de nous rencontrer pour voir et savoir.
Delphy tu me fais chier quand tu parles de viol correctif ou que tu partages des articles qui en parlent parce que si tu veux on peut parler des viols correctifs que nous femmes trans avons pu vivre, je peux te parler Delphy, si tu veux du viol correctif que j’ai vécu à l’âge de six ans de la part d’une femme cis de 16 ans et des dégats que ça a occasionné sur le rapport à mon corps.
Mais non à la place de ça Delphy, tu nous sers la même soupe infâme pour nous discrediter, nous insulter alors qu’on peine à avoir un peu de place dans le paysage politique.
Delphy tu me fais chier et là je ne fais pas de la littérature pour te le dire, c’est juste un billet d’humeur rempli d’agacement, de fatigue et de lassitude et pendant que je suis fatiguée à écrire ce billet d’humeur qu’au pire tu ne liras pas, au mieux tu qualifieras de « mansplaining », toi tu dois être tranquille avec tes chats, ton thé ou je ne sais quoi dans ton appartement à Paris ou autre ville, à faire telle conférence et à continuer à répendre ton venin contre des personnes qui ne te demandent rien.
Et c’est bien triste d’en arriver là parce que tu vois, moi je t’aimais bien. L’ennemi Principal a été un bouquin important pour moi, j’ai même des fois trop fait ma fangirl face à tes petites blagues racistes en conférence (et je m’en excuse pour celles que j’ai offensé dans ces moments-là) . C’est bien triste d’en arriver là parce qu’on va juste se souvenir de toi comme la personne qui n’a pas cessé de mener une lutte obsessionnelle contre des personnes qui veulent simplement survivre et avoir le droit d’être aimées et acceptées dans une lutte pour laquelle elles ont tout abandonné.
Tu vois je suis un peu triste d’écrire ce texte-là parce que déjà il n’a pas une qualité littéraire remarquable mais ensuite parce que c’est nul de t’avoir comme ennemie maintenant.
En tout cas on commence de plus en plus à suivre ton message, nous sommes fatiguées de lutter auprès de personnes qui disent nous inclure et qui après nient nos existences, nos vécus etc.
Oui les organes génitaux ont de l’importance mais nos organes génitaux ne s’inscrivent pas dans ta / votre conception boring à souhait de la sexualité. On est loin, très loin de tout ça, l’importance qu’on y accorde sont loin très loin de tous les discours que tu réactives avec tes prises de positionnements.
On ne veut pas être hétérosexuelle. On ne veut pas non plus être des faaaaames, nous sommes des lesbiennes, on a trouvé un refuge et un espace de lutte et de combat à l’intérieur d’une autre grammaire des amantes. Ta grammaire binaire qui vise à consolide la perception du corps comme homme ou femme, on n’en veut pas.
Pendant que j’écris cette lettre ouverte sur ton esprit fermé à toute autocritique, j’ai essuyé plusieurs refus d’emploi et je sous loue un appartement que je vais bientôt devoir quitter le 25 septembre sans avoir encore de point de chute perenne.
Donc oui Delphy tu me fais chier, fous nous la paix ou alors va crier contre les hétéros qui se tiennent la main pendant que les transpédégouines se font tabasser en pleine journée dans un bus face à une foule qui ne réagit pas à la violence dont elle est témoin.
Tu choisis donc tes priorités, nous on a décidé de faire la peau à l’hétérosexualité.

Je te laisse donc Delphy aux côtés de blogueuse telle que « astroterf », cette femme cis hétéro qui parle au nom de toutes les lesbiennes de la terre puis je vais rejoindre mes soeurs pour écrire d’autres façons d’être.
Je te laisse et je suis triste puis joyeuse en même temps parce qu’on crée d’autres possibles mais sache que ça me fait quand même de la peine de savoir que désormais tu n’es vraiment plus très loin de Spencer, Trump et consorts et j’aimerais te dire qu’il est encore temps de faire marche arrière, d’aller hurler contre le Vatican qui laisse des curés violer des enfants, de prendre position pour que justice soit faite pour Vanessa Campos au lieu de venir nous attaquer, il est encore temps de construire un féminisme pour une justice sociale et l’abolition du capitalisme patriarcal, il est encore temps d’arrêter d’agiter ces spectres de la peur.
Je t’assure, on fait un très bon thé et on cuisine bien puis on te fera un mélange d’huile essentielles pour que tu te reposes, on te pardonnera, il est encore temps de changer la donne et d’arrêter de donner à manger à celles et ceux qui nous assassinent.

Joyce

 

https://transgrrrls.wordpress.com/2018/09/04/delphy-tu-me-fais-chier/