Emilie Lamotte : anarchiste et néo-malthusienne

La propagandiste : éducation et néo-malthusianisme

Née vers 1877 à Paris (6ème), Emilie Lamotte exerçât comme institutrice libre congréganiste avant, sans doute, de découvrir les idées anarchistes. En 1905, elle commence à écrire dans Le Libertaire, où elle s’intéresse aux questions éducatives et notamment à l’expérience de La Ruche, réalisée par Sébastien Faure à Rambouillet. (La Ruche est une école libre, créée en dehors de toute tutelle étatique ou religieuse : « l’école tout court organisée pour l’enfant, afin que cessant d’être le bien, la chose, la propriété de la Religion ou de l’Etat, il s’appartienne à lui-même » [Tract « Grande fête populaire offerte par les enfants de La Ruche »].) C’est à cette période qu’elle rencontre Lorulot : « Emilie Lamotte […] fut ma première compagne (j’ai omis de dire que nous avions fait connaissance à mon retour de tournée). Elle collaborait, comme moi, au Libertaire ; c’était une femme absolument remarquable, qui mourût trois ans plus tard malheureusement ; je conserve d’elle des souvenirs pleins d’émotion. Emilie Lamotte avait des vues pédagogiques audacieuses. C’était aussi une artiste, peintre et dessinateur, d’un très grand talent » [LORULOT André, Ma Vie…Mes Idées…, 1943, réédition 1973, p. 103].

Après sa rencontre avec Lorulot, elle écrit au journal l’anarchie et fait des conférences où elle traite volontiers son sujet favori : « Pourquoi j’ai quitté l’enseignement confessionnel », condamnant écoles laïques et confessionnelles.

Propagandiste anti-conceptionnelle, elle diffuse brochures détaillées et moyens de contraception.

Eugénisme diffus, peur répandue de la « dégénérescence » on se préoccupe à l’époque de « faire de beaux enfants » : « c’est en raison de préjugés, soit religieux, soit inexplicables que des conjoints infectés d’un empoisonnement transmissible se croient obligés de créer des enfants difformes, mal venus, voués à toutes les misères physiques » [LAMOTTE E., La Limitation des Naissances. Moyens d’éviter les Grandes Familles, Editions de l’Idée Libre (A.Lorulot, à Conflans-Honorine, Seine et Oise), 1920, 12p.]. Mais la limitation des naissances joue un rôle pour limiter les charges de familles et leurs donner une possibilité de résistance au système. Et pour éviter de fournir aux patrons et à l’Etat de la chair à canon…

De la vie en milieu libre à la vie nomade…

C’est au cours d’une tournée de conférence qu’Ernest Girault, « compagnon fidèle des dernières années » de Louise Michel, et André Lorulot ont l’idée de former une colonie communiste, regroupant des compagnons ayant des affinités communes. Peut-être est-ce à cette occasion qu’Emilie Lamotte et Lorulot se rencontrent ? Toujours est-il qu’en 1906, elle participe à la fondation de la colonie libertaire de Saint-Germain-en-Laye, où elle vient vivre avec ses quatre enfants fin octobre. Le père de deux de ses enfants, Félix Malterre soutient activement les milieux libres en rédigeant régulièrement dans le Libertaire , un « Bulletin communiste » sensé faire le point sur les différentes expériences réalisées. Les milieux libres sont alors une idée assez répandue chez les anarchistes et plusieurs expériences ont déjà vu le jour. A Saint-Germain, le milieu libre n’est pas conçu pour sa vertu démonstrative pour réaliser une libération immédiate [LORULOT A., Ma vie…Mes idées…, p.102]. Il est formé par des individus qui veulent vivre en camarades et en anarchistes, faisant de leur vie elle-même le centre des luttes qu’ils mènent face à la société bourgeoise. Novembre 1907, Emilie Lamotte rédige un article enthousiaste, décrivant la colonie comme un « centre puissant de propagande » [LAMOTTE E., « Action féconde », Le Libertaire, 4 au 11 novembre 1906]. Elle s’occupe de l’école de la colonie qui compte 6 enfants (dont 4 sont les siens) avec le soutien de Sébastien Faure. Pourtant, dès l’hiver, des départs se produisent, tandis que les duo Girault et Goldsky, Lorulot et Lamotte font des tournées de propagande, des réunions publiques… En mars, c’est Girault qui part pour ses mésententes avec les autres compagnons [Le Libertaire, du 10 au 17 mars 1907].

Et, en janvier 1907, Lorulot est arrêté à Denain, pour « excitation au meurtre » à la suite d’une conférence. Il profite de son séjour en prison (à partir de mai) pour rédiger L’Idole patrie et ses conséquences, et écope de quelques mois de tôle supplémentaire pour « provocation de militaires à la désobéissance civile ». Emilie Lamotte achève la tournée de conférence, retourne vivre un temps à la colonie, puis elle est hébergée avec ses enfants chez une camarade à Paris . Toutefois, la ferme de Saint-Germain reste un lieu propice pour les ballades et les conférences publiques dominicales. Lorsque Lorulot est libéré en février 1908, ils retournent vivre à Saint-Germain avec Tesnier et sa compagne. Ils y éditent quelques brochures, dont deux écrites par Emilie sur l’éducation et la contraception. Mais ils quittent les locaux avec l’hiver. Plus tard, Lorulot décrit ainsi cette expérience : « Je n’ai d’ailleurs pas gardé un mauvais souvenir de la Colonie. Pour la première fois de ma vie, j’étais à la campagne ; Le coin ne manquait pas de pittoresque. J’avais une charmante compagne et nous nous aimions. Je me grisais d’air pur, de verdure, de mouvement… Je défrichais le champ, j’abattais des arbres. Tout cela était un enchantement pour un jeune Parisien, dont l’enfance s’était déroulée si loin de la nature » [LORULOT A., Ma Vie…Mes Idées…, p. 105].

Fin 1908, ils partent poursuivre des conférences sur les routes du Midi, en roulotte. A la suite de cette expérience, Lorulot écrit une brochure, La Vie nomade sur la façon dont ils ont « frété une « roulotte » et traversé la France, suivant les routes, de ville en ville, causant avec les nomades, pénétrant dans leurs campements, assistant, sans éveiller leur méfiance, à leurs maquillages adroits, et étudiant leurs mœurs avec facilité.

J’ai conservé de ces quelques mois un agréable et vivant souvenir » [LORULOT A., La Vie Nomade, Romainville, Editions de l’Idée libre, s.d., 24p.]. Pour Emilie Lamotte, le voyage s’achève à Alais (route de Saint-Jean-du-Pain, Alès, Gard) le 6 juin 1909, où elle meurt, malade, à l’âge de 32 ans.

Shalazz

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