* QUELLE EST L’ORIGINE DE LA PEAU DE COULEUR NOIRE ?

Les caractéristiques physiologiques qui traditionnellement (mais totalement en contradiction avec la biologie moderne) définissent une race humaine sont le résultat de l’hérédité. Steiner, qui n’admettait pas l’évolution biologique, pensait que les caractéristiques raciales n’étaient devenues héréditaires que récemment. Sa science spirituelle affirme que “historiquement, les caractéristiques raciales proviennent de l’endroit où les peuples sont nés.” (4)

Il a ainsi décrit en détail la manière dont, selon lui, ces caractéristiques raciales seraient apparues. Dans le cas des “nègres”, elles seraient apparues à cause de forces émanant d’un point géographique precis situé au cœur de l’Afrique. À peu près toutes les forces qui influencent spécifiquement les êtres humains au cours de leur petite enfance proviendraient de là. (5)

Ce point agirait à travers “ceux qui toute leur vie sont complètement dépendants de ces puissances, de sorte que ce point leur insufflerait en permanence les caractéristiques de l’enfance. Cela désigne toutes les personnes – en ce qui concerne leurs caractéristiques raciales – qui, pour ainsi dire, libèrent les forces déterminantes de ce point précis du globe. Ce que nous appelons la race noire est essentiellement conditionnée par ces caractéristiques.” (6)

Selon Steiner, les Noirs étaient, de fait, infantiles. Dans un contexte différent, il a décrit les Noirs comme :

“Les derniers vestiges du groupe humain par lequel les intestins se sont durcis”. (7)

Et il a écrit plus loin :

“Les gens qui n’avaient pas développé leur Moi, qui étaient trop exposés à l’influence du soleil, étaient comme des plantes : ils produisaient beaucoup trop de carbone sous leur peau – et devenaient noirs. C’est pourquoi les nègres sont noirs.” (8)

* LES PEUPLES D’ASIE

Les peuples d’Asie sont, selon Steiner, conditionnés par un autre point à la surface de la Terre, point qui leur confèrerait “les caractéristiques de la jeunesse”. (9) Ces peuples sont ainsi, pensait-il, beaucoup trop introvertis :

“Regardez ces couleurs, de celle du Nègre à celle de la population des Jaunes, qui se trouve en Asie. Ces corps sont les réceptacles des âmes les plus diverses. Tout d’abord l’âme du Nègre : complètement passive, entièrement consacrée à l’environnement, à la nature extérieure. Puis, les âmes passives d’un second ordre : celles des peuples  qui vivent dans les différentes parties de l’Asie”. (10)

Steiner n’a pas hésité à exprimer des avis extrêmement négatifs quand il en est venu à juger l’un ou l’autre des peuples asiatiques. Ainsi les Huns ont-ils été décrits par lui comme :

“Les derniers vestiges de peuples de la vieille Atlantide. Ils sont profondément décadents, ce que montre leurs corps éthériques et astrals en décomposition.” (11)

De plus, il y avait “ces peuples qui sont dégénérés parce que leur système nerveux s’est durci à un stade d’évolution beaucoup trop prématuré et qui ne sont pas restés malléables assez longtemps – ce sont les derniers vestiges de ce qui forme la race malaise.” (12) Un autre type de durcissement a relégué les Mongols dans un “peuple de catégorie inférieure .” (13)

* LE DÉPÉRISSEMENT DES INDIENS

La catégorie de personnes que Steiner a trouvé la moins attrayante était les Indiens d’Amérique. Quel que soit leur âge, Steiner considérait les Indiens comme étant en relation avec “les forces qui ont beaucoup à voir avec la mort et le vieillissement.” (14) Il décrit les Indiens comme une “race humaine dégénérée” (15), ce qui serait selon lui la cause de leur extinction :

“Ce n’est pas à cause des caprices des Européens que la population indienne s’est éteinte, mais du fait que la population indienne devait acquérir ces forces qui l’ont amenées à s’éteindre.” (16)

Tandis qu’il décrivait un déficit anormal de l’ego chez les Africains (une faiblesse du Moi), les Indiens d’Amérique avaient selon lui le problème opposé (un Moi hypertrophié). C’est ce qui expliquerait la couleur de leur peau (ou plutôt la couleur de peau que Steiner croyait qu’ils avaient) :

“Et ils développèrent ce Moi si fortement qu’il s’est déversé dans la couleur de leurs peaux : elles devinrent rouge-cuivrées. Voici ce qui a provoqué leur décadence.” (17)

* LA “RACE” BLANCHE

La “race” que Steiner décrit en termes positifs était – sans surprise – la race blanche. Quand il a passé en revue les différentes “races”, il a décrit comment elles ont été affligées par un “durcissement” de différents organes. Il en arrive finalement à ces peuples qui “ne se sont pas durcis du tout”. Ceux-ci se trouvaient dans “ces régions qui comprennent l’Europe et l’Asie d’aujourd’hui.” (18)

Ailleurs, il a déclaré que : “La caractéristique la plus mature  de l’evolution de l’humanité  se trouve dans la zone européenne. C’est tout simplement une loi (naturelle).” (19)

Lorsque des peuples non-européens se montraient performants dans l’une ou l’autre de leurs réalisations, Steiner l’expliquait en affirmant que ces succès venaient de ce que ces peuples avaient appris auprès des Européens :

“On affirme souvent que les Japonais connaissent un développement important qui est basé sur leur caractère – c’est une illusion ! Il n’y a aucun développement chez eux, du moins sur la base de leurs propres capacités. La raison pour laquelle ils ont été victorieux au cours de la dernière guerre vient du fait qu’ils utilisaient des navires de guerre et des canons inventés par les peuples européens, utilisant ainsi une culture étrangère. Il n’y a pas de développement quand un peuple adopte ce que les caractéristiques d’un autre peuple a produit – il doit se développer sur la base de sa propre nature. Voilà ce qui compte !” (20)

Selon les enseignements de Steiner au sujet de la transmigration des âmes, une même âme pourrait vivre dans des “races” différentes au cours de ses multiples incarnations. La race dans laquelle on s’incarne dépendrait cependant de la manière dont on se serait comporté dans sa vie antérieure :

“Une âme peut s’incarner dans n’importe quelle race. Mais si cette âme ne devient pas mauvaise, il n’est pas nécessaire qu’elle s’incarne dans une race en déclin. Elle se réincarnera plutôt dans une race qui progresse.” (21)

En d’autres termes, il est important vous soyez quelqu’un de bien, afin de ne pas devenir un Noir, un Japonais ou même un Indien d’Amérique dans votre prochaine vie !

* LA DÉFENSE ANTHROPOSOPHIQUE

Les anthroposophes utilisent généralement trois lignes de défense, quand la question du racisme de Steiner est soulevée. La première ligne de défense consiste à déclarer que les citations sont “sorties de leur contexte”. C’est une défense très médiocre. D’une manière triviale, toutes les citations sont bien entendu prises hors contexte, mais il ne s’ensuit pas qu’elles induisent en erreur. Pour défendre Steiner, il ne suffit pas de déclarer que des citations comme celles-ci sont “sorties de leur contexte”. Il faudrait également  prouver que le contexte du texte d’où est extraite la citation de Steiner n’était pas raciste.

Or une telle explication n’existe pas. C’est pourquoi les anthroposophes qui utilisent cet argument se satisfont de l’accusation générale du hors-contexte, et ne font aucune tentative pour montrer que ces citations ne sont pas représentatives des textes dont elles sont issues.

On peut d’ailleurs se demander à quoi pourrait ressembler un texte non-raciste de Steiner, quand cet auteur exprime son point de vue avec des phrases comme “l’âme totalement passive du nègre” ou “une race humaine dégénérée”.

La seconde ligne de défense prétend que les déclarations de Steiner auraient été normales à son époque, et qu’elles ne peuvent donc être considérées comme particulièrement notables ni même sujette à  controverses. Cette affirmation ne peut convaincre que ceux qui ne sont pas familiers avec le contexte historique. Les citations de Steiner ont en effet été faites au cours des premières décennies des années 1900, avant l’ère nazie. Ses développements sur les peuples non-européens étaient à cette époque inhabituellement dégradants et offensants, même au sein des régions de langue allemande.

Steiner appartenait ainsi au nombre de ceux qui ont ouvert la voie au nazisme en exprimant l’idée de la supériorité de la race “blanche”.

* LE DERNIER ARGUMENT

Plus récemment, certains anthroposophes se sont mis à utiliser une troisième ligne de défense. A présent, ils prétendent que les textes de ces citations à caractère raciste ne proviennent pas de l’oeuvre « officielle » de Steiner. Car la majorité de ces citations ne proviennent pas de ses livres, mais de ses conférences, qui ont été prises en notes par ses sténographes.

Cet argument est très étrange pour ceux qui connaissent l’anthroposophie et son histoire. Les conférences de Steiner ont  en effet toujours été au centre de l’anthroposophie. Elles constituent la source principale de son enseignement ésotérique, qui ne pouvait par définition pas être transmis à des personnes extérieures au mouvement et donc publiés de manière officielle. Les anthroposophes s’accordent en effet pour dire que les gens qui ne sont pas préparés ne peuvent pas comprendre ces textes correctement.

Antérieurement, la plupart de ces textes étaient gardés strictement secrets. Aujourd’hui, ils font partie de l’ensemble des œuvres imprimées de Steiner, publiées par une entreprise qui coopère avec la plus haute direction internationale de l’anthroposophie. La ligne de défense prétendant que ces conférences ne peuvent être utilisées comme sources, à ma connaissance, n’a pas été exprimée avant que des non-anthroposophes ne les critiquent publiquement et ne dénoncent leur caractère raciste. Les conférences de Steiner sont d’ailleurs encore utilisées à l’intérieur du milieu anthroposophique.

Dans les livres imprimés de Steiner, les déclarations concernant les races humaines sont certes plus modérées que dans les conférences. Il y a une explication à cela : les livres étaient destinés à être lus par des non-anthroposophes. Par conséquent, ils sont généralement – indépendamment du sujet – plus généraux et plus prudents dans leurs formulations que ce n’est le cas dans les conférences.

* UN PROBLÈME DIFFICILE POUR L’ANTHROPOSOPHIE

Évidemment, il n’y a pas que les anthroposophes qui ont des squelettes dans leurs placards. Il existe de nombreux autres exemples  Ainsi le fondateur de la logique mathématique moderne et de la philosophie analytique, Gottlob Frege, qui avaient des opinions racistes. Mais ce n’est pas un problème en soi, car ses travaux sont séparés de son racisme. Et il n’y a pas de philosophes analytiques qui utilisent les écrits racistes de Frege comme source de connaissance des différents domaines de la vie.

Il en va autrement pour l’anthroposophie. Des explications entières de Steiner sur les “races humaines” et leurs actions occupent une grande partie de ses écrits concernant l’Histoire, où les concepts de races- racines et d’ âmes de peuples sont fondamentaux. C’est pourquoi supprimer les enseignements raciaux de l’anthroposophie n’est pas une tâche facile. Ce ne serait pas comme enlever une tumeur isolée, mais bien plutôt comme tenter d’enlever une tumeur avec de nombreuses métastases. Voilà pourquoi cela est si difficile pour les anthroposophes. D’autant que ce qui est en jeu pour eux est le fondement même du mouvement anthroposophique, à savoir la croyance en la veracité des perceptions spirituelles de Rudolf Steiner en tant que source viable de connaissances.

Source :

http://www.skepticreport.com/sr/?p=480#1

14 octobre 2015

Traduit de l’anglais : J.-F. Theys, 17-02-2017.

Revue par Gregoire Perra.

(1) Jesper Jerkert (red.), Antroposofin – en kritisk granskning, Stockholm 2003.
(2) En av de mest ihärdiga Steiner-försvararna är Sune Nordwall på http://hem.passagen.se/thebee/
(3) Artikeln bygger i dessa delar väsentligen på Sven Ove Hansson, “Antroposofins raslära”, Folkvett 4/1988, s. 13–17.
(4) Rudolf Steiner, Die Mission einzelner Volksseelen, 1910, s. 4:6. – La mission des âmes de quelques peuples dans ses rapports avec la Mythologie germano-nordique. Cycle de 11 conférences faites à Oslo du 7 au 17 juin 1910. – GA 121 – Éditions Triades – Supplément n°40 de la revue Triades. Quatrième conférence.
(5) Die Mission einzelner Volksseelen, s. 4:8.
(6) Die Mission einzelner Volksseelen, s. 4:8.
(7) Rudolf Steiner, Welt, Erde und Mensch, 1908, s. 6:16. – L’Univers, la Terre et l’homme, Leur nature et leur
évolution. Rapports de la mythologie égyptienne avec la civilisation contemporaine. – Onze conférences faites à Stuttgart entre les 4 et 16 août 1908. – GA 105, Éditions Triades 1977. Conférence n°6, p. 120.
(8) Rudolf Steiner, Geisteswissenschaftliche Menschenkunde, 1908–1909, s. 5:9. – Le Moi, son origine spirituelle, son
évolution, son environnement. Dix-neuf conférences pour les membres données à Berlin entre le 19 octobre 1908 et le 17 juin 1909. – GA 107, Éditions Anthroposophiques Romandes.
(9) Die Mission einzelner Volksseelen, s. 4:8.
(10) Geisteswissenschaftliche Menschenkunde, s. 5:10–11. (Dans la conférence n°18, Berlin, 3 mai 1909, Le Moi, son origine spirituelle, son évolution, son environnent, GA 107, on voit que dans la traduction française le mot nègre figurant dans l’édition allemande a été remplacé par noir ! On a ainsi : Negerbevölkerung, … Daher sind die Neger schwarz. … Sehen Sie sich diese Farben an, von des Negern angefangen….von der ganz passiven Negerseele… Ce qui montre que les traductions ne permettent pas de se faire une idée exacte des propos tenus par Steiner, car elles sont rendues un peu plus acceptables par les traducteurs. ndt.)
(11) Rudolf Steiner, Die Theosophie des Rosenkreuzers, 1907, s. 37. – La théosophie du Rose-Croix. GA 99, 1907 – EAR
(12) Welt, Erde und Mensch, s. 6:16.
(13) Rudolf Steiner, Vor dem Tore der Theosophie, 1906, s. 37. Även: Welt, Erde und Mensch, s. 6:16.
(14) Die Mission einzelner Volksseelen, s. 4:9.
(15) Welt, Erde und Mensch, s. 6:16.
(16) Die Mission einzelner Volksseelen, s. 4:9.
(17) Geisteswissenschaftliche Menschenkunde, s. 5:14. Se även s. 5:9.
(18) Welt, Erde und Mensch, s. 6:17.
(19) Die Mission einzelner Volksseelen, s. 4:9.
(20) Welt, Erde und Mensch, s. 10:13–14.
(21) Vor dem Tore der Theosophie, s. 42. – Introduction à la science de l’occulte, GA 95, 1906 – EAR