Ménilmontant. S’il y avait bien un lieu où il fallait se rassembler ce mardi soir à 19h pour dénoncer et combattre réellement l’antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes, c’était bien place Jean-Ferrat dans le 20ème arrondissement de Paris. Nombre de manifestants ne s’y sont pas trompés et ont ainsi répondu à l’appel de plusieurs associations et partis de gauche à un rassemblement pour lutter contre les actes antisémites, contre leur instrumentalisation, pour le combat contre toutes les formes de racisme. « L’espace antiraciste qui donne une boussole, une orientation pour tous les mouvements sociaux d’hier et d’aujourd’hui, cet espace il est à Ménilmontant et pas ailleurs » a bien précisé dans son intervention Omar Slaouti du Collectif Rosa Parks.

Contre l’antisémitisme et son instrumentalisation

Et c’est à l’initiative de l’Union juive française pour la paix que plusieurs partis, associations et syndicats de gauche ont appelé à ce rassemblement pour « dénoncer les actes antisémites qui se sont produits ces derniers jours, auxquels, malheureusement, il faut rajouter la profanation d’un cimetière juif en Alsace la nuit passée », comme l’explique Simon Assoun de l’UJFP. « Il s’agit aussi de dénoncer tous les actes de racisme, tous les actes de haine, de rejet de l’autre, de stigmatisation, d’infériorisation d’où qu’ils viennent et quels que soient ceux qu’ils visent, nous concernent toutes et tous. Nous refusons l’instrumentalisation de l’antisémitisme, que ce soit contre le mouvement des Gilets jaunes aujourd’hui, que ce soit contre les quartiers populaires, que ce soit pour criminaliser le mouvement de solidarité avec la Palestine », a-t-il poursuivi. Et de conclure, « ce pouvoir qui ne peut pas répondre aux attentes des Gilets jaunes a décidé d’y répondre en l’accusant de racisme et d’antisémitisme ».

A République, il y a les « architectes du racisme structurel »

C’est ensuite qu’Omar Slaouti du Collectif Rosa Parks a explicité pourquoi il n’est pas possible d’être à République ce mardi à la même heure. « Nous ne pouvons pas être à République, parce qu’à République, il y a ceux qui structurent les inégalités sociales et les architectes du racisme structurel ».

Il précise alors pour ceux qui n’ont pas pu voir l’instrumentalisation que « là-bas, il y a des Dupont-Aignan qui expliquent simplement que parler arabe dans sa famille, c’est former le terreau du terrorisme de demain ». Il y a même « des gouvernements de gauche comme de droite qui ont voté, qui ont mis sur la place publique la déchéance de la nationalité française pour certaines catégories de la population. Ceux et celles qui ont voté à l’unanimité l’Etat d’urgence qui vise certaines catégories de la population. Si nous sommes ici c’est que nous assumons pleinement, sans ambiguïté, que nous luttons fermement contre toute forme de racisme et contre l’antisémitisme ».

La représentante du Parti des Indigènes de la République a dénoncé le fait que « des partis d’opposition comme le PCF, la France Insoumise ou malheureusement Ensemble !, capitulards ou tétanisés, s’associent à une marche téléguidée par le pouvoir qui tente aujourd’hui de criminaliser l’antisionisme et réhabiliter le délit d’opinion en France. »

Contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme contre les Gilets jaunes

« Gilets jaunes ». Cela « signifie simplement ceux qui veulent plus d’égalité sociale », explique Omar Slaouti. Il ajoute ensuite : « Nous ne voulons pas d’un grand débat national sur les migrants et l’immigration. Le problème, ce ne sont pas des milliers de migrants qui fuient l’enfer, ce sont les milliards d’euros qui se retrouvent dans les paradis fiscaux ».

Pour le NPA, Julien Salingue dénonce ce rassemblement en tant que tel comme une provocation de plus. « L’un des organisateurs, le PS, conviait Marine Le Pen à participer au Rassemblement à République. » Avec cette invitation, « le message a été clairement donné, les gens qui se mobilisent ne se mobilisent pas contre le racisme, ils ne se mobilisent pas non plus contre l’antisémitisme », ajoute-t-il.

Julien Salingue finit par dénoncer l’instrumentalisation « dégueulasse »de l’antisémitisme contre les Gilets jaunes. « Alors sur le mouvement des Gilets jaunes : oui, l’antisémitisme, il est là, oui l’antisémitisme est une gangrène. Oui, dans le mouvement il y a eu des actes et des comportements antisémites. Il faut se le dire. il ne faut pas tomber dans la démagogie et vouloir repeindre de la bonne couleur toutes les mobilisations sous prétexte qu’on aurait envie qu’elles gagnent. Oui, il y a des problèmes dans le pays. Oui, il y a des problèmes dans le mouvement des gilets jaunes. Mais vouloir résumer l’antisémitisme au mouvement des Gilets jaunes, ou vouloir faire croire que le mouvement des Gilets Jaunes serait par nature antisémite, c’est là où ça glisse, et c’est là où on n’est plus dans la lutte contre l’antisémitisme mais dans l’instrumentalisation de cette lutte à des fins de stigmatisation sociale, à des fins de stigmatisation contre des militants, à des fins de stigmatisation contre des catégories de population, contre des mouvements de solidarité. C’est politiquement dégueulasse. »

« Gilets jaunes contre l’antisémitisme »

Pour clôturer le bal des interventions, plusieurs Gilets jaunes se sont rendus à la tribune pour dénoncer fermement l’antisémitisme. « Faire de nous ou des gens d’extrême-droite, ou des antisémites, c’est ce que nous ne sommes absolument pas, ce que nous rejetons totalement. Nous sommes tous ensemble », explique le Gilet jaune. « Nous savons que nous sommes stigmatisés à mort par ce pouvoir qui nous craint »explique-t-il. Il est reçu par des applaudissements des manifestants.

C’est l’occasion pour les Gilets jaunes, alors que le gouvernement et les grands médias n’ont de cesse de salir le mouvement, de repréciser leurs revendications. « Je voudrais vous remercier de nous avoir accueilli », affirme l’une d’elle. « Nous sommes traités de fascistes et d’antisémites. Et oui, se faire traiter d’antisémite c’est bel et bien une insulte. Donc nous, humainement parlant, ça nous blesse, car nous tenons à défendre un droit à l’égalité et un droit au respect, ça passe par une rémunération correcte. Il est normal en France que les gens puissent vivre dignement de leur salaire. Nous nous battons pour cette reconnaissance de l’être humain. Il y a parmi nous des juifs dans les cortèges de Gilets jaunes », continue-t-elle.

Elle ajoute : « en France maintenant, il y a de plus en plus de misère, les travailleurs deviennent des misérables. Les gens qui veulent travailler sont des misérables, on ne peut plus vivre dignement. Ce n’est pas seulement manger, c’est pouvoir se cultiver, c’est pouvoir s’amuser. Pour cela il faut un salaire décent pour tout le monde, peu importe la couleur de peau, le genre, le sexe, la religion, l’origine. On se bat pour tout le monde, avant tout », conclut-elle sous les applaudissements des manifestants. « Et vive la lutte des Gilets jaunes. »

Non définitivement, le rendez-vous contre l’antisémitisme, et contre toute forme de racisme, le rassemblement du mouvement social, ce n’était à pas à République mais bien à Ménilmontant ce mardi.