Vers la fin de l’été 2018

Dans un lieu toulousain consacré aux livres la traductrice (Hélène Melo) du livre de Raquel Varela (RV) annonçait le changement du titre de l’ouvrage à paraitre aux éditions Agone. Référencé sur divers catalogues et bases de données et depuis le début comme devant paraitre sous le titre de : Histoire populaire de la révolution portugaise l’ouvrage se vendra désormais sous l’étiquette de : Un peuple en révolution – Portugal 1974-1975.

On ne sait pas si le changement de ce titre, qui ne fut certainement pas sans frais a été à l’origine du retard de la sortie de l’ouvrage. Ce qui est certain c’est que celui-ci est devenu aussi consensuel et interclassiste que le film de Maria de Medeiros et son Capitaines d’avril (1999).

Cette modification vient conforter l’analyse que nous en faisions avant même sa parution officielle fin novembre 2018, plus précisément sur le commerce de ce “Populaire” et du “Peuple” comme populisme chic et à la mode. Le populaire comme mode éditoriale a donc été abandonné au profit du peuple ou la “négation des classes et de leurs affrontements, de la violence de l’exploitation et des conditions de survie.” Car les “histoires” c’est bon pour le “peuple” masse indistincte et informe, malléable et dominée, qui caricature dans sa représentation le plus aliéné de la politique.

Si le titre a été modifié pour un autre au relent New-Age, ce ne fut pas l’unique “surprise” et celle que l’on a découverte n’est pas des moindre. On se demandera donc ce qui a bien pu se passer pour que les “œillets” déjà fanés et présentés par les éditions Agone soient littéralement coupés par cet éditeur.

Du langage des fleurs…

Si l’œillet fut un symbole du mouvement ouvrier l’équivoque joue à plein pour ce qui l’en fut au Portugal au moment du 25 avril car cette fleur fut surtout le signe de ralliement des militaires au projet de démocratisation du régime avec tout ce que cela charrie d’illusion sur “l’institution” militaire de la part de la gauche et de l’extrême gauche du capital. Cette fable des militaires “de gauche” a permis d’alimenter la théorisation de la démocratisation d’une institution profondément liée à l’État et au capital. Ce conte démocrate les éditions Agone l’alimente malgré elle en illustrant la couverture de l’ouvrage sous une forme d’une unique fleur là où l’on s’attendait basiquement à voir un “peuple” au moins en révolution… ou tout du moins en “mouvement” (même métaphoriquement) comme c’est le cas dans l’édition portugaise.

…au maniement du sécateur

Dans le texte sur De la Falsification ou du Trotskisme Universitaire nous avions déjà exprimé toutes les réserves, manipulations et approximations sur le “contrôle ouvrier”, ainsi que l’idéologie de l’auteure dans l’édition originale, jusqu’à y dénoncer une censure politique dans la non-présentation d’acteurs, écrits, journaux et pratiques des courants liés à l’autonomie ouvrière qui infirme les thèses léninistes / trotskistes développées par RV.

Mais on ne se doutait pas que les éditions Agone allaient poursuivre d’une autre manière l’entreprise de censure et de manière radicale.

Ainsi l’ouvrage originellement annoncé par l’éditeur devait comporter environ 600 pages et l’édition qui vient de sortir comporte moins de 400 pages.

Ce décalage est dû au fait que les différentes chronologies des grèves, manifestations et des autres mouvements sociaux ont été externalisés on ne sait où exactement ? Ceci malgré ce qu’annonce l’éditeur cela ne représente pas moins de 99 pages d’amputation par rapport à l’ouvrage original. Il en va tout autant des photographies représentant des manifestations réunions, commémorations et grèves, présentes dans l’édition portugaise et également absentes de cette édition. Mais là ou Agone frappe fort c’est que la bibliographie de près de 15 pages n’est simplement plus présente dans cette édition française !

La nouvelle couverture liée au changement de titre aura-t-elle eu raison du budget consacré à la publication complète de l’ouvrage ? On a peine à le croire.

Est-ce dû au fait que cela chargeait inutilement l’ouvrage ou que la bourse d’Occitanie Livre & Lecture allouée pour la traduction ne couvrait pas la totalité de la publication ? On ne le croit pas non plus.

Ces pages manifestement vues comme superflues par l’éditeur pourtant habitué aux forts volumes destinés à un public vu comme “motivé” nous questionnent jusqu’à remettre en cause sa probité intellectuelle et donc la démarche politique de la structure éditoriale. Elle nous laisse définitivement pantois.

La chronologie

Si on soulignait dans le texte précédent la place “inquiétante” de la chronologie on affirmait également sa nécessité pour comprendre l’action des prolétaires au jour le jour pour qu’elle puisse être reliée à la dimension historique de leurs praxis, ceci face aux récupérateurs politiciens de tous poils. Cette chronologie politique et des actions donnent également le rythme politique infernal auquel étaient confrontés les acteurs du 25 avril tout en mettant la focale sur certains évènements qui pourraient passer pour anodins, mais dont la force indique la puissance du processus révolutionnaire en cours.

La bibliographie

Si l’on dénonçait également la censure de certaines références primordiales effectuées par RV ceci pour la défense de son point de vue idéologique et contre sa falsification, pour la compréhension de ce qu’ont été les luttes ouvrières autonomes (En dehors des partis et des syndicats), faire disparaitre TOUTE la bibliographie et les sources du travail effectué par Raquel Varela c’est aussi à notre avis occulter ce qu’elle censure et s’en rendre donc complice.

Il s’agit donc d’une censure doublée et orchestrée par les éditions Agone. Que cette partie de son travail soit dématérialisée (et pas pour la bibliographie !), ou “cloudisée” n’y change rien car un ouvrage de cette nature ne peut être pris et lu que comme un tout.

Les éditions Agone participent donc de cette censure que nous dénoncions. Elles accompagnent aussi un peu plus l’entreprise de falsification de RV tout comme l’époque de la fragmentation de la mémoire des luttes des prolétaires au Portugal ou de ceux qui sont susceptibles de porter un intérêt aux évènements de ce pays. À moins qu’ils ne s’agissent très prosaïquement que d’une manœuvre marketing et publicitaire vers et pour son site sous couvert d’une publication dite “électronique” introuvable.

Ce qui est certain c’est que les éditions Agone prennent leurs lecteurs pour des cons en faisant de la chronologie et de la bibliographie quelque chose d’annexe ou de superflus, jusqu’au point de la censurer (les sources – la bibliographie) ou de l’externaliser ceci comme le ferait un vulgaire patron.

Synthèse de faux derche

Au mieux ou au pire on ne sait plus trop ici la maison Agone a voulu défendre la coterie universitaire et sa manipulation sous la bannière fallacieuse de la lisibilité de l’ouvrage ou de son accessibilité et peut-être même rentrer dans leurs frais. Mais il n’est pas possible de faire l’impasse dans ce cas de l’improbité intellectuelle que la démarche soulève. Car en portant plusieurs casquettes c’est-à-dire celui du copinage et des affaires commerciales, c’est en définitive sur celle de la bêtise et de malhonnêteté politique que l’éditeur sera définitivement identifié, jusqu’au point d’avoir osé présenter à un public francophone ce que nous qualifions volontiers de livre Agonisant et cadavérique.

Jusqu’au prochain coucou léniniste

Presque ironiquement les éditions Agone annoncent qu’ils feront reparaitre en mai 2019 le nécessaire et important livre de Oskar Anweiler, Les Soviets en Russie (1905-1921). Rappelons comme conclusion que l’édition Gallimard avait été traduite en son temps par un militant proche des idées du communisme des conseils Serge Bricianer et préfacée par un trotskiste de l’OCI Pierre Broué. Cette fois-ci cette édition le sera par Éric Aunoble spécialiste professionnel de son état et au pédigrée aussi proche que son prédécesseur n’en doutons pas.

Dans le monde de la marchandise tout est possible pour un éditeur “militant” promouvoir le léninisme, le trotskisme ou sa critique déformée. Le vrai falsifié est un moment de la censure. Tout est dans tout et son contraire et ainsi de suite et le business continue encore et encore.

L’histoire se répète disait Marx, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce…à dindons ou à pigeons c’est certain.

VOSSTANIE / ArqOperaria Le 5 janvier 2019

 

SOURCE https://vosstanie.blogspot.com/2019/01/des-illets-fanes-pour-un-agonisant.html