De l’irresponsabilité affective… à la prise en charge de l’affectif
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Catégorie : Global
Thèmes : Anti-répressionContrôle socialGenre/sexualitésGuerreLogement/squat
DE L’IRRESPONSABILITÉ AFFECTIVE …
À LA PRISE EN CHARGE DE L’AFFECTIF
Depuis plus d’un an, je me dis qu’il faut que j’écrive un texte sur les notions de prise en charge du relationnel dans les espaces collectifs et dans les rapports affectifs, ainsi que sur la notion de « responsabilité » dans les relations amoureuses et/ou sexuelles. En réalité, je me dis ça à chaque fois qu’une des personnes avec qui j’ai des relations amoureuses et/ou sexuelles se montre irresponsable (c’est a dire régulièrement), ET VOYANT QUE mes amIs font comme si la prise en charge du relationnel ne les concernent pas.
Contexte :
« Dans les couples amoureux hétérosexuels s’expriment encore les identités genrées typées. Les femmes sont conçues et se conçoivent comme compétentes dans la sphère des émotions, des relations, de l’entraide et de la sollicitude, des qualités très utiles aux hommes pour qu’ils puissent se percevoir et être perçus comme « autonomes ». » NICOLE-CLAUDE MATHIEU
Je ne pense pas que l’ « irresponsabilité affective » soit que le monopole des hommes, mais je pense que cette notion d’ir-responsabilité est « genrée » : qu’elle se situe dans un rapport de pouvoir social, de domination où le mot homme peut être remplacé par dominant et le mot femme peut être remplacé par dominée. Être sensible aux émotions des autres, se préoccuper de l’état de la relation n’est en rien de « l’intuition féminine ». De même, la logique, la rationalité, la spontanéité et la prise de risque ne sont pas les traits naturels du « bon mâle ». Tout ceci se retrouvent dans chaque rapport hiérarchisé : patron-ne/employé-e, colonisateur-trice/ descendant-e de colonisé-e, valide/handi, jeune, vieux et vieilles/ adulte… Lorsqu’on est dans une position où l’on dépend du dominant-e et qu’on nous a appris à se percevoir ainsi, on a de bonnes raisons de faire attention à l’autre, de se soucier de comment il/elle vit la relation, et de réfléchir à l’état des relations pour que tout le monde se sentent bien.
Je suis blanche, jeune adulte et mère de personne, hétérosexuelle, de milieu intellectuel et valide. Voulant écrire à partir de mon vécu en tant que personne dominée, ce texte porte essentiellement sur les rapports de domination homme/femme.
Dés toute petite, mon rôle dans la famille était de comprendre/ d’analyser/ d’expliquer à tout le monde – plus particulièrement à mon père et à mon frère – ce qui n’allait pas dans leur vie relationnelle. J’ai donc appris très tôt, comme une bonne petite femme, à prendre en charge le relationnel et à me préoccuper de l’état physique et affectif des personnes qui m’entourent. J’ai appris à ce que les gestes, les mimiques, les demi-mots aient du sens pour moi et à modifier ma pensée et mes actes en fonction. Ainsi, j’ai appris à me définir en fonction des hommes et à chercher le sens de ma vie en m’adaptant aux désirs masculins. Le fait que j’étais définie et me définissais (et me définis encore) par mes relations aux autres, fait que j’étais (je suis) dirigée par les autres plus que par moi-même. Ceci fait que je doute de moi, je recherche l’approbation des autres, mais aussi, absorbée dans les autres, ils ont le pouvoir de définir ma (la) réalité.
Cette prise en charge du relationnel et cette attention aux autres, ne sont pas pour autant des pensées/ attitudes/ comportements que je ne veux plus avoir. Je cherche à ce que tout le monde se sente responsable dans leurs relations aux autres, réfléchisse, agisse pour que tous et toutes on se sente bien et non que certain-e-s se laissent porter par le travail des dominé-e-s.
L’irresponsabilité affective dans les contextes collectifs :
J’entends dire que ce n’est pas vrai que le relationnel, la gestion de la vie collective est moins valorisée et visibilisée que des actions plus « masculines » (écriture de textes théoriques, actions spectaculaires …) dans les milieux anarchistes-squats.
EXPLIQUEZ MOI POURQUOI ALORS, c’est à plus de 80% des femmes/gouines/trans qui lâchent leur activités en cours, changent leur priorités pour gérer ces situations quand une personne « pète un câble » dans nos collectifs ? EXPLIQUEZ MOI POURQUOI ALORS, ce sont des femmes/gouines/trans qui se mobilisent pour trouver des solutions lors d’agressions sexuelles afin que des personnes ne se sentent pas oppressées et mal ; mais aussi pour que l’exclusion de l’agresseur-euse de certains espaces ne se transforme pas en sanction punitive ? EXPLIQUEZ MOI POURQUOI ALORS, on entend parler de comment une personne gère ses relations affectives qu’à partir du moment qu’il/elle a écrit un texte dessus (activité tout à fait masculine) et que plusieurs listes internet vont le/la refouler parce que c’est pas en rapport avec les squats ou l’anarchisme ? Je suis en colère contre les mecs de mon entourage qui ne sentent pas concernés par les situations de violences sexuelles que l’on subit par eux.
Je parle ici de mes amIs qui ne se sont jamais posés la question de ce qu’ils pourraient mettre en place pour que ce ne soit pas que des femmes/gouines/trans (ou presque) qui gèrent collectivement les situations d’agressions visibilisées ; de mes amIs qui ne se posent aucune question (ou de façon très brève) sur leurs propre comportements lorsque des situations d’agressions sont visibilisées (c’est plus facile d’avoir un bouc émissaire) ; de mes amIs qui disent qu’ils ne savent pas ce qu’ils pourraient faire parce qu’ils ne font pas partie du collectif où une situation d’agression a été visibilisée et de mes autres amIs qui disent être trop proche de la personne agressée pour pouvoir se positionner et agir (alors qui va le faire ? : si tu es loin, tu ne vois pas ce que tu peux faire / si tu es proche, t’es trop impliqué dedans !) ; de mes amIs qui disent que sûr dans leurs collectifs tout baigne (comme si toute situation de violence est forcément visibilisée dans les collectifs et qu’il n’est pas nécessaire de réfléchir collectivement à ces situations quand elles ne sont pas visibilisées) ; de mes amIs qui font attention à leur paroles et leurs actes que s’ils pensent que l’on va réagir face à des comportements relous, mais qui vont pas se gêner de nous faire subir des violences s’ils sentent qu’ils n’y aura aucune réaction ; de mes amIs qui vont se bouger qu’à partir du moment que leur amitié avec nous est en jeu (il faut croire que travailler sur comment on oppresse les autres n’a pas de sens en soi) …
Ceci m’amène soit à éviter toute discussion sur ces thèmes avec mes amIs car en continuant je n’arriverais plus à être amie avec eux, soit de pousser des coups de gueule en croyant qu’un autre monde est possible.
L’irresponsabilité affective dans les relations amoureuses et/ou sexuelles :
Se conduire de façon « responsable » dans les relations amoureuses et/ou sexuelles – que ce soit d’un soir, quand l’on se croise, ou régulièrement – demande de l’énergie et donc du temps, et n’est pas toujours facile. Être « responsable », c’est se questionner sur comment l’autre vie la relation, est-ce qu’elle satisfait tout le monde, si non : qu’est ce qui peut être changé ou pas, quelles décisions prendre en fonction de cela ; c’est assumer que des choix feront souffrir l’autre ; c’est parler du type de relation qu’on a envie d’avoir avec l’autre dès le début ; c’est être clair sur le type de relation qu’on a avec l’autre, parler lorsque nos envies changent ; c’est respecter les règles de la relation que l’on a posées avec l’autre et en parler lorsqu’on ne les respecte pas…
Je me suis rendue compte récemment, que dans une relation amoureuse avec une personne responsable qui se soucie de l’état de la relation et y investit un minimum de réflexion (malheureusement cet effort n’a duré qu’un temps), je consacre moins de temps et d’énergie à essayer de comprendre l’état de la relation, à aborder certains sujets qu’avec des personnes irresponsables. De plus, je me sens plus indépendante de la relation car confiante. Ayant opté pour parler de l’état de la relation, notamment lorsque les désirs et envies changent – et faisant confiance à mon partenaire pour assumer cet engagement – ça m’avait permis d’être dans un état de confiance sans sentiment d’insécurité dû à la distance ou la présence d’autres relations privilégiées.
Petit formulaire « d’irresponsabilités affectives » :
l’appréciation de la technique est marquée sous forme de ?
NB : la plus part des exemples sortent de vécu personnel de relations amoureuses et sexuelles, mais aussi de relations amicales, familiales, ou de vie collective .Certains des exemples, sont aussi des histoires d’amies dans des relations hétéros ou lesbiennes.
les pseudo-théories pour ne pas assumer la relation :
• « tu sais on peut mourir demain, alors je sais pas ce que je veux vivre avec toi, je sais même pas si je serais encore vivant la semaine prochaine » ou « il faut arrêter de tout compliquer, il faut vivre le jour le jour » ???
Ok, tu veux vivre le jour le jour, alors reste dans des relations sans lendemain. Mais dans tout les cas, une relation affective et/ou sexuelle, ça implique de s’assurer qu’on est sur la même longueur d’ondes, que tout se passe bien, et de prendre du temps quand il y a des problèmes. Par ailleurs, ce genre de discours dans des relations amoureuses sont parfaits pour rendre l’autre dépendant-e ! Tu prends en charge la relation et tu ne sais jamais, si du jour au lendemain, il/elle ne va pas te dire que c’est fini suivi d’un joli « carpé diem ». Alors tu passes ton temps à chercher des signes annexes pour te rassurer.
• Suite à une demande d’être rassurée sur ce que tu vis avec l’autre, il/elle te sort : « je ne vois pas de différence entre les relations amicales et amoureuses, aucune relation n’est comparable » ou encore « mais si, si tu meurs je serais triste » suivi de « je suis triste à chaque fois que j’entends que des personnes meurent dans le monde » (celle-ci à l’avantage de faire rire tellement c’est absurde… du moins la première fois) ???
Tu viens pour être rassurée et la personne flippant d’être un minimum engagée dans une relation ou d’exprimer qu’elle a des sentiments particuliers pour toi au bout de 3 ans de relation régulière, te théorise « non à l’amour », ou je ne sais quoi. Alors à toi de faire le choix pour gérer ton flippe entre : croire ce qu’elle te dit et d’arrêter alors la relation, ou, comme précédemment, passer ton temps à chercher des signes annexes pour te rassurer. En face, la personne, elle, elle est tranquille de recevoir plein de marques d’affection de ta part vu que tu flippes de la perdre.
• En posant la question « on en est où dans notre relation », on te répond (si on te répond) : « en te posant toutes ces questions sur notre relation, tu me fais peur ! J’ai l’impression que tu es dépendante de moi. Tu es trop attachée à moi. » (avec un « léger » sous entendu que tu n’arrives pas à sortir de ta construction de femme soumise et dépendante)???
Mais qu’est ce que tu crois, si on pose ces questions, c’est parce que toi, tu n’es pas prêt de les aborder ! Si tu prenais un peu plus en charge la relation, je paraîtrai beaucoup moins dépendante. Au lieu de te préoccuper de ma « construction féminine » , préoccupe toi de ta « construction masculine » : ne jamais se poser aucune question sur la relation, ne jamais parler d’affect, mais toujours de « liberté », si ça ce n’est pas genré !
les tactiques et les discours pour ne pas gérer « les relations libres » :
• « ha, je t’avais pas dit ? » ou « mais je pensais que tu avais compris. » ou encore « je pensais que toi aussi tu avais envie de ce type de relation ! »???
C’est un peu facile de supposer que le concept d’amour libre était implicitement entendu. C’est vrai c’est pas toujours évident d’en parler direct, surtout qu’on sait pas toujours quel type de relation on veut avoir avec l’autre, mais s’engager dans ce type de relation c’est aussi assumer la complexité que ça engage et le fait que toute personne n’a pas forcément envie de ce genre de relation. Puis en en parlant dès le début, on risque d’avoir beaucoup plus de refus. C’est sûr que lorsque ça fait 3 mois qu’on est dans une relation, c’est plus difficile de dire qu’on n’accepte pas ce genre de relation car on a déjà vécu des trucs chouettes. Alors on accepte ce qu’on ne voulait pas accepter.
• « c’est comme ça » ou « je suis comme ça, alors si ça te va pas, tu n’as qu’à partir » ???
Tu oublies un peu vite qu’une relation c’est à deux et non la dictature de l’un-e sur l’autre/ les autres. L’instinct a souvent bon dos pour ne rien remettre en question et ne pas assumer que ses choix font souffrir d’autres personnes.
• « t’as qu’à avoir d’autres relations » « tu fais aucun effort pour avoir d’autres relations » ???
C’est vrai qu’avoir plusieurs relations change la donne. A partir du moment où j’ai eu deux relations simultanées, je me sentais moins dépendante d’une de mes relations, j’avais moins peur de ne pas être aimée par l’autre car je m’apercevais qu’avoir une relation avec une deuxième personne n’influençait pas beaucoup mes envies et mes sentiments pour la première personne. J’ai aussi mieux compris comment c’était compliqué d’être responsable dans les relations multiples et du temps que ça me prenait (surtout si on se retrouve quasiment le/la seul-e à se conduire de façon responsable !). Pour autant, le fait d’avoir d’autres relations ne règle pas toutes les souffrances et si pour l’instant j’en ai pas, j’ai qu’à souffrir dans mon coin en fermant ma gueule ? C’est justement parce qu’avoir d’autres relations change la donne, qu’elle instaure une situation dissymétrique, qu’en face, la souffrance de l’autre doit être doublement prise en compte. En plus, c’est pas n’importe qui, qui a facilement des relations avec plusieurs personnes : plus les hommes que les femmes, les personnes centrales dans les collectifs que les personnes périphériques, les personnes valides que les handis, …
• « c’est toi qui arrive pas à gérer tes sentiments, moi ça va, alors c’est ton problème » ???
Ben voyons, pose toi aucune question, c’est sûr tout-e-s tes partenaires doivent s’adapter à tes désirs et vivre la relation comme t’as envie qu’il/elle la vive. Puis, si c’est pas le cas, c’est sûrement parce qu’il/elles ont un problème ! C’est vrai une relation ça se gère pas à deux. Puis la relation libre (surtout quand c’est que dans un sens) est tellement le modèle parfait, qu’il n’y a rien à remettre en question.
• Ton amoureux/se vient te voir tout-e gêné-e en te disant : « heu, là Y, elle a envie que j’aille la voir, alors je sais pas quoi faire… On devait se voir, mais elle aussi a besoin de moi… » ou « je vais voir Y mais j’avais peur que tu le vives mal, alors je viens te le dire pour que tu te sentes pas abandonnée. Ca va aller ? » ???
Tu veux qu’on dise quoi en face ? ben vas-y ! Et oui, on va pas bien le vivre, mais on va pas te retenir de force car en réalité ton choix tu l’as fait ! T’attends quoi, qu’on soit heureux/se que tu nous plantes ? Tu cherches seulement à te rassurer, car tu assumes pas que ton acte va nous rendre triste, car tu te retrouves à faire des actes que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. Prend tes décisions tout-e seul-e et assume qu’en décidant de faire passer une relation avant l’autre, tu crées de la souffrance.
la hiérarchisation des relations :
• « mon temps est compté, tu sais, j’ai 3 autres relations à gérer, elles comptent sur moi elles aussi » : ???
Parce que ça va être ma faute si elles te reprochent que tu passes pas assez de temps avec elles ! Il suffit que tu nous dises ça à toutes, nous on culpabilise et toi tu t’en sors indemne. Si t’arrives pas à consacrer du temps à toutes tes relations, pose toi plutôt des questions sur ta capacité d’avoir 4 relations en même temps et sur pourquoi tu as décidé de collectionner les relations amoureuses.
• « Écoute, on a fait l’amour ensemble qu’une fois » ou « si tu l’as mal vécu je peux pas faire grand chose, j’ai déjà ma relation avec X à gérer et c’est déjà pas facile ! » ???
Ben voyons, c’est déjà tellement dur pour toi de te remettre en question dans une relation que tu ne veux pas perdre, alors celles dont tu en as rien à faire, tu peux les envoyer balader ! Puis c’est vrai que les violences sexuelles ça n’arrive que dans une relation centrale !
l’évitement des discussions et des explications :
• « j’ai pas le temps de discuter, j’ai plein d’autres choses à faire, ou alors que ce soit bref. » (tu comprends, je suis un-e super activiste ) : ???
Tu crois quoi : que nous on a rien d’autre à faire que de réfléchir à cette relation, de vivre mal des trucs et de nous batailler pour amener les discussions ! Si tu as tant de choses à faire et si peu de temps à consacrer à tes relations affectives quand c’est pas au plus beau fixe, alors décide de ne pas avoir de relation privilégiée. Mais quand tu en as, assume.
• Suite à une « pause » dans une relation amoureuse, au moment où vous deviez en rediscuter, tu te rends compte que X à changé d’adresse et que tu n’as aucun moyen de le contacter, alors que lui si. 5 mois plus tard, le croisant (après avoir insisté pour qu’il te voit, alors que t’étais à 3 mètres devant lui) : « Salut ! Tu vas bien ! Je n’ai pas pu passer te voir, je me disais justement que je passerais demain, tu habites toujours à la même adresse ? » (sûrement est-il mort entre temps car tu ne l’as jamais revu.) ???
Difficile de ne pas avoir l’impression qu’on se fout de ta gueule ! L’excuse de « je pensais justement te contacter, te parler de ça, etc. » peut être très habile. Il suffit de tenir ce discours jusqu’au bout (de toute façon ça ne pourra jamais être vérifié), de nous faire culpabiliser d’avoir des mauvaises idées sur ton compte et tu arriveras à ce que ce soit nous qui nous nous excusons !
• Dans la même veine : tu vois Y, et tu restes à la fin du séjour sur les phrases « qu’il faut peut être plus trop donner de l’importance à cette relation. Enfin non c’est quand même chouette, je sais pas. » Bref, c’est un peu flou, vous vous dîtes que vous en rediscutez la prochaine fois que vous vous verrez et que d’ici là vous y réfléchissez. Mais la prochaine fois, elle arrive pas parce que tu es obligé-e de changer ton programme. Tu commences à faire de la place dans ton programme pour la période où vous pourrez vous voir, tout en te posant des questions sur la continuité de cette relation pour l’autre personne. Il répond pas aux mails : peut être qu’il ne peut pas aller sur internet ; tu l’as au téléphone : vous parlez de banalité ; tu lui écris une lettre pour lui poser le problème d’où en est cette relation car tu sens que sinon c’est sûr elle va foirer quand vous vous recroiserez : pas de réponse, mais tu te dis que c’est normal il est impliqué dans une « action spectaculaire et médiatique » ; tu l’appelles à la fin de « l’action spectaculaire et médiatique » : il te dit qu’il avait l’intention de la lire dans l’après-midi (voir paragraphe précédent) ; tu lui laisses un message sur son répondeur 5 jours après pour lui dire que t’attends et que tu stresses. Il te rappelle le lendemain où il t’explique que « le téléphone c’est compliqué, c’est flou dans ma tête, puis avec la distance je sais pas…., j’ai qu’à réfléchir à ce que je veux et te rappeler ce soir. » Cela faisait deux mois que Y savait qu’il voulait arrêter la relation. ???
C’est facile de t’investir dans une relation tant qu’elle a une importance pour toi ou tant qu’elle se passe bien et la zapper complètement lorsqu’elle ne t’ intéresse plus. Tu ne stresses pas trop car tu es au clair avec ce que cette relation va devenir : plus rien. Pose toi surtout pas trop de questions sur comment se sent la personne en face. De toute façon, ça tu n’y penses plus, maintenant que t’as plus envie de cette relation. En plus, t’as d’autres préoccupations, des actions spectaculaires t’attendent. Puis c’est dur à assumer que t’as envie de mettre fin à cette relation… avec un peu de chance la personne en face va oublier que vous avez une relation ! Ou alors, la prochaine fois que vous vous verrez, ça se passera mal et ça deviendra aussi évident pour l’autre que cette relation ne pouvait finir que comme ça. De notre côté, nous, on fait le point sur l’importance que l’on veut donner à la relation, les choses que l’on a envie de modifier… Dans la tête ça cogite, ça se retient d’avoir peur, et on dépense du temps et de l’énergie pour rien.
Les pseudo-excuses pour ne rien remettre en question :
• « je suis désolé, faire ça c’est plus fort que moi ! » ???
l’instinct à souvent bon dos pour ne pas se remettre en question et surtout ne pas perdre ses avantages de dominant-e.
• « je suis désolé, vraiment. Heu là, je suis pas d’accord quand tu dis que j’ai déjà eu des comportements similaires. Je pense que les situations ne se comparent pas. » ???
Souvent combiné avec la passivité plus ou moins total (voir technique suivante), lorsqu’on dépasse un certain seuil d’analyse : quand l’on fait entendre que leur comportement de dominant-e n’est pas que le fruit des circonstances ou qu’on ne pense pas qu’après les excuses tout va changer par miracle. Car il y a des avantages à perdre dans la remise en question.
• « Sur le moment, je ne voyais pas comment faire autrement, puis maintenant c’est trop tard, alors je m’excuse pas, ça sert à rien. » ???
Ben voyons prend même pas la peine de t’excuser, alors une remise en question plus profonde n’en parlons pas. C’est sûr que des excuses pour te donner bonne conscience et recommencer la prochaine fois, tes excuses je ne les accepte pas. Mais, maintenant c’est trop tard de rien, surtout pas de réfléchir comment tu pourrais faire autrement une prochaine fois avec moi ou un-e autre.
La passivité totale :
• « ha bon, il y a un problème » puis « je sais pas ce que j’en pense, j’ai jamais réfléchi à ça » ou « ha bon, on devait rediscuter de ça ? On en a déjà discuté ? On s’est dit quoi déjà ? (souvent transformé en : tu as dis quoi déjà ?) » ???
En face, on fait l’animation : on amène les sujets, pose des questions, explique comment on vit les choses, demande ce qu’en pense la personne en face (blanc ou re – « j’ai jamais réfléchi à ça »), propose des solutions pouvant aller à tout le monde… bref passe une énergie de dingue, avec en plus le doute constant d’exagérer dans ce qu’on dit, vu qu’on pourrait dire un peu n’importe quoi, on recevra un « tu crois ? Si tu le dis ». Pendant ce temps, l’autre fait l’économie de s’investir dans la relation, de passer du temps et de l’énergie pour que cette relation aille bien. Cette technique permet aussi de te rendre dépendant-e car tu n’as aucun repère sur comment la personne en face vit la relation, sur ce qu’elle a vraiment envie : tu restes dans l’insécurité, le doute. De plus, ça permet à la personne de se désengager facilement des accords que vous avez conclus ensemble car en réalité tu n’as discuté qu’avec toi-même (on saura te le rappeler en temps utile).
• Tu es face à ton amoureu-se-x, tu sens qu’il/elle a qu’une envie c’est de te prendre dans ses bras, ou que vous dormiez ensemble, il/elle dit des banalités, tourne autour du pot et finit par dire : « si t’as envie, on peut dormir ensemble » et là tu te rends compte qu’il/elle n’a jamais formulé ses envies en terme de « J’AI envie de dormir avec toi et toi ? ». Soit il/elle attend que toi tu dises tes envies, soit il/elle te fait « comprendre » tes envies : alors que tu n’as strictement rien exprimé (n’ayant pas envie de le/la voir ce soir là), il/elle te sort « là, je sens que tu as envie qu’on se voit, alors il faut que je change un ou deux trucs dans mon programme, on se retrouve dans une heure ? » ???
C’est sûr c’est impliquant d’exprimer ses émotions et ses envies, ça pourrait vouloir dire que cette relation t’apporte quelque chose ! Tu as raison, il vaut mieux rester dans ton rôle d’humble serviteur-euse, de chevalier-e servant-e, car, bien sûr, tu es dans cette relation que parce que nous avons besoin d’un-e prince-sse charmant-e pour nous rassurer et nous sentir moins seules. Dans ces conditions pourquoi te demanderait-on de prendre en charge la relation, si déjà vivre cette relation est un acte altruiste ! Pas mal aussi pour rendre l’autre dépendant-e : on passe tout notre temps à essayer de décrypter si tu as envie de nous voir ou pas, on a l’impression de demander tout le temps et qu’on nous accorde une faveur, puis on culpabilise d’être si demandeuse et dépendante…
l’autoflagélation :
• « je suis nul, je suis trop nul, je suis nul, nul nul… » parfois suivi de « pourras-tu me pardonner un jour ? »???
A force de t’entendre t’accuser, on te rassure, te console : « c’est pas grave, ça arrive… ». Alors t’as réussi à inverser les rôles ! Bravo ! On te dit que des actes que t’as eu craignent, ça te rend tellement triste qu’on doit te consoler…et le sujet de base est évincé ! Bref, on te console de notre affront de visibiliser tes comportements craignos envers nous.
• « j’arrive si peu à réfléchir à notre relation, je suis vraiment trop nul, je me suis construit comme ça et j’arrive pas à changer. Puis je trouve si peu de garçons avec qui en discuter. » ???
J’ai dans mon entourage 5 hommes (se connaissant) qui me disent qu’ils ne savent pas avec quels autres hommes discuter pour avancer leurs réflexions sur les relations affectives, pour être moins pris en charge par les femmes… Peut être que vous n’êtes pas les meilleurs amis du monde, peut être qu’il vous faut chercher d’autres pistes que les pratiques féministes, et sûrement qu’il vous faut plus d’efforts que nous pour parler car on a cette habitude de parler et de réfléchir sur nos relations et nos affects avec les autres depuis longtemps ; mais parfois j’ai l’impression que vous oubliez que ça demande d’investir du temps et de l’énergie et que les premières personnes qui en pâtissent de ce non-changement ce sont les femmes de votre entourage !
la flatterie :
• « tu comprends tellement bien les choses, tu sais ! Vraiment, je t’admire ! » ou « Heureusement que tu es là pour m’aider ! , qu’est ce que je ferais sans toi. » ou encore « tu es vraiment super courageuse de vouloir continuer une relation avec moi. Comment tu peux encore avoir envie d’une relation avec moi. » ???
Tactique du renforcement positif, très subtile. On se sent valorisé-e, aimé-e, mais concrètement, en face, tu es bien content-e qu’on passe toute notre énergie à résoudre les problèmes relationnels et qu’on te libère du temps pour des activités plus valorisées socialement et dans des sphères de pouvoir. Bref, vous n’êtes pas prêts d’avoir réellement envie de changer les rôles. Tactique souvent complétée par l’autoflagélation ou la passivité totale.
Ces différentes techniques se retrouvent souvent combinées ensemble, avec certaines plus utilisées dans une relation et d’autres dans une autre … et un petit mélange dans les contextes collectifs !
NB : J’ai fini par mettre le même nombre de ? partout, parce que dans telle situation, un comportement peut te toucher énormément, alors que dans une autre situation, tu te dis juste que la personne est un bout de tofu pourri.
NB 2 : peut être que vous vous dites que je vais un peu loin et que vous ne pensez pas tout ça quand vous avez tel ou tel comportement irresponsable. Je ne pense pas que vous vous dites tout ça consciemment, de façon calculée, pour autant, je refuse l’idée que c’est fait de manière inconsciente ce qui vous enlèverait toute part de responsabilité (« c’est pas ma faute, c’est ma construction masculine »). Je pense que vous en avez une certaine conscience parce que vos comportements vous amènent des avantages que vous ne lâchez pas comme ça.
Ca fait trois jours que j’écris ce texte, alors je commence vraiment à saturer. Je veux juste finir en vous disant que si j’ai écrit tout ça, c’est parce que je suis en colère. Pour autant, mon but c’est pas (que) de me défouler et de faire du rentre dedans, mais que certain-e-s (et surtout certains) réfléchissent un peu plus à leurs comportements et pourquoi il/elles ont tels comportements : dans leur relations amoureuses et sexuelles, amicales, d’activités, de vie quotidienne…
Colaire en colère
texte écrit en mai 2006 et un peu réactualisé en avril 2008
Il était pas mal ce petit zine, on le voit d’autant plus en le comparant au vide affirmatif actuel. Mais voilà, on a effectivement, et de toutes part (lgbtlande, queerlande) « conquis » hétérolande… en acquérant et reproduisant ses structures. Mais jamais nous n’avons osé aller, même si on se l’est dit des fois entre nous, en « privé », que l’affectif et la sexualité, comme format obligatoire et existentiel, et pire comme fondement politique, c’est hétérolande, ni plus ni moins.