Tours, auteuil, sivens : l’usage dévoyé des enquêtes publiques
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A propos du barrage de Sivens et la zone humide du Testet, on peut lire sur le site Les Grandes Vanités :
« Dans les conclusions de l’enquête publique, les commissaires enquêteurs avaient donné un avis favorable sous réserve de l’avis de la commission nationale de la protection de la nature. A deux reprises, elle s’est prononcée contre le projet. »
De justesse, l’enquête publique avait donc permis de faire barrage au barrage, si l’on peut dire. C’est le préfet qui avait pris parti et tranché, passant même outre les réglementations européennes, comme l’explique un article du site Reporterre intitulé Voici comment l”Europe en est venue à la procédure d’infraction sur le barrage de Sivens.
Dans le périmètre tourangeau, le rôle du préfet apparaît tout aussi orienté. Les associations peuvent lui montrer des manipulations d’écriture ou des manquements évidents aux orientations du SCOT, il s’en lave les mains et ne prend même pas la peine de répondre. Ce représentant de l’État montre là un mépris complet des associations citoyennes, même quand elles sont reconnues, agréées, et théoriquement considérées comme des lanceurs d’alerte. Inversement, leur attitude est très attentionnée et chaleureuse envers les “décideurs” qu’ils rencontrent très souvent…
Pire, le préfet d’Indre-et-Loire s’est même fait le grand promoteur de l’élargissement de l’autoroute A10, persuadant les maires réticents de s’y plier [2]. 58 millions d’euros sont ainsi investis pour l’autoroute de la transnationale Vinci alors qu’il aurait été beaucoup plus pertinent d’investir une telle somme pour améliorer l’étoile ferroviaire tourangelle… et diminuer le trafic de l’A10. Une fois de plus, l’intérêt public est bafoué, les objectifs du Plan Climat aussi, etc. On agit à l’inverse des beaux discours.
Même quand certains services de l’État ont des avis contraires ou très critiques, les préfets font du forcing. C’était le cas pour Sivens, ça l’est aussi aux Courelières, en Haut de la rue Nationale (l’Architecte des Bâtiments de France ne compte pas… [3]) et pour l’A10.
Il est pourtant dans les attributions du préfet de s’assurer de la conformité à la loi des actes pris par les collectivités territoriales et certains établissements publics. Ça s’appelle le contrôle de légalité [4]. On est là dans une évolution constante depuis un demi-siècle, celle d’un Etat qui se désengage de la prise de décision, la laissant à quelques grandes féodalités financières (Vinci, Bouygues, Eiffage, Alstom…).
Des Tribunaux administratifs partisans refusant d’écouter la population
Pour le projet d’extension du stade de tennis Roland Garros dégradant les serres d’Auteuil, la commissaire-enquêteur n’a pas fait grand cas des très nombreuses protestations citoyennes et a épousé l’avis de la fédération Française de Tennis et de la ville de Paris. Dans un article titré Roland Garros : à quoi sert une enquête publique ?, Didier Rykner se plaint d’abord du parti-pris complet du commissaire-enquêteur : « Ce rapport aurait aussi bien pu être écrit par Gilbert Ysern, le président de la FFT que par Anne Hidalgo ». Concernant le Haut de la rue Nationale, ou pour les Courelières ou le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) du secteur sauvegardé de Tours, on pourrait pareillement dire que « le rapport aurait aussi bien pu être écrit par le président de la SET ou de Bouygues Immobilier que par le maire ». Aucune nuance, aucune critique, le projet est formidable. Comment les Tribunaux Administratifs font-ils pour nommer des commissaires aussi bénis-oui-oui ?
On ne s’étonnera pas que tribunaux et préfets se serrent les coudes. Y a-t-il eu un seul jugement condamnant un préfet pour ne pas avoir exercé son contrôle de légalité ?
Didier Rykner rappelle ensuite les propos du commissaire enquêteur dans le cadre de l’extension de Roland Garros. Des propos trop souvent rabâchés (notamment à Tours) par les tenants des projets pour dénigrer les opposants : « D’une part, les personnes s’étant exprimées lors de l’enquête publique sont très mal informées, d’autre part elles sont par nature forcément contre ». Et Rykner conclut : « Est-il utile de renforcer ces parodies de concertation en acceptant d’y participer ? La question mérite assurément d’être posée ».
Il reste l’intérêt de prouver que l’expression citoyenne est bafouée, c’est mieux que de s’entendre dire qu’il n’y a pas d’opposants puisqu’ils ne s’expriment pas… Maigre consolation, mais elle est essentielle pour légitimer ceux qui ensuite résisteront physiquement à ces projets inutiles imposés [5]. C’est parce notre démocratie fonctionne mal qu’on en arrive légitimement là, comme un dernier sursaut de citoyens excédés de ne pas être entendus.
Que faire alors pour que ça s’arrange ? Refusant la proposition du président de la République de créer des référendums locaux, le site Reporterre, dans un éditorial intitulé M. Hollande se fiche du monde, donne la solution la plus simple : que l’État cesse de saborder les enquêtes et qu’il fasse en sorte qu’elles se déroulent dans les meilleures conditions. Dans ce cadre, il faudrait aussi que les préfets exercent leur contrôle de légalité et que les tribunaux administratifs jugent avec pertinence et indépendance.
Constant Chidaine
Illustration : Eric Drooker
Notes:
[1] Article sur La Rotative : Les démolisseurs de la cohérence territoriale tourangelle
[2] Déposition du 7 novembre 2013 sur le blog Pressibus : L’étonnant parti-pris du préfet pour l’élargissement de l’autoroute A10
[3] Site AQUAVIT : Haut de la rue Nationale : Appel solennel aux conseillers municipaux de la ville de Tours
[4] Voir la page Wikipédia sur le contrôle de légalite
[5] Le petit livre noir des grands projets inutiles de Camille, édité par Le Passager Clandestin
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