On l’a compris désormais, la police nantaise, ayant étrangement renoncé à dissuader et à identifier les auteurs d’incendie et de destructions du 22 février dernier à Nantes, au cours d’une journée qui s’apparente de plus en plus à une grossière manipulation d’État, a entrepris plusieurs mois après les faits de fournir abondamment la justice locale en chair à prison.

Comment ? en puisant généreusement dans ses fichiers de militants anti-aéroport, en ciblant notamment ceux qui seraient préalablement fragilisés par un casier judiciaire. Il ne restait plus qu’à les surprendre à leurs domiciles. Au risque de l’erreur judiciaire et du déni de justice : pourquoi s’acharner si tard sur des lampistes, auteurs de faits mineurs, parfois d’ailleurs étrangers au 22 février, et dont la culpabilité n’est souvent même pas certifiée ?

Ce reportage du Monde nous apprend ainsi que la police nantaise s’est mise en grand train pour traquer l’ « ennemi intérieur » anti-aéroport, au risque de négliger d’autres formes de délinquance plus urgentes en ces temps troublés par la montée de l’extrême-droite et de la délinquance financière en col blanc : « Les moyens ont été débloqués en conséquence, avec un groupe d’enquête spécifique au sein de la sûreté départementale de Loire-Atlantique. Onze personnes détachées à plein temps, dont un fonctionnaire du renseignement territorial, un autre de l’identité judiciaire ou encore un policier des services techniques. »

L’identification des militants anti-aéroport repose essentiellement sur « des images du défilé. », mais comme croit l’affirmer pudiquement Le Monde, « la méthode a ses limites ».

Ainsi dans cette affaire d’un jeune homme soupçonné de dégradations sur la mairie de Nantes et une agence Vinci.

Comment a-t-il été repéré ? Par des moyens qui évoquent plus un pays en état de siège qu’une démocratie républicaine : « Comment les policiers ont-ils mis un nom sur les photos ? Son dossier judiciaire ne le précise pas. Mais Le Monde a constaté que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), devenue Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le 12 mai, a constitué un épais album photographique sur les militants locaux. »

Or, indique Le Monde, « Les photos sont trompeuses, notamment celles qui le montrent au seuil de l’agence Vinci, un fumigène à la main. Les vidéos, elles, prouvent qu’il a en fait sorti le fumigène qui avait été jeté dans l’agence, ce que confirme un témoin direct au Monde : ” Il y avait un risque d’incendie, alors que des gens se trouvaient sur le balcon au dessus. ” »

Bref, ce jeune homme est inquiété pour avoir peut-être tenté d’éviter un incendie ? C’est le monde à l’envers… Il est vrai que Manuel Valls à l’Intérieur attendait avec impatience les images spectaculaires des flammes pour donner le ton des commentaires aux journaux télévisés de la fin de la journée ! Rien n’était trop beau pour discréditer 50 000 manifestants.

Conclusion du Monde : « Les policiers ont dû renoncer à lui attribuer l’incendie, mais il est resté poursuivi pour participation ” avec arme ” (le fumigène) à un attroupement. » »

Dans le second article, intitulé avec une ironie contenue « L’ attroupement armé ” était un pacifique ” banquet ” », le journaliste du Monde raconte que des militants anti-aéroport, passagers d’une voiture, peuvent se retrouver (par hasard?) interpellés par la police, et découvrir « qu’ils sont là aussi pour ” association de malfaiteurs ” sans plus de précision ».

Et ce n’est pas fini, conclut Le Monde : « En comparution immédiate, le 19 juin, ils découvrent ce qu’on leur reproche : une ” association de malfaiteurs en vue de préparer un attroupement armé “. L’attroupement armé, c’est la manifestation de soutien à R. qui a lieu au même moment devant le tribunal. Alors que le rassemblement pacifique – un ” banquet, foot, sound system ” – a lieu devant le palais de justice, les trois jeunes comparaissent donc dans le tribunal pour sa préparation. L’audience a été renvoyée au 18 juillet. ” Il n’est pas certain que l’association de malfaiteurs tienne “, estime une source proche du dossier. »

Et oui, mais pourquoi ne pas les accuser de terrorisme, tant qu’on y est, puisque tout est permis s’il s’agit de militants de gauche anti-aéroport ?

En tous cas, l’OBSLAB (Observatoire laboratoire de la démocratie locale), est en mesure de confirmer que toute cette guérilla judiciaire est suivie au plus près par les plus hauts fonctionnaires de la police.

Car hier jeudi 10 juillet, au sortir du palais de justice de Nantes, alors qu’un autre militant anti-aéroport venait de prendre trois mois ferme, que vit-on passer sur place (notre photo exclusive) ?

Monsieur Jean-Christophe Bertrand, himself, directeur départemental de la sécurité de Loire Atlantique, déjà connu pour ses déclarations à l’emporte-pièce à Mediapart, après le 22 février.

Voir notamment : http://www.mediapart.fr/journal/france/180414/nantes-le-chef-de-la-police-assume-sans-reserve-les-blesses-par-flashball

Sur la photo, on voit qu’il repart alors qu’un dernier groupe de militants est toujours face à un rideau de gendarmes, à l’arrière plan. Mais sans doute qu’il ne passait par là que par hasard pour profiter du soleil en bord de Loire, avant de retourner à son bureau au commissariat central ?