La Confédération Nationale du Travail aime se présenter comme «syndicalisme révolutionnaire» et héritière de la CGT d’avant 1914. Lénine définissait le syndicalisme révolutionnaire comme « résultat direct et inévitable de l’opportunisme, du réformisme, du crétinisme parlementaire. (Lénine, «Préface à la brochure de Lunatcharski sur l’attitude du parti envers les syndicats» 1907). La CNT est loin d’être une réaction au collaborationnisme, elle n’en ait que la version «rouge et noire».

Comme les syndicats tricolores, la petite centrale anarco-syndicaliste efface les frontières de classe en jugeant par exemple que «les petit-e-s patron-ne-s ne sont finalement que des salarié-e-s indirect-e-s du système» («Préparons une vraie grève générale illimitée partout en Europe!»). Ces «petits» exploiteurs seraient donc des alliés du prolétariat dans son combat! Ce combat n’est pas contre l’exploitation capitaliste mais contre la «financiarisation de l’économie» et le fait que «La finance s’est détachée de l’économie réelle et a pris le pouvoir sur le monde» (CNT Infos 17 juillet-août 2012 «Pour une réindustrialisation humaine, écologique et démocratique»). Ouvriers, petits-patrons, tous unis pour un capitalisme humain, démocratique et écologique: voici le front anti-libéral à la sauce anarco-syndicaliste!

Ce très bourgeois «anti-libéralisme» est confirmé par les prises de position de la CNT sur le Traité budgétaire européen. Elle le présente comme «un condensé de libéralisme, dans la ligne de ce que peut exiger la droite européenne. Privatisation des services publics des transports, achèvement de la libéralisation du marché de l’énergie, dumping social par l’obligation de libre-échange avec l’Inde ou Singapour, multiplication des partenariats public-privé, la liste est longue des pilules à faire avaler aux peuples européens! » («Traité européen : Basta!», Basta, novembre 2012, bulletin de la CNT Val d’Oise) Le «peuple» serait donc victime à la fois des changements de propriétaire d’entreprises capitalistes (les privatisations) mais encore de la concurrence étrangère (le «dumping social»). C’est le langage des sociaux-chauvins à la Mélenchon, pas celui des révolutionnaires!

Cela s’accompagne d’une nostalgie pour la collaboration de classe. Selon la CNT, aujourd’hui «les organisations syndicales en seraient réduites à faire le “sale boulot” au profit de l’employeur » alors qu’hier « la négociation collective avait pour but d’améliorer la situation des salariés». C’est pourquoi, elle pleurniche car « Au nom du dialogue social on assiste donc à un détournement de la négociation collective dans un sens défavorable aux salariés»! (CNT Infos 15 mars 2012 avril 2012 «Accord compétitivité-emploi ou comment sécuriser la flexibilité!»)

On est bien dans le réformisme que dénonçait l’Internationale Syndicale Rouge (ISR), liée à l’Internationale Communiste, dans son «Programme d’action» en 1921: «L’essence [de la stratégie révolutionnaire] consiste à maintenir toujours bien délimitée la frontière entre les classes, à ne jamais l’estomper, à souligner toujours les principes qui existent, à rendre toujours plus aiguës les contradictions, alors que la tactique réformiste consiste à arrondir les angles vifs, à rejointoyer les fentes, à atténuer et adoucir les contradictions de classes».

De plus, la CNT reprend également la croisade cégétiste pour la «réindustrialisation» et contre les «délocalisations».

Évidemment, comme tout bon réformiste, l’objectif est de démocratiser et d’humaniser le capitalisme. La réindustrialisation est présentée comme l’occasion de le faire: «Il nous faut profiter de ce grand chantier pour faire avancer d’autres idées: économie locale, écologique, sociale et solidaire, démocratique… […] En tant que syndicalistes, nous devons nous battre aujourd’hui pour redévelopper une industrie et en profiter pour la rendre plus humaine, plus respectueuse de l’environnement, plus démocratique. C’est l’occasion de reprendre la main sur l’appareil productif. Les coopératives de production peuvent être un moyen efficace d’y parvenir. Nous devons nous battre pour orienter autrement nos richesses». (CNT Infos 17 juillet-août 2012 «Pour une réindustrialisation humaine, écologique et démocratique»).

«nos richesses»: à qui la CNT veut faire référence cet adjectif possessif? A une «communauté nationale» qui rassemblerait tous les citoyens, comme le prétendent les propagandes bourgeoises et réformistes les plus grossières? Sous le capitalisme les richesses appartiennent aux capitalistes et à eux seuls! Quant à «reprendre la main sur l’appareil productif», quoi que cela veuille dire, cela ne peut être possible que par une révolution qui supprimerait justement cette propriété capitaliste et briserait toute l’organisation économique bourgeoise, et pas par la création de quelques SCOP où les travailleurs sont obligés de s’exploiter eux-mêmes pour faire survivre leur entreprise autogérée!

La CNT s’inscrit dans la plus pure tradition des «contre-plans industriels» de la CGT qui prétendent mieux gérer les entreprises capitalistes que les bourgeois et de l’autogestion qui prétend créer des îlots de gestion ouvrière dans le capitalisme. «Syndicalistes, nous devons lutter pour redonner de l’air à l’appareil productif [sic!]. Il faut arrêter l’hécatombe en terme d’emplois. […] Il faut imposer aux entreprises d’investir dans la recherche-développement notamment dans l’innovation écologique plutôt que d’engraisser les actionnaires. Surtout, il faut redonner de l’air aux travailleurs en augmentant tous les salaires pour commencer et en leur permettant de prendre en main cet appareil productif. Les patrons veulent se tirer de France et bien qu’ils s’en aillent A l’image de Seafrance ou de la lutte des Fralib, les travailleurs doivent être aidés à reprendre leurs entreprises sous forme de SCOP afin d’en devenir les gestionnaires» (CNT Infos 18 septembre 2012 «PSE: Plan de Sabotage de l’Emploi»)

C’est la vieille rengaine réformiste sur «la logique économique [qui] voudrait qu’on cherche de nouvelles recettes permettant de satisfaire les besoins de chacun» («Traité européen: Basta!», Basta, novembre 2012, bulletin de la CNT Val d’Oise). Une fois de plus, la CNT n’a vraiment de révolutionnaire que l’étiquette. Il y a clairement tromperie sur la marchandise!

Les prolétaires ne doivent pas se leurrer sur les anarco-syndicalistes. Ils doivent savoir qui est l’ami et qui est l’ennemi. Ils ne doivent pas espérer réformer le système d’exploitation.

Ils doivent avoir clairement à l’esprit que, comme le disait l’IR: « toutes les armes sont employées par la bourgeoisie, depuis l’artillerie lourde policière jusqu’aux gaz asphyxiants du réformisme. Sur cet immense front, il faut toujours savoir trouver les points faibles, repousser l’attaque et passer à l’offensive, maintenir sa direction, ne jamais reculer devant un moyen de lutte contre l’ennemi de classe, combattre impitoyablement, dans le milieu ouvrier, les espions de la bourgeoisie et leurs acolytes, et, en exploitant méthodiquement, posément et opiniâtrement chaque faux-pas de l’ennemi, avançant quand cela s’impose, se repliant au besoin pour reformer ses rangs, mener la classe ouvrière au but final: au socialisme».

Dans ce combat, les prolétaires ne doivent pas se leurrer: les anarco-syndicalistes sont de faux amis qui se sont depuis longtemps mis au service de l’ennemi de classe.

Parti communiste international

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