L’expansion et l’unification de la lutte
Catégorie : Global
Thèmes : Resistances
Ford Genk, récemment encore une usine de plus de 10.000 employés, ferme définitivement. Depuis les années 90, l’emploi y a été systématiquement réduit, la productivité augmentée, les salaires réduits de 12%. Malgré cela, le rideau tombe sur les 4.300 emplois directs et des milliers d’autres travailleurs sont touchés chez les différents fournisseurs. Après Renault-Vilvoorde (1997), VW Forest (2006) et Opel Anvers (2010), c’est la quatrième usine d’assemblage automobile qui ferme en Belgique. Cela touche durement la région limbourgeoise qui a vu disparaître, il y a 20 ans, plus de 17.000 jobs lors de la fermeture des mines de charbon.
Une crise du secteur automobile ? Et le Limbourg est-il particulièrement visé ?
Licenciements chez Belfius Banque, Arcelor Mittal acier, Beckaert Zwevegem, Volvo, Duferco, Alcatel, etc. A l’évidence, le nouveau drame social n’est pas spécifique à un secteur ou une province. La crise touche tous les secteurs et régions. C’est précisément ce qui rend la situation si dramatique et désespérée.
Au nom de la «compétitivité» et «de la réduction des pertes», les licenciements se succèdent. Encore avant l’annonce de la fermeture de Ford, plus de 3.000 emplois ont disparu de septembre à mi-octobre dans tous les secteurs, toutes les régions, des petites entreprises familiales jusqu’aux grandes multinationales, dans des entreprises nationales comme étrangères. D’autres assainissent drastiquement « sans licenciements secs», comme KBC, Brussels Airlines et Delhaize. Les contrats fixes sont remplacés par des contrats temporaires, des emplois à temps plein par des emplois à temps partiel, des contrats d’employés par des contrats d’indépendants. Le chômage temporaire est généralisé. Le travail saisonnier est de plus en plus la norme tout au long de l’année. Les fameuses « créations d’emplois » dont les médias ont la bouche pleine, se limitent en grande partie à des emplois de qualité inférieure, des emplois par « chèques services ». Afin d’échapper à la pauvreté, de nombreux travailleurs doivent chercher un 2ème ou un 3ème emploi. L’obtention d’un emploi n’équivaut plus nécessairement à un revenu décent!
L’État lui aussi est mal en point. Comme le montre la discussion sur la suspension temporaire (le saut d’index) ou la réforme de l’index, le pouvoir d’achat n’est pas une préoccupation centrale. Toujours au nom de la défense de la «compétitivité de l’économie nationale”, tous les partis bourgeois, de la NVA au PS, sont d’accord pour dire qu’il faut constamment faire des économies pour réduire les coûts de main d’œuvre et améliorer le climat économique. On passe d’un «pacte social», à un autre « pacte des générations ». Car l’État est là pour appliquer les lois du capitalisme: favoriser la recherche du profit, la force concurrentielle et l’exploitation au moyen de mesures coercitives. Les milliards que les gouvernements cherchent pour permettre leurs plans de relance, leur équilibre budgétaire et la réduction de la dette d’État, seront en fin de compte soutirés aux mêmes familles ouvrières. Les allocataires sociaux, les retraités, les fonctionnaires, les enseignants, tous paieront les pots cassés. Selon le nouvel indicateur européen de la pauvreté, 21% de la population en Belgique est déjà menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale. L’inquiétude et l’indignation d’un nombre croissant de familles ouvrières ne se comprend donc que trop bien.
Ford Genk est aujourd’hui une illustration douloureuse de la nature impitoyable de cette attaque générale contre la classe ouvrière: licenciements nombreux, blocage et/ou réduction des salaires (chez Ford, on a accepté précédemment une réduction de 12%, chez VW-Audi 20%), prolongement du temps de travail. Sans riposte ouvrière, Ford Genk annonce des attaques encore plus douloureuses dans le futur pour l’ensemble de la classe ouvrière. La situation actuelle nécessite donc une résistance contre la dégradation des conditions de travail et de vie de la plupart d’entre nous. Elle contient aussi les germes d’une riposte commune de toute la classe ouvrière. Ce n’est pas que le personnel de Ford, mais tout le monde qui est visé, c’est pourquoi aussi tout le monde doit s’indigner, être solidaire, se mobiliser classe contre classe!
A qui la faute? Y a-t-il un bouc émissaire?
Depuis des décennies, on nous promet une sortie de la crise et de la misère. Le bout du tunnel était en vue, nous disait-on, encore quelques ultimes mesures exceptionnelles et des solutions durables s’imposeraient, les rationalisations ne surviendraient plus que dans «les vieilles industries», dans «des sociétés mère ou des filiales malades » ; plus tard, tout était cette fois-ci la faute « du vieillissement de la population» ou «des réfugiés», de «l’émigration incontrôlée » (la conséquence d’une misère et d’un désespoir pires encore ailleurs dans le monde!) ; plus tard encore les coupables du moment étaient les « bad banks », les fraudeurs, etc. Aujourd’hui, c’est de la faute du PDG de Ford que ce bain de sang social a lieu. Auparavant, lors de la fermeture des mines, les boucs émissaires étaient le ministre flamand socialiste De Batselier et le PDG de la société minière Gijselinck. Derrière toutes ces pseudo vérités et ces discours populistes creux se cache la propagande bourgeoise qui cherche constamment à trouver des boucs émissaires de telle sorte que la question de la faillite du système capitaliste ne soit pas posée. Ainsi, la colère est canalisée et est orientée vers la désignation de « coupables», faits sur mesure, pour mieux «diviser et régner».
Ce même scénario décrit ci-dessus est appliqué dans presque tous les pays du monde, les médias en témoignent quotidiennement. Évidemment, il y a des variantes, tout comme il y en a selon le secteur ou la région en Belgique même. Cependant, partout dans le monde, la question est posée : qui est le responsable de la crise ? Cette question a également été au cœur des débats dans les mouvements du «printemps arabe» en Tunisie et en Égypte, dans ceux des «Indignés» ou de «Occupy Wall Street».
Depuis plusieurs années se sont succédé, au niveau mondial, les crises de l’immobilier, de la bourse, du commerce et de l’industrie, des banques et de toutes les dettes souveraines des Etats. Ainsi, le total des dettes souveraines dans la zone euro s’élève à 8.517 milliards d’euros. Soit une moyenne de 90 % du produit intérieur brut de la zone euro. Une grande partie de celle-ci ne sera jamais remboursée. Quelqu’un doit financer ces dettes, mais financer des dettes impayables signifie finalement qu’on devient insolvable soi-même (un risque qui menace par exemple l’Allemagne). Comment le système peut-il alors financer la relance indispensable pour arrêter le bain de sang au sein de son économie ? En continuant à le faire essentiellement au moyen de mesures d’austérité et de rationalisation, il réduit encore le pouvoir d’achat dont il a besoin pour écouler ses produits, ce qui produira encore plus de rationalisations, de fermetures, de réductions des salaires. S’il écume le marché de l’épargne en imposant des taux d’intérêt dérisoires sous les 1%, tandis que l’inflation atteint les 2,76%, les réserves que de nombreuses familles ouvrières avaient mises de côté pour affronter des contretemps, l’accumulation de dettes ou le chômage, fonderont comme neige au soleil. Quelle que soit la méthode, elle ne peut donc mener à terme qu’à une nouvelle forte baisse du pouvoir d’achat. Devra-t-il se résoudre à faire marcher la planche à papier pour imprimer des billets supplémentaires, comme l’ont fait les USA, le Japon ou la Grande-Bretagne, afin de les mettre sur le marché à des taux de prêt extrêmement bas ? De cette manière, le système capitaliste accentue l’abîme des dettes et en revient au point de départ : en fin de compte, il faut toujours que de la valeur nouvelle soit produite en contrepartie de cet argent imprimé pour repayer les dettes. De l’argent fictif ne peut faire l’affaire, tel notre épargne que les banques remettent en circulation sous la forme d’un emprunt, tandis qu’elles nous font croire qu’il se trouve toujours sur notre compte. De la valeur nouvelle n’est obtenue qu’à partir du travail effectué en lui ajoutant une plus-value : les frais de production d’un produit ne peuvent constituer qu’une fraction de leur valeur de vente totale. Mais pour ce faire, il faut un marché solvable. S’il n’existe pas ou à peine (comme c’est le cas depuis des années), nous entrons dans une crise de surproduction permanente. C’est pourquoi des usines ferment, baissent leurs coûts de production (les salaires), augmentent la productivité, c’est pourquoi aussi les frais improductifs (sécurité sociale, allocations de chômage, retraites) sont constamment comprimés.
Tout ceci constitue la loi générale de la manière capitaliste de produire, qui ne peut être contournée par aucun patron individuel ou par aucun gouvernement particulier ! Si aujourd’hui les usines s’arrêtent, ce n’est pas parce que les travailleurs ne veulent plus travailler ou parce qu’il n’y a plus de besoins à assouvir, mais simplement parce que les capitalistes n’y voient plus de profit à réaliser. Le système capitaliste mondial est gravement malade : les marchés solvables se réduisent comme peau de chagrin et le profit ne peut être maintenu qu’à travers une spoliation sociale et une exploitation toujours plus intenses.
Se mobiliser massivement, forger l’unité, rechercher la solidarité, avoir confiance en sa propre force
Durant ces six derniers mois, protestations, grèves, manifestations massives ont éclaté sur tous les continents : de l’Argentine au Portugal, de l’Inde à la Turquie, de l’Egypte à la Chine. Ainsi, en septembre, des centaines de milliers ont occupé la rue au Portugal, des dizaines de milliers ont manifesté en Espagne en Grèce et en Italie. Au Japon, des manifestations contre la baisse des conditions de vie d’une telle ampleur n’avaient plus eu lieu depuis 1970 (170.000 manifestants à Tokyo). Partout, les mêmes questions sont posées : comment faire face à de telles attaques, comment organiser la lutte, quelles perspectives avancer ? Ce sont les mêmes questions que se posaient déjà les jeunes et les chômeurs du mouvement massif des Indignés ou de Occupy en 2011, e.a. en Espagne, en Grèce, aux USA ou au Canada.
A ce propos, trois besoins centraux pour la lutte ont été mis en avant : la nécessité de l’extension et de l’unification de la lutte, l’importance du développement d’une solidarité active parmi les salariés, les chômeurs et les jeunes et enfin le besoin d’une large discussion à propos de l’alternative pour le système actuel en faillite.
Notre vraie force est notre nombre, l’ampleur de notre lutte, notre destin commun, notre unité au delà des frontières des secteurs, des races, des régions, des pays. Face à un monde divisé et cloisonné par les intérêts personnels étroits d’exploiteurs arrogants, face au « chacun pour soi », à leur « compétitivité », nous devons opposer notre unité et notre solidarité. Nous devons refuser de nous laisser diviser, de réduire nos problèmes à des questions spécifiques et séparées, propres à l’entreprise, au secteur ou à la région. Non à la rivalité entre « jeunes » et « vieux », entre « fixes » et « temporaires », entre employés et ouvriers, entre travailleurs de la maison-mère et des filiales, entre travailleurs d’ici et d’autre part, …
Cette unité est non seulement indispensable, elle est aussi possible aujourd’hui !
– L’extension de la lutte et de la solidarité avec d’autres secteurs et entreprises, qui sont fondamentalement touchés par les mêmes attaques et qui luttent souvent de manière isolée dans leur coin, pourra le mieux être engagée en envoyant des délégations massives vers les autres usines, c’est ce que nous apprennent les expériences de luttes précédentes ici comme ailleurs. Nos actions doivent renforcer notre lutte, l’étendre et lui donner des perspectives. Aller dans la rue pour « se défouler », mener un long combat isolé, chacun dans son usine ou sa région, ne permettront jamais de développer une lutte générale et massive.
– L’expérience nous apprend aussi que des actions comme la prise en otage de patrons, le sabotage de la production, le blocage de lignes de chemin de fer ou des actions désespérées, comme la menace de faire sauter l’usine, ne favorisent nullement l’union et l’extension de la lutte. Elles mènent au contraire à la démoralisation et à la défaite.
– Les leçons des luttes passées mettent en évidence que travailleurs et chômeurs doivent prendre en mains leurs propres luttes. Pour développer une véritable discussion collective, pour réfléchir et décider collectivement, il faut appeler à des assemblées générales massives, au sein desquelles chacun peut intervenir librement et avancer des propositions d’action, soumises au vote de l’assemblée. Pour forger l’unité du mouvement, ces assemblées doivent être ouvertes à tous les travailleurs et les chômeurs.
Et attention à la supercherie ! L’autre classe – la bourgeoisie – parle aussi de « solidarité » et « d’unité ». Elle appelle aux sacrifices des « secteurs forts » en « solidarité » avec les « secteurs faibles », pour répartir équitablement la misère. Quand son « gâteau devient plus petit », la discussion ne peut porter selon elle que sur une répartition « équivalente» de l’austérité qu’elle nous impose, sur ce qui est profitable à la compétitivité et à l’intérêt national . Elle appelle donc à « l’unité » avec les intérêts du capital. Comme si la répartition équivalente de la misère la rendait supportable ! Comme si la gestion commune de l’exploitation supprimait cette dernière. Ce discours ne sert qu’à entraver la mise en question du système et la recherche de perspectives dans le cadre d’une autre société basée sur l’assouvissement des besoins de tous et non pas des intérêts particuliers de certains !
unité – solidarité – extension et généralisation – confiance en ses propres forces – classe contre classe
Notre force, c’est notre solidarité, pas leur compétitivité
Courant Communiste International
“L’expansion et l’unification de la lutte” ne pourront se faire que si les “révolutionnaires” professionnels arrêtent de donner des leçons au prolétariat du haut de leurs dogmes et participent un tant soit peu aux luttes au lieu de dénigrer systématiquement celles des autres.
QUELLE UNITÉ DES RÉVOLUTIONNAIRES ?
Un Appel à l’unité des libertaires circule depuis plusieurs mois dans le milieu anarchiste francophone, et s’adresse aux personnes comme aux groupes (1). Cet appel prolonge une brochure publiée aux Editions du Monde libertaire et d’Alternative libertaire (Belgique) intitulée : Unité pour un mouvement libertaire, un appel qui n’a pas pour « objectif d’initier la création d’une nouvelle organisation libertaire ». C’est une initiative dont un des objectifs est « la tenue des états généraux du mouvement libertaire »… C’est déjà tout un programme ! Nous sommes intéressé-e-s par ce type de démarche, nous en avons discuté lors de nos dernières rencontres nationales, et nous en reparlerons lors du camping de cet été, puis dans un numéro hors série. Ainsi le texte qui suit est-il une synthèse des premiers débats au sein de l’OCL : il tente de présenter une réflexion collective en cours, et espère être une contribution aux échanges autour de cette question, contribution qui, pour être constructive, ne peut être que critique…
L’unité… ?
C’est un fait bien connu, il existe autant de conceptions de l’unité que de parties à unir. L’unité fait partie de ces thèmes récurrents dans l’histoire du mouvement révolutionnaire, contre lesquels personne ne peut être, bien que la définition de l’unité du voisin ou de la voisine ne soit jamais la bonne, et qu’ainsi les bonnes volontés unificatrices se soldent généralement par un accroissement des divisions. Ainsi vont le plus souvent les recompositions politiques.
Notre sympathie pour cette démarche unitaire va donc moins à la question de l’unité même qu’à la démarche d’échanges et de débats qu’une telle volonté suppose. En effet, personne n’a intérêt à réciter ses vérités dans son coin, entre camarades d’une même organisation, ou entre complices d’une même dynamique de lutte. Il est nécessaire d’affirmer et de défendre ses positions dans un espace contradictoire, pour les confronter au réel et à l’adversité, pour progresser individuellement et collectivement, et surtout pour ne pas verser dans les dérives sectaires et idéologiques, et sombrer rapidement dans la sclérose qui menace constamment les révolutionnaires en l’absence de révolution… En d’autres termes, il est indispensable de se confronter avec d’autres, non pas pour bâtir des chimères rassurantes et grégaires, mais pour contribuer aux fondements d’une dynamique révolutionnaire pouvant ébranler l’ensemble des aspects de la domination contemporaine. C’est bien sûr ce que nous faisons quotidiennement dans nos pratiques militantes, mais cette confrontation doit aussi s’exercer à un niveau plus théorique, sur le plan du débat collectif. Ainsi, l’annonce, par les initiateurs de l’Appel, d’une brochure-document de travail faisant un état des lieux autour de sujets de fond (le travail, l’individu, la mondialisation…) avec des pistes d’actions collectives semble aller dans ce sens du débat commun.
Il est par ailleurs intéressant de souligner qu’en dehors de l’Appel dont il est question dans ce texte d’autres démarches unitaires sont en cours : un appel de la CGT espagnole pour une dynamique unitaire internationale (voir encadré plus loin), et une demande de rencontre faite par le secrétariat aux relations extérieures de la Fédération anarchiste aux principales autres organisations du courant anarchiste francophone.
… du mouvement ?…
Cet Appel à l’unité postule l’existence d’un « mouvement libertaire ». Or, le terme mouvement est ambigu. Parle-t-on là d’une identité de référence, pour un ensemble épars de militant-e-s, ou d’un acteur identifiable sur le terrain des luttes contre l’État, le capitalisme, le patriarcat, et toutes les formes de domination ? L’OCL définit généralement un mouvement ainsi : « Ce n’est pas un simple regroupement de militant-e-s, mais au contraire un ensemble de gens touchés par un problème précis et qui tentent de réagir à telle ou telle forme de l’oppression et de l’exploitation qu’ils subissent (2). ». Cette définition concerne plutôt les mouvements de lutte, tels qu’ils se constituent au gré des dynamiques, qu’un courant politique défini… Mais, quel que soit le sens sur lequel on s’accorde, il ne nous semble pas qu’existe un mouvement libertaire, la disparité des membres supposés engendrant une diversité des positions, aspirations et velléités d’action trop grande pour que tout ce monde puisse être englobé sous un titre générique. Resterait donc le qualificatif libertaire comme tronc commun
Le terme libertaire n’est cependant jamais clairement défini, que ce soit d’une façon générale ou précise, dans cet appel aussi bien que dans la brochure qui l’a précédé. L’appellation de libertaire est changeante selon que le moment historique est une période de luttes intensives ou de régression sociale. On peut ainsi passer d’un élargissement de l’anarchisme révolutionnaire à des composantes antiautoritaires (3) se situant sur le terrain d’un changement de société, par le développement de la lutte de classes, à un ensemble de gens défendant une sorte d’identité culturelle, ou de mode de vie, articulée autour d’un concept de liberté somme toute bien vague et souvent synonyme de libéral.
L’Appel recherche l’unité de tous ceux et de toutes celles qui veulent mettre en œuvre un anarchisme social sans que celui-ci soit davantage défini. S’il s’agit, comme on le présume, des personnes qui se réclament de l’anarchisme tout en s’inscrivant dans des dynamiques sociales, c’est déjà un acquis, car on échappe alors à l’idéalisme anarchiste abstrait, sorte de position philosophique coupée de toute réalité ou préoccupation sociale. Mais cette évocation nous paraît tout de même insuffisante, comme nous le verrons plus loin ; d’autant que l’appel fait cohabiter l’« anarchisme social » avec les « anarchistes de cœur », ce qui est là encore une définition évasive se prêtant à toutes les équivoques, et permettant de raccrocher à la locomotive unitaire absolument n’importe qui sur une simple base affective, non sur des accords politiques ou théoriques
Le mouvement libertaire dont il est ici question peut être considéré comme un synonyme du mouvement anarchiste, traditionnellement décrit par les historiens comme l’addition de trois blocs : l’un individualiste, l’autre syndicaliste et le dernier communiste. Nous ne pensons pas que les actuelles divisions des anarchistes soient toujours fonction de ces trois courants historiquement datés. En fait, il existe une autre séparation, bien plus fondamentale, entre, d’une part, des « anarchistes » qui aspirent à la reconnaissance, au sein du système, d’un « espace culturel libertaire », et d’autre part, des anarchistes qui s’accrochent à un changement social radical et n’ont pas enterré, au nom du réalisme, l’idée de révolution et de rupture avec le capitalisme par le développement de la lutte de classes.
Ce clivage est fondamental car les premier-ère-s, sans être d’ailleurs renégats par rapport à leurs idées, sont amené-e-s à accepter le capitalisme comme inéluctable, et donc à rechercher un aménagement de la société telle qu’elle existe et à s’en contenter, puisque des « espaces libertaires » peuvent s’y épanouir. Ceux et celles-là, qui considèrent que les outils d’une lutte sont une finalité acceptable et suffisante, sont prêt-e-s à supporter un capitalisme à visage humain, dès lors que le pouvoir tolère une sphère libertaire… Ce projet est culturellement, politiquement et socialement conforme aux aspirations des classes moyennes, qui partagent avec certains secteurs de la bourgeoisie des références et modes de vie issus des années 70 ? allant de l’union libre à la fumette… en passant par des comportements et des modes de consommation en vogue : bouffe bio, tourisme vert, médecine douce… Les nouvelles figures sociales mises en exergue ces derniers temps, telles que les « bobos » et les « lilis (4) », illustrent assez bien les dérives et confusions possibles : les indispensables préoccupations liées à la vie quotidienne sont vidées de leur contenu et détournées de leur finalité subversive pour constituer de nouvelles normes intégratrices et aliénantes.
On peut alors comprendre, sociologiquement, que des « anars » ou des « libertaires » puissent se retrouver à défendre la démocratie occidentale aux côtés de l’OTAN, des valeurs républicaines comme la laïcité et la citoyenneté, à devenir francs-maçons… aux côtés de sociaux-démocrates dont ils partagent tout ou partie des aspirations et des modes de vie, et verser ainsi dans un réformisme prétendument radical qui fixe mal la frontière entre compromis et compromissions.
… libertaire ?
Pour nous, la « famille libertaire », la grande communauté des « anars de cœur », est un leurre idéologique : Vouloir à tout prix agglomérer, au nom d’une filiation supposée, des sensibilités par trop diverses conduit à l’inertie pratique et à la paralysie théorique ! En revanche, nous nous sentons proches de tous ceux et de toutes celles qui veulent changer radicalement la société. N’en déplaise à certain-e-s, notre projet de société demeure le communisme, c’est-à-dire une société dans laquelle les moyens de production et d’échanges seront gérés directement par les producteurs et productrices, et qui fonctionnera selon le principe « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Cet objectif était d’ailleurs commun à Bakounine et Marx, car historiquement construit sur la base des aspirations émancipatrices du prolétariat urbain et rural, révélées au travers des pratiques de la lutte de classes. Ce communisme est anarchiste, car il vise à l’éradication de toute forme de domination, politique, économique, morale et patriarcale. De ce fait, pour nous l’anarchisme n’est pas réductible à une finalité éthique ou une morale de vie, et nous ne perdrons jamais de vue qu’il était et qu’il est toujours question de révolution sociale.
L’Histoire a montré que les autoproclamés de Marx, c’est-à-dire les léninistes, reproduisaient la société de classes en s’accaparant le pouvoir de l’Etat, qui ainsi ne risquait plus de dépérir, et finissaient par instaurer une dictature bureaucratique au nom du prolétariat, qui avait bon dos !
Certains de ces descendants tendent maintenant à être partie intégrante d’une des facettes de la société capitaliste, en défendant par exemple l’idée et la pratique d’une démocratie participative, aux côtés d’ailleurs de certain-e-s libertaires « réalistes » qui veulent « réactualiser l’anarchisme ». Ceux et celles-là ont fait leur deuil de la révolution sociale, pour se contenter d’options réformistes crédibles et digérables par le système, et ils-elles sont en voie d’occuper la place vacante de la social-démocratie qui mène directement au social-libéralisme, comme n’importe qui peut le constater quotidiennement.
Sans oublier que d’autres léninistes persistent à vouloir créer le Parti… ce qui nous ramène inéluctablement à la case goulag !
Nous ne détenons pas, en tant que communistes libertaires, une quelconque vérité révolutionnaire, nous ne sommes et nous ne serons que l’une des composantes du mouvement révolutionnaire, qui survit difficilement en cette période où le capitalisme a su intégrer et désintégrer toute contestation fondamentale. Mais il faut avoir conscience qu’il ne pourra y avoir développement d’un mouvement révolutionnaire anti-autoritaire que si, parallèlement et dialectiquement, les mouvements sociaux se développent quantitativement et qualitativement, que si des remises en cause globales de l’ordre social se font jour dans des franges significatives de la population. C’est à cette seule condition que pourra se reconstruire une perspective révolutionnaire anticapitaliste, et donc potentiellement communiste libertaire…
Arrêtons de rêver !
Ce qui choque dans cet Appel, et plus encore dans la brochure initiale, c’est l’impression que les auteurs renoncent tout simplement à l’idée même de révolution… Quand on lit que « rêver de barricades et de guerre civile est lamentable », il faut le comprendre comment ? Dans la période actuelle, sous nos latitudes, dans le rapport de forces complètement dégradé que nous connaissons, ce n’est pas « lamentable » mais malheureusement du domaine du « doux rêve », car les révolutionnaires sont loin d’être à l’offensive. Mais demain et ailleurs ?
Comment arriver à transformer radicalement la société ? Certes, l’éventail des méthodes de lutte et des moyens d’action est à réactualiser, et à repenser sans cesse (de la non-violence active à la lutte armée en passant par le syndicalisme). Mais il ne faut pas rêver ! Que les militant-e-s le veuillent ou non, quand un changement radical de société se posera concrètement, cela va nécessairement saigner, et cela saigne déjà à la moindre menace un tant soit peu sérieuse contre les intérêts économiques et stratégiques de l’Occident ou du capital. Pour renverser l’ordre des choses, qui n’est pas une abstraction mais la traduction concrète de la domination d’une minorité sur l’immense majorité, comment faire l’économie du conflit et de l’affrontement de classes ? Écarter l’idée de révolution pour renoncer à l’idée de rupture violente avec le système en place illustre les dégâts que font dans les esprits l’idéologie de la pacification des rapports sociaux et du consensus…
Depuis des dizaines d’années, d’aucuns pensent que le courant anarchiste reste le seul acteur politique pouvant porter un changement radical de société. Cela s’est amplifié au moment de la destruction du mur de Berlin en 1989. En fait, plutôt que de voir les aspirations révolutionnaires s’inspirer des thèses anarchistes, c’est surtout l’idée de Révolution qui a été progressivement défaite depuis la Seconde Guerre mondiale.
Certains nuanceront en disant qu’aujourd’hui on constate un développement d’une présence libertaire dans tout ce qui bouge, c’est-à-dire dans la majeure partie des mouvements sociaux de ces dernières années, dans les rassemblements « antiglobalisation » aux quatre coins de la planète ; mais on est bien loin d’un phénomène de masse. La masse, y compris celle qui peut à un moment donné lutter, semble bien loin de s’impliquer dans (même d’aspirer à) un processus de changement de société. En fait, c’est le système capitaliste qui triomphe aujourd’hui et qui mène l’offensive.
« La présence libertaire qui s’affirme là où ça bouge » et « sa visibilité de plus en plus incontournable au quotidien » ne semblent pas franchement évidentes, ou du moins restent insatisfaisantes si elles se réduisent à la comptabilité des drapeaux noirs ou noir et rouge dans des mobilisations sporadiques.
Quand à l’« unification à la base » dépeinte dans la brochure, elle mérite d’être questionnée. Des pratiques communes entre militant-e-s d’organisations différentes et/ou inorganisé-e-s existent bel et bien ici ou là, en fonction des moments ou des spécificités locales, mais le phénomène n’est pas nouveau. Ce qui fonctionne relativement bien également, c’est la solidarité contre la répression ou l’union ponctuelle contre une adversité commune. Mais lorsqu’il y a nécessité à mener des campagnes d’envergure, lorsqu’il y a urgence à prendre des positionnements importants, comme ce fut le cas pendant la guerre au Kosovo, ou lorsqu’il s’agit de choix stratégiques comme dans le mouvement des chômeurs, l’unité des libertaires vole en éclats, y compris dans les groupes de base. Trop souvent, quand il s’agit de faire de la politique (intervenir dans le débat public, construire un pôle de forces et mettre en pratique nos idées pour peser sur une situation), il n’y a plus ni unité ni mouvement libertaires, faute de positions communes — des positions communes qui sont bien souvent éludées par un fonctionnement collectif centré sur l’implicite libertaire qui nous réunit !
L’«unité des libertaires» a son histoire
Nous ne remonterons pas jusqu’à l’après-Révolution russe, mais l’«unité des libertaires» a une histoire récente.
L’OCL, comme d’autres, a toujours tenté l’unité dans les luttes ou dans les dynamiques locales quand c’était possible, et nous continuerons de le faire. Ce discours a connu quelques concrétisations au moment de la lutte d’indépendance du peuple kanak, où beaucoup d’anarchistes se sont retrouvés dans la Coordination libertaire anti-impérialiste (CLA) sur des bases politiques clairement anticolonialistes. Mais cétait dans le milieu des années 80… Puis, la dernière fois où s’est tenue une initiative collective d’envergure dans la mouvance libertaire, ce fut en 1996 au sein des Groupes anti-G7 (celui-ci se réunissant alors à Lyon). L’unité fut sommaire, et le bilan provoqua un certain nombre de divisions. Depuis cette date, l’OCL a tenté à diverses reprises de fonctionner collectivement avec d’autres ; la dernière fois au moment de la Marche mondiale des femmes, voici un an, et ce fut un échec ! Il est alors légitime de poser ces deux questions : s’il y a aujourd’hui une volonté unitaire, pourquoi ne s’est-elle pas concrétisée récemment dans des pratiques communes ? Quels sont les changements récents du paysage libertaire qui auraient amené une telle volonté de regroupement ?
On ne compte plus les luttes récentes auxquelles des anarchistes participent ou dans lesquelles ils et elles sont des éléments moteurs, sans qu’il y ait une quelconque unité (le Mouvement des chômeurs et des précaires de l’hiver 1997-1998, l’antinucléaire, la lutte des sans-papiers…). S’il n’y a pas eu d’unité, cela ne s’explique pas seulement, comme le disent les initiateurs du présent « Appel à l’unité », par des querelles de leader-e-s ni même par des querelles de chapelles à la recherche d’une hégémonie. C’est un problème de divergences politiques réelles, avec essentiellement des implications sur les terrains de lutte. En effet, certain-e-s privilégient, pour des raisons d’efficacité, une démarche avec des — et au sein de — structures institutionnelles pendant que d’autres, dont les membres de l’OCL, veulent développer des structures autonomes rupturistes vis-à-vis du capital et de l’Etat.
Nous ne devons pas nier ces divergences fondamentales, qui relèvent de la stratégie de militant-e-s révolutionnaires au sein de mouvements sociaux dont ils-elles sont partie prenante. Ces divergences ne s’expriment d’ailleurs pas qu’en période de luttes, car dans le quotidien certain-e-s font le choix d’être par exemple permanent syndical et acceptent ainsi une fonction de régulation sociale, pendant que d’autres refusent cette délégation de pouvoir, pour ne pas verser dans la cogestion et la bureaucratisation. On retrouve même ce type de clivage au niveau électoral, où d’aucun-e-s sont enclin-e-s à participer, d’une manière ou d’une autre, à la démocratie représentative en l’affublant des oripeaux de la participation directe « des citoyens et des citoyennes », et cautionnent l’idée d’un contrôle possible et désirable du capitalisme.
Alors demain, pourquoi pas?
S’il pouvait exister des lieux de confrontation entre anarchistes et plus largement entre toutes les personnes, groupes… qui veulent se battre pour changer radicalement la société, sur des bases anti-étatiques, anticapitalistes, antipatriarcales, cela permettrait peut-être d’échapper à des vindictes exclusives et sectaires. Nous arriverions peut-être à poser calmement et clairement nos divergences que nous ne pouvons, les un-e-s et les autres, nier ! Nous arriverions peut-être aussi à nous mettre d’accord pour défendre une position commune face à tel événement important, et pourquoi pas à mener des campagnes communes sur tel ou tel thème. On peut ainsi viser des alliances ponctuelles et circonstanciées (et plus si affinités), plutôt qu’une unité séduisante mais qui risque de mal supporter les retombées de la dynamique de l’appel.
Mais nous n’échapperons pas à une analyse de la situation politique, économique et sociale, car si nous voulons changer de société, il faut d’abord que nous analysions l’actuelle, sauf à nous contenter de vérités ahistoriques et d’un anarchisme de cœur.
Nous sommes pour l’expression des différences et des divergences. Les contradictions doivent toujours pouvoir s’exprimer, elles sont nécessaires à une adaptation réelle de la pratique politique aux réalités du moment. Nous sommes très critiques envers toutes les formes organisationnelles qui permettent de niveler les débats en recherchant constamment un consensus a minima. Car l’unanimité nous fait peur, et nous préférons qu’il y ait plusieurs organisations plutôt qu’une seule. En effet, nous n’assignons pas de rôle de direction aux formes organisationnelles auxquelles nous pouvons participer, qu’elles soient politiques, syndicales ou associatives, et nous constatons que dans les dynamiques de lutte, la multiplicité des points de vue est un facteur d’efficacité si le débat est réel et le choix possible
Avec ces préoccupations en tête, nous sommes donc d’accord pour « mouiller notre chemise » dans une démarche unitaire, s’il s’agit d’allier des forces vers des objectifs communs. À nos yeux, cela passe nécessairement par des analyses de l’évolution de la société et par un bilan collectif de nos pratiques réciproques, pour enfin débattre sur le fond et ainsi dégager une convergence des luttes.
Si nous y parvenions, ce serait déjà un beau résultat, alors pourquoi pas ?
OCL, le 19 mai 2001
Notes
(1) Plusieurs journaux libertaires l’ont publié, dont CA (n° 108, mai 2001). Quelques centaines de personnes l’ont déjà signé : des membres de diverses structures libertaires (dont l’OCL), des personnes sans carte de visite particulière si ce n’est leur fonction sociale, et quelques « personnalités ».
(2). OCL, Positions et orientations, 1996.
(3). Que nous définissons comme étant des personnes ou des groupes œuvrant pour un changement radical de société, en rupture totale avec les diverses variantes du léninisme (« communistes autoritaires »), sans pour autant se réclamer de l’anarchisme révolutionnaire.
(4). Bourgeois bohèmes et libéraux-libertaires, pour ceux et celles qui ne seraient pas tendance…
http://www.theyliewedie.org/ressources/biblio/fr/OCL_-_….html
« “L’expansion et l’unification de la lutte” ne pourront se faire que si les “révolutionnaires” professionnels arrêtent de donner des leçons au prolétariat du haut de leurs dogmes et participent un tant soit peu aux luttes au lieu de dénigrer systématiquement celles des autres. »
Je crains que le commentaire précédent nous parle d’une soi-disant « unité des révolutionnaires » (c’est ce dont nous parle son classique copié-collé) plutôt que d’unité DES EXPLOITÉS dans la lutte, unité à laquelle le CCI participe constamment dans toutes les luttes où il intervient, n’en déplaise au commentateur précédent. La vision développée par l’introduction de ce texte de l’OCL n’a rien à voir avec ce que développe le CCI dans son texte.
D’autre part, il doit être clair qu’il n’y a AUCUNE UNITÉ POSSIBLE entre les révolutionnaires et les nationalistes, quels qu’ils soient. L’OCL est mouillée dans des luttes nationalistes, comme celle mentionnée dans le texte pour « l’indépendance du peuple kanak », ou « la cause du peuple palestinien », qui n’ont RIEN À VOIR avec l’émancipation des exploités, et s’y opposent même complètement. Renforcer l’État national n’a jamais fait partie de l’émancipation des exploités, ni du programme des révolutionnaires qui défendent leurs intérêts !
Par conséquent, « l’unité » dont nous parle le commentateur précédent n’en est pas une, c’est juste une vision où l’unité des révolutionnaires PRÉCÈDE l’unité des exploités, et c’est une vision stalinienne de l’unité « par en haut ». C’est lorsque les exploités s’uniront dans la lutte contre les conditions de vie que leur impose le Capital que les groupes révolutionnaires qui en surgiront chercheront à se regrouper. Et on verra alors qui est sur le terrain révolutionnaire !
Que l’OCL soit « mouillée » dans les luttes contre le colonialisme et diverses entreprises de nettoyage ethnique est tout à son honneur. On ne peut pas en dire autant des négationnistes du CCI, pour qui les millions de morts de la domination coloniale ne sont qu’un « détail de l’Histoire ».
Les « exploités » partout dans le monde ont déjà répondu aux donneurs de leçons et aux censeurs de la lutte des AUTRES en les confinant dans leur splendide isolement.
« Nombre de mouvements des années 60 étaient souvent, à gauche, parés de toutes les vertus. Le tiersmondisme fut alors une idéologie développée par une certaine extrême gauche qui, sous l’influence des révolutions chinoise et cubaine, du fait de la stratégie de non alignement de la Yougoslavie titiste, et en raison des modifications des structures de classes en Occident durant les Trente glorieuses, furent amenées à considérer les pays du tiers monde, et plus particulièrement les mouvements populaires de libération nationale comme LE nouveau sujet révolutionnaire. Une sorte de substitut au prolétariat, unique agent de la révolution dans la vulgate marxiste. Cette analyse tiersmondiste conduisit alors nombre d’organisations à un alignement inconditionnel sur les mouvements de libération au Sud : Cuba, Algérie, Vietnam, Cambodge, Salvador, Nicaragua… L’OCL a toujours critiqué cette tendance et, dans tous les cas, notre soutien à certaines luttes de libération nationale n’est jamais inconditionnel et prend soin de distinguer entre des directions et des mouvements, entre des Etats et des peuples ; est attentif en premier lieu au contenu de ces luttes quant à l’émancipation sociale et non pas seulement nationale ; essaye de comprendre que comme dans tout mouvement il y a des tendances plus intéressantes que d’autres et des rapports de forces entre elles. Nous n’avons donc pas de positions tiersmondistes, mais des positions anti-impérialistes.
Le concept de Nation ne peut se réduire ni à une notion juridique, ni à un espace borné, et encore moins à un Etat. La Nation c’est tout simplement un ensemble de gens qui se reconnaissent comme y appartenant (souvent on est conscient d’une appartenance lorsque celle-ci est attaquée ou niée). Les éléments qui constituent cette auto-reconnaissance sont, au sens large, la culture. Ils sont très divers et vont de l’organisation sociale aux simples habitudes, de la langue à la religion, du mode de vie au mode de production, des références historiques à la reconnaissance d’un espace géographique… C’est une référence collective composée de la totalité ou d’une partie seulement de ces éléments. C’est une communauté d’individus présentant un certain nombre de points communs à un moment donné, mais qui se situe également et simultanément dans le temps (l’histoire, le présent, le passé et l’avenir) et l’espace.
Si nous sommes solidaires ou participons à certaines luttes de libération nationales ce n’est pas par goût particulier du nationalisme, au contraire, mais parce qu’elles participent au combat pour la réappropriation d’un pouvoir dans l’espace où vivent les gens (ce sont des luttes pour la souveraineté). Les dynamiques de Luttes de libération nationales peuvent placer les gens dans un rapport d’ouverture avec l’extérioeur, d’attente des autres, d’échange, de débat, qui ouvrent des perspectives autant internationalistes que nationalistes.
Ces luttes sont traversées de contradictions et développent un aspect beaucoup plus global, plus politique, que bien d’autres luttes enfermées dans le carcan de leurs spécificités donc plus facile à neutraliser. Le point limite des luttes de libération nationale, c’est bien sûr celui où l’affirmation de l’appartenance se retourne en une logique d’exclusion. Cette réversibilité dans la non appartenance est contenue virtuellement dans la logique de l’appartenance. C’est sur ce point limite là que la vigilance doit s’exercer, et pour cela, se nourrir d’autres valeurs comme l’égalité, la solidarité, le droit au refuge, à la libre circulation des individus, l’internationalisme.
Il y a quelques axes stratégiques à défendre dans une lutte de libération nationale comme dans l’éventuel soutien que nous pouvons lui apporter, au-delà, bien entendu de la liquidation de la domination étrangère. »
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article617
« Que l’OCL soit « mouillée » dans les luttes contre le colonialisme et diverses entreprises de nettoyage ethnique est tout à son honneur. On ne peut pas en dire autant des négationnistes du CCI, pour qui les millions de morts de la domination coloniale ne sont qu’un « détail de l’Histoire ». »
Le CCI n’a jamais considéré la domination coloniale comme « un détail de l’Histoire », il a la même vision que Rosa Luxemburg sur la question. Le commentaire précédent qui nous raconte ceci est donc le fait d’un personnage qui se complaît dans ce que le stalinisme a eu de pire : l’utilisation du mensonge et de la calomnie. il n’a de toute façon AUCUNE PREUVE de ce qu’il avance, et n’a jamais cherché à en apporter.
Par contre, le commentaire précédent n’a visiblement rien à raconter sur le sujet du débat : unité des organisations ou unité des exploités dans la lutte ?
N’importe qui peut se réclamer de n’importe qui, c’est sur le terrain qu’on juge les gens. Comme d’habitude, le CCI parle à la place des autres, morts ou vivants.
« unité des organisations ou unité des exploités dans la lutte ? » Ça va bien au CCI de faire la distinction, lui qui ne reconnaît AUCUNE des organisations en dehors de son groupuscule que se choisissent les exploités pour lutter.
L’« unité des organisations », ça n’existe que dans les délires des stals ou des gauchistes bourgeois ! C’est bien l’unité des exploités qui compte, et on verra après que les organisations de Gauche et d’extrême-Gauche officielles sont toutes dans les faits CONTRE l’unité des exploités !
À côté de ça, le « commentateur » précédent nous a resservi un texte qu’il avait déjà utilisé, celui de l’OCL dont on peut dire qu’il aurait pu être signé par le PCF des années 30 ! Je cite :
« Le concept de Nation ne peut se réduire ni à une notion juridique, ni à un espace borné, et encore moins à un Etat. La Nation c’est tout simplement un ensemble de gens qui se reconnaissent comme y appartenant (souvent on est conscient d’une appartenance lorsque celle-ci est attaquée ou niée). Les éléments qui constituent cette auto-reconnaissance sont, au sens large, la culture. Ils sont très divers et vont de l’organisation sociale aux simples habitudes, de la langue à la religion, du mode de vie au mode de production, des références historiques à la reconnaissance d’un espace géographique…»
Que voilà une vision profondément bourgeoise de la Nation, avec un N majuscule dans le texte ! Et combien fantasmagorique ! Pour les exploités et le marxisme, la nation n’a jamais été qu’une fausse communauté, où la classe dominante IMPOSE SA culture, SA langue, SA religion, SON mode de vie, SES références historiques. À coups de règle sur les doigts à l’école de la République, on a appris au « peuple » à parler français et pas patois, à répéter « nos ancêtres les Gaulois », à faire son service militaire et à élire Monsieur le maire !
La nation est historiquement le cadre que s’est donné la bourgeoisie pour exploiter « son » prolétariat, pour défendre ses intérêts de clique et gérer son marché national ! La nation, c’est la communauté d’intérêts géographiques que les bourgeois ont trouvée afin d’exploiter et protéger « leur » marché, d’étendre « leur » influence contre celle des bourgeois « étrangers » et donc concurrents, le territoire sur lequel leur État défend les lois établies par la classe dominante. La nation, c’est la vision qu’a la bourgeoisie de la « communauté nationale », exploiteurs et exploités confondus, tous ensemble pour défendre les intérêts de la bourgeoisie nationale, de l’État national, ceux de la classe dominante !
Évidemment, quand on a un camp impérialiste d’États capitalistes à défendre contre d’autres États capitalistes – le camp anti-américain dans le cas du commentateur qui a posté ce texte de l’OCL – il faut bien masquer les contradictions de classe pour amener les exploités à défendre l’État et la nation ! C’est ce qu’a fait le PCF dans les années 30, et c’est ce que fait l’OCL dans ce texte qui pue le stalinisme à plein nez ! Et c’est ce que cherche à faire le « commentateur » précédent, qui signe une fois de plus sa soumission à l’idéologie stalinienne !
L’emploi inconsidéré et répétitif du mot stalinien par les cécéistes est hautement significatif et révélateur de leur inconscient. Autrement, la langue de bois typiquement stalinienne bat son plein : « L’« unité des organisations », ça n’existe que dans les délires des stals ou des gauchistes bourgeois ! » On ne saurait rêver plus bel aveu :
« Gauche communiste et anarchisme internationaliste : ce que nous avons en commun »
http://nantes.indymedia.org/article/21290
Notre stalinien tiers-mondiste – parce que stalinien est une caractérisation politique avant tout – ne sait pas lire : il n’a jamais été question dans l’article du CCI qu’il met en lien d’unité entre CCI et AIT, mais de travail commun sur la base de l’unité des exploités dans la lutte, ce que l’AIT défend comme le CCI. Qu’il relise un peu l’article de l’OCL que lui-même a collé dans son premier commentaire : la question n’y est jamais abordée comme ça, voire jamais abordée du tout !
Quant à son inféodation à l’idéologie stalinienne, dès qu’il nous couche sur l’écran ses réflexions personnelles et pas les copiés-collés par lesquels il masque son ignorance et son incompétence politique – la seule chose en laquelle il excelle étant la calomnie – elle brille de tous ses feux ! Ou alors c’est que ce personnage, en plus d’être un stalinien et un inepte politique, est en plus un imbécile : il répond à l’aide d’articles avec lesquels il n’est pas d’accord !
Stalinien ou imbécile, il faut choisir. Peut-être les deux ?…
Le reste de la planète n’ayant jamais daigné s’intéresser aux solutions du CCI, pourtant d’une clarté et d’une simplicité typiquement staliniennes, le prolétariat a été amené a essayer diverses formes de lutte et d’unité, plus ou moins heureuses et efficaces, mais qui ont au moins le mérite de se passer sur le terrain et non dans le catéchisme de professionnels de la politique donneurs de leçons.
Notre charlatan de la politique n’ayant aucun argumentaire dans le cadre d’un vrai débat, hors ses copiés/collés qu’il ne comprend même pas, il n’est capable que de faire dans l’ineptie vulgaire et principalement dans la calomnie de toute sorte.
Les sympathisants et militants de la Gauche communiste, dont ceux du CCI, n’ont pas attendu notre calomniateur pour participer aux “luttes de classe”, distribuer leurs tracts, dialoguer “constructivement” avec les prolétaires et diffuser leur presse, ce hors des sentiers des nationalistes de gôche que sont les staliniens comme notre calomniateur.
Surtout, j’attends avec impatience que le commentateur qui critique le texte du CCI nous explique quelles sont exactement selon lui les « diverses formes de lutte et d’unité, plus ou moins heureuses et efficaces » que « le prolétariat a été amené a essayer ».
De la part de quelqu’un qui fait l’apologie de l’Union sacrée en Palestine et ailleurs, je ne vois pas bien de quoi il pourrait nous parler…
Les professionnels du négationnisme ont l’art d’embrouiller les choses. Tout ça pour quoi ? Simplement pour faire la promotion d’une idéologie mortifère. Beurk !
On pourrait leur répondre que quand quelqu’un se noie on ne lui demande pas sa carte du parti avant de le secourir. Mais ils ne comprennent pas le langage simple. Alors on pourrait employer un langage plus dans la tonalité de leur catéchisme : quand des peuples sont menacés de nettoyage ethnique, on n’attend pas qu’ils aient adhéré au CCI pour les soutenir.
Mais c’est trop tard : ils ont déjà pris le pli et on ne peut plus rien pour eux.