A George Bush Junior, Jacques Chirac, Silvio Berlusconi, Jean-Jacques Aillagon, Nicolas Sarkozy, Luc Ferry, François Fillon, Ernest-Antoine Sellière -bien évidemment- et ses distingués confrères Thierry Desmarest et Louis Gallois, respectivement PDG du groupe Total et de la SNCF. Et aussi à tous les représentants du rock festif!

Fiche signalétique. Je suis juriste de formation. Maîtrise option carrières judiciaires. Maîtrise option Droit communautaire et international. DEA en Droit communautaire européen. Après un bref passage dans l’Education nationale, j’ai abandonné mes études de troisième cycle pour devenir journaliste. Je vis aujourd’hui dans cette ville encore meurtrie par l’explosion de l’usine AZF. A Toulouse. Je bois de l’eau polluée à l’aluminium, entre autres choses. Je suis aussi demandeur d’emploi, tout fraîchement évincé du régime d’allocation chômage. Le 1er janvier 2004 -comme beaucoup de simples chômeurs comme moi, apparemment- même régime d’éviction que de nombreux intermittents du spectacle. Eviction. Application d’un ensemble de mesures adoptées par le gouvernement Raffarin -tiens, j’ai oublié de penser à le porter sur ma liste de destinataires, celui-là. Oublier. J’ai arrêté de regarder le journal télévisé. J’ai arrêté d’écouter les bulletins d’information à la radio. Je veux oublier les dérives interventionnistes et sécuritaires. Je veux oublier la présidence tournante de l’Union européenne qui n’a jamais été aussi pernicieuse. Et mon quotidien ne cesse de m’y ramener. Eviter les brèves de comptoir.

Dans la ville rose -outre différents scandales politiques et financiers avec meurtres à la clé, évitons- le Printemps de septembre, festival d’images contemporaines, a refusé le généreux mécénat du groupe Total. Duquel dépendait l’ex-AZF rayée de la carte. Evidemment. Avant de se redorer le blason, ils feraient mieux de dépolluer les environs et d’arrêter de se renvoyer la bonbonne de gaz. Ça sent mauvais à Toulouse et ce n’est pas seulement à cause des odeurs fétides de quatre ginkgo biloba. Ils ont évité le scandale malgré eux, tant mieux pour eux. Mon scandale à moi je le vis tous les jours. L’alternance et la droite au pouvoir. Ils les ont voulues, on les a. La puissance castratrice qui sommeille en eux, je la ressens tous les jours, malgré moi. Il me semble qu’ils se sentent pousser des ailes. Des mitraillettes à Paris et à Montpellier cette semaine, ça pousse. Des flics dans les trains et des contrôleurs très zélés, ça repousse. La SNCF a elle aussi adopté son ensemble de nouvelles mesures, ça fleurit. Ça me rend intolérant moi aussi. Contaminé je suis, mais pas au même endroit. Surtout lorsque je constate que ce sont ceux qui ont une peau légèrement plus foncée que la mienne qui en font les frais. Des basanés, j’en ai croisé deux en sortant de mon agence Assedic aujourd’hui. Le premier me demande une cigarette. Je lui en offre une. Le second aussi. Je me déleste d’une autre cigarette. Ils se raidissent. Attaque de panique, c’est un contrôle d’identité. Après avoir insisté, je suis contrôlé moi aussi. Un délit de sale gueule dans la bulle crevée de l’ex-tranquilité toulousaine, ça serait trop simple. Je me sens nerveux et je demande du feu. Aux deux SDF. L’un d’entre eux est réunionnais. L’agent contrôleur lui a demandé s’il était bien français. Le même intervient alors pour m’interdire de fumer sur l’espace dégagé de la place Bachelier. Lorsque je lui demande pourquoi, il invoque les dispositions du Code de procédure pénale. Appareil législatif réglementant le contrôle d’identité. Je lui réponds vertement. Mauvaise pioche, ce Code je le connais comme ma poche. Autre disposition à invoquer? Un règlement, une circulaire émanant du ministère? Encore un petit malin qui commence à les lui briser. Je ne suis visiblement pas le premier à avoir du répondant et il s’éloigne en pestant. Précision terminologique avec l’officier de police judiciaire, encadrement supérieur de l’agent contrôleur, contrôleur lui-même. C’est un usage que j’assimile à une règle de courtoisie. Sauf que si je refuse de m’y plier, il me signifie que je me fais embarquer. Comme mon amie japonaise qui est menacée d’expulsion depuis plus de trois mois. C’est ça qui lui pend au nez et ça qui me rend intolérant. Les fêtes approchent et je n’ai pas envie de faire la fête. Chanter tralala pouet pouet en me disant que je suis un citoyen-résitant encore moins. Simplement vider une bonne bouteille sur le pont neuf avec mon amour. AZF mon amour, penser à acheter le bouquin de Christophe Fiat quand il sera édité. Grâce à ce qu’il nous a montré à Toulouse aux alentours du 21 septembre dernier, je sais que je me sens moins seul.

Donc aux autres, à tous ceux que je ne félicite pas, tous mes voeux. Si je devais les renouveler à la fin de cette future année 04, c’est décidé, je pars à l’étranger. Cela ne va rien résoudre mais je veux simplement changer d’air.