Le vieux petit garçon de gaza et la mer
Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
Lieux : Tours
http://www.palestinechronicle.com/view_article_details….16035
Traduction M.C.
J’ai grandi près de la mer de Gaza. Tout au long de mon enfance, je n’ai jamais vraiment compris comment une étendue d’eau si vaste, qui promettait une liberté si infinie, pouvait aussi être la frontière d’une bande de terre si minuscule et surpeuplée, une terre perpétuellement tenue en otage même si elle demeurait perpétuellement rebelle.
Depuis ma tendre enfance, ma famille et moi faisions souvent le court chemin de notre camp de réfugiés à la plage. Nous y allions dans une charrette fatiguée que tirait un âne efflanqué. Dès que nos pieds touchaient le sable chaud, c’étaient des cris assourdissants. Les petits pieds couraient plus vite qu’un champion olympique et, l’espace de quelques heures, tous nos soucis s’envolaient. Ici, il n’y avait pas d’occupation, pas de prison, pas de statut de réfugié. Tout avait l’odeur et le goût du sel et la pastèque. Ma mère s’asseyait sur une couverture à carreaux usée pour que les vents furibonds ne l’emportent pas, et elle avait de petits rires quand mon père s’égosillait à empêcher ses fils d’aller trop loin dans l’eau.
Je me plongeais la tête sous l’eau et entendais le murmure lancinant de la mer. Puis je reculais, me redressais et contemplais l’horizon.
Quand j’avais cinq ou six ans, je croyais que juste derrière l’horizon il y avait un pays appelé Australie. Les gens de là-bas étaient libres d’aller et venir comme bon leur semblait. Il n’y avait pas de soldats, pas de fusils, et pas de snipers. Les Australiens, pour je ne sais quelle raison, nous aimaient beaucoup et viendraient nous voir un jour. Lorsque j’ai dévoilé ces idées à mes frères, ils n’ont pas été convaincus. Mais mon rêve a grandi, tout comme la liste de tous les autres pays qui étaient juste derrière l’horizon. L’un d’eux était l’Amérique où les gens parlaient bizarrement. Un autre était la France, où les gens ne mangeaient que du fromage.
Je fouillais la plage à la recherche de « preuves » du monde qui existait derrière l’horizon. Je cherchais les bouteilles avec des inscriptions d’ailleurs, les boites de conserve et les plastiques sales venus des bateaux lointains que la mer abandonnait sur le rivage. Ma joie était mitigée quand les inscriptions étaient en arabe : je m’escrimais à les lire tout seul. J’ai aussi appris l’existence de pays comme l’Arabie Saoudite, l’Algérie et le Maroc. Les gens qui y habitaient étaient des Arabes comme nous, et des Musulmans qui priaient cinq fois par jour. J’en ai été abasourdi. La mer était apparemment plus mystérieuse que je ne l’avais jamais imaginé.
Avant le premier soulèvement palestinien de 1987, la plage de Gaza n’avait pas encore été déclarée interdite et convertie en zone militaire fermée. Les pêcheurs avaient encore le droit de pêcher, même si ce n’était que sur quelques miles nautiques. Nous avions encore le droit de nous baigner et de pique-niquer, même si ce n’était que jusqu’à six heures du soir. Et puis un jour, les jeeps de l’armée israélienne ont dévalé la route pavée qui séparait le camp de réfugiés de la plage. Arme au poing, ils ont exigé une évacuation immédiate. Mes parents ont hurlé de terreur, nous ont rassemblés et ramenés au camp en maillot de bain.
Le journal télévisé israélien a annoncé que la marine israélienne avait intercepté des terroristes palestiniens qui faisaient route sur Israël en canots pneumatiques. Tous avaient été tués ou capturés, sauf un qui se dirigeait probablement vers Gaza. Le désarroi m’a submergé, surtout quand j’ai vu des images de Palestiniens capturés à la TV israélienne. Entourés de soldats israéliens armés triomphants, ils portaient le cadavre de leurs camarades palestiniens.
J’ai tenté de convaincre mon père d’aller attendre les autres Palestiniens sur la plage. Il a eu un sourire malheureux et n’a rien dit. Aux nouvelles, ils ont dit ensuite que le canot était peut-être perdu en mer ou avait coulé. Je n’ai pourtant pas perdu espoir. J’ai prié ma mère de faire son thé à la sauge spécial et de mettre du pain grillé au fromage de côté. J’ai attendu jusqu’à l’aube que les « terroristes » perdus en mer arrivent dans notre camp de réfugiés. S’ils s’en sortaient, je voulais qu’ils aient quelque chose à manger, mais ils ne sont jamais arrivés.
Après cet épisode, des bateaux ont commencé à apparaître à l’horizon. Ils appartenaient à la marine israélienne. La mer de Gaza, qui ne semblait rien présager de bon, était désormais un endroit dangereux où tout pouvait arriver. Mes tours à la plage se sont donc faits plus fréquents. Même une fois plus vieux et même pendant les couvre-feux israéliens, je montais sur le toit de notre maison et je scrutais l’horizon. Quelque part, d’une manière ou d’une autre, des bateaux faisaient route sur Gaza. Plus la vie devenait dure, plus j’en étais persuadé.
Aujourd’hui, des dizaines d’années plus tard, je suis au bord d’une mer étrangère, bien loin de chez moi, bien loin de Gaza. Voilà des années qu’on me refuse le droit d’entrer en Palestine. Je suis ici et je pense à tous les gens de chez moi, en train d’attendre que les bateaux arrivent. Cette fois-ci, c’est réellement possible. Je suis les informations, avec le scepticisme prudent qui nous vient avec l’âge adulte, et aussi avec l’exaltation et la fougue de mes six ans. J’imagine la Flottille de la Liberté chargée de nourriture, de médicaments et de jouets, juste derrière l’horizon, tout près de changer mon vieux rêve en réalité. Mon rêve que tous ces pays imaginaires aux yeux de mes frères existaient bel et bien s’est matérialisé sous forme de cinq bateaux et de 700 militants de la paix. Ils symbolisaient l’humanité et, pour eux, nous étions importants. Je me suis figuré de petits enfants en train de préparer un festin de pain grillé, de fromage et de thé à la sauge, d’attendre leurs sauveurs.
Quand le bulletin d’information a annoncé que les bateaux avaient été attaqués juste avant de franchir l’horizon de Gaza et que beaucoup de militants avaient été tués ou blessés, le petit garçon de six ans qui est en moi a été anéanti. J’ai pleuré. J’ai perdu l’usage de la parole. Aucune analyse politique ne pouvait m’apaiser. Aucun reportage ne pouvait expliquer à tous les petits Gazaouis de six ans pourquoi leurs héros ont été assassinés et kidnappés simplement parce qu’ils ont essayé de franchir l’horizon.
Mais malgré la douleur qui est pour l’instant trop profonde, malgré les vies qui ont été si injustement enlevées, malgré les larmes que verse le monde sur la Flottille de la Liberté, je sais maintenant que mon rêve n’était pas qu’un rêve d’enfant. Qu’il y a des gens d’Australie, de France, de Turquie, du Maroc, d’Algérie, des USA et de beaucoup d’autres pays qui sont venus à nous dans des bateaux chargés des présents de ceux qui, je ne sais pourquoi, nous aiment vraiment.
Il me tarde d’aller à Gaza, en bateau, pour pouvoir dire à mes frères : « Je vous l’avais bien dit ».
(Ramzy Baroud)
http://www.protection-palestine.org/spip.php?article9021
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l’origine des articles, le nom du site www.protection-palestine.org ainsi que celui des traducteurs. Site réalisé par : CCIFP
En ce moment, y’a vraiment beaucoup d’articles qui causent de la Palestine sans forcément apporter grand-chose. Quand je dis « beaucoup », c’est vraiment beaucoup. Alors, si on pouvait ralentir un peu sur le flot d’articles relativement identiques causant de ça, je trouverais ça chouette.
Je ferais pourtant remarquer que sur les cent derniers articles il y en a plus qui parlent de l’Iran que de la Palestine, malgré l’actualité, mais que personne ne se plaint de saturation. D’ailleurs il n’y a pratiquement aucun commentaire, ce qui prouve que les trolls qui polluent les articles de solidarité avec la Palestine ne s’intéressent qu’à UN sujet, objet de leur seule obsession dans la vie.
Et encore, il faut compter dans la rubrique Palestine tous les articles et commentaires prenant la défense de la collaboration avec l’occupant et se réjouissant de la présence de drapeaux israéliens dans une manifestation « antiraciste » !
Pour de véritables « antifas », il y aurait pourtant beaucoup à dire sur certains articles sur l’Iran, mais on ne peut pas être des deux côtés à la fois.
On y trouve des titres remarquables pour le message qu’ils veulent faire passer :
Iran Trente ans de crimes contre l’humanité et de résistance
http://nantes.indymedia.org/article/20401
Autrement dit, les crimes contre l’humanité en Iran ont commencé avec le départ du shah ; en fait le premier crime a été de chasser ce saint homme. Pour arriver à placer « crimes contre l’humanité » sur le principal ennemi d’Israël et en exonérer ce dernier, certains seraient prêts à n’importe quoi.
Il y en a un autre pas mal non plus :
L’impérialisme français et le régime fasciste iranien, main dans la main
http://nantes.indymedia.org/article/20744
C’est encore plus con et c’est signé par des anarchistes ! L’impérialisme français n’est pas seulement main dans la main, mais comme cul et chemise avec l’impérialisme américain et les intérêts sionistes, et il participe avec eux au projet de rayer l’Iran de la carte.
Comme ces gens-là sont en même temps ceux qui inondent de commentaires tous les articles sur la Palestine, alors s’ils ralentissaient un peu leur flot on pourrait parler plus sereinement de tout ça et de beaucoup d’autres choses.
cher posteur du dessus,
Je ne comprends pas tes dénonciations des textes sur l’Iran. Si tu les trouves tellement « con » (c’est ton expression) pourquoi n’avoir mis aucun commentaire sous ces publications ? Pourquoi attendre la remarque d’un modo sur le nombre de textes sur le PO pour y aller de tes remarques acerbes ?
Oui le Shah était un tyran, comme il est dit dans le 1er texte mis en lien :
« Contrairement à ce qu’on entend trop souvent, la révolution de 1979 et l’insurrection des 10 et 11 février n’étaient pas une “révolution islamique”, mais un soulèvement populaire pour en finir avec le régime sanguinaire du Shah et de sa Savak (police secrète). »
On dirait que tu défends la république des mollahs, celle qui réprime dans le sang les manifestations, emprisonne, torture, tue les opposants. Est-ce parce qu’Ahmadinejad se montre comme un rempart contre Israël ? Pour toi ce serait donc plus important que la défense du peuple iranien ?
Au moins, les textes sur l’Iran sont des textes d’analyse que l’on aurait du mal à trouver sur le net. Pas comme les textes sur le PO que l’on trouve un peu partout sur de très nombreux sites.
Je suis d’accord avec le modo qui demande de réfréner quelque peu les textes sur le PO.
« pourquoi n’avoir mis aucun commentaire sous ces publications ? »
Il se trouve que j’ai mis plusieurs commentaires qui ont tous été virés, et qui disaient à peu près la même chose que ce commentaire.
Les « remarques acerbes » me semblent donc tout à fait justifiées, surtout en sachant que ces commentaires avaient été acceptés à peu près partout ailleurs.
http://ch.indymedia.org/fr/2010/04/75014.shtml
http://lille.indymedia.org/article22347.html
Personne n’a défendu la politique des mollahs, et c’est un argument un peu trop utilisé par les trolls sionistes pour mériter qu’on y réponde. Par contre, tous ces articles sur l’Iran postés à saturation n’évoquent jamais la récupération de leurs auteurs par l’impérialisme américain et les intérêts sionistes dans la région. Eux doivent bien se frotter les mains pour cette aide inespérée des idiots utiles qui ne s’en prennent qu’aux ennemis de l’Occident.
Autrement, merci de ne pas me prendre pour un imbécile, « trente ans de crimes contre l’humanité et de résistance », ça veut bien dire que les crimes et la résistance ont commencé avec le départ du shah, je sais encore lire.
Et « L’impérialisme français et le régime fasciste iranien, main dans la main », ça veut bien dire que la France ne serait pas impliquée dans le projet américano-sioniste annoncé de rayer l’Iran de la carte, mais au contraire un allié des mollahs ! Sans déconner, on peut écrire ça sur Indymedia ?
Quant à « Au moins, les textes sur l’Iran sont des textes d’analyse que l’on aurait du mal à trouver sur le net. Pas comme les textes sur le PO que l’on trouve un peu partout sur de très nombreux sites », ça vaut aussi le coup de lire ça !
Les textes sur l’Iran, c’est-à-dire la propagande contre l’Iran, on les trouve à saturation non seulement sur tous les médias du pouvoir, mais ils arrivent en tête sur Indymedia. Et les « textes d’analyse » ne sont que de vulgaires copiés-collés, comme ceux qu’on reproche aux antisionistes d’utiliser.
Alors, s’il y a quelque chose à réfréner, il faudrait commencer par le plus urgent.