Marilyn buck
Catégorie : Global
Thèmes : Prisons / Centres de rétentionRacismeResistances
Ce nom ne vous dit sans doute rien. Marilyn va être libérée sur parole en août prochain, la fin de 25 ans d’enfermement dans une prison américaine.
L’histoire de Marilyn se confond avec celle de l’Amérique des « années soixante » . Pas celle que l’on nous présente généralement.sous la caricature du baba-cool, assis sur le cul à Woodstock. L’histoire d’une révolution, la dernière du XXème siècle avant le début de notre interminable ère glaciaire actuelle.
Marilyn est une jeune étudiante blanche, issue comme beaucoup des classes moyennes destinée à une vie confortable et sans histoire. Mais les campus américains du milieu des années soixante abritent de drôles d’énergumènes qui ont en tête la folle idée de changer l’Amérique. Beaucoup sont regroupés au sein des Students for a Democratic Society, SDS.
Changer l’Amérique, s’attaquer à l’impérialisme et au racisme, à l’inégalité des sexes, c’est s’exposer à l’ire du pouvoir établi et à ses sbires du FBI et à son programme d’élimination – au sens premier du terme souvent – de la dissidence . Une trentaine de militants des Black Panthers le paieront de leur vie, comme les étudiants de l’université de Kent State net de Jackson State, , comme beaucoup d’autres.
Les manifestations monstres contre la guerre du Vietnam, les occupations d’universités comme celle de Columbia, les grèves montrent leurs limites. Certains décrochent et s’essaient à la reproduction de mode de vie alternatives au sein de communautés. D’autres radicalisent les formes de luttes, comme Marilyn.
Une compagne de lutte du campus d’Austin, (Texas) Mariann Wizard raconte :
« Etre un afro-américain dissident, tout particulièrement, signifiait marcher avec une inscription » tirer pour tuer » épinglée sur votre poitrine. Etre noir, ou métis, ou rouge, ou même blanc avec un « look hippie », c’était être confronté jour et nuit à la haine et à la brutalité ( et à une mort possible) entre les mains de la police raciste blanche et des ses alliés au Ministère de la Justice US.
Marilyn Buck a vu ses amis chassés comme des chiens dans les rues de Oakland. C’est peut-être le meurtre de son ami (et mon mari) George Vizard, pendant l’été 1967 à Austin, par une ou des personne(s) alors non identifié(e)s qui l’a conduit à penser que la chose à faire c’était d’aider les victimes de la répression à se défendre, « par tous les moyens appropriés » comme l’on disait alors.
Marilyn Buck a osé rêvé d’un monde sans racisme, sans impérialisme américain. Plus important pour ceux qui font ce rêve aujourd’hui, elle a osé agir. Elle a osé faire de ce rêve une réalité. »
Alors, Marilyn, a franchi le pas, des Students for a Democratic Society – SDS – des locaux de The Rag, de la danse du San Fransisco « hippie », de l’organisation des GIs contre la guerre du Vietnam, à l’achat de deux boîtes de munitions sous un faux nom. En 1973 , elle est condamnée à 10 ans de prison
« Il n’est pas déraisonnable, étant donné les circonstances, de suspecter que l’accusation réelle contre Buck était qu’une femme blanche de la classe moyenne, bien éduquée avait agi comme intente pour la Black Liberation Army, un rejeton du Black Panther Party. Elle a été accusée et condamnée pour la même raison que Angela Davis, professeur à l’Université de Californie : elle a apporté un soutien matériel aux noirs pour qu’ils se défendent contre les attaques racistes des blancs et de la police qui les tolérait et parfois même , les encourageait. »
Après quatre ans à la prison fédérale de femmes de Alderson ( Virginie de l’Ouest) — et après s’être vue refusée trois fois, je crois, une libération sur parole — Marilyn a obtenu une permission pour consulter ses avocats. Elle n’est pas revenue.
Durant les quelques années suivantes, Marilyn a prétendument participé à l’évasion de prison de la dirigeante de la BLA Assata Shakur, à une attaque de banque pour aider financièrement le mouvement pour l’indépendance New Afrikan et a été impliqué, avec d’autres militants, dans un attentat à la bombe contre le Capitole pour protester contre l’invasion U.S. de La Grenade et le bombardement du Liban par des navires de guerre américains. «
Quand elle a été arrêté en 1985, elle a été condamnée à 80 ans de prison.
Assata Shakur, qui vit en exil à La Havane écrit :
« Marilyn avait le choix. Elle aurait pu garder le silence; elle aurait pu profiter des avantages du privilège de la peau blanche. Mais, au lieu de cela, elle a choisi la voie de la droiture. Elle a défendu les démunis, les impuissants et, en tant que femme, elle a lutté pour la libération de toutes les femmes. La seule raison pour laquelle elle reste incarcérée, c’est son militantisme politique.
Elle a besoin de, et elle mérite, le soutien de tous ceux qui sont engagés dans la lutte pour la liberté et l’abolition de la douleur sur cette terre. Elle mérite d’être soutenue, elle mérite d’être respectée et elle mérite d’être libre. «
En décembre dernier, Marilyn s’est vu diagnostiqué une forme rare de cancer de l’utérus. Les prisons américaines, comme celle du monde entier, ne sont pas réputés pour leurs soins médicaux. Il lui a fallu attendre le mois de mars pour bénéficier d’un début de chimiothérapie et d’examens complémentaires qui ont révélé l’existence de nouvelles tumeurs.
Voilà l’histoire grossièrement résumée. Avec Mariann et les compagnons de route d’Austin et de la Région de la Baie de San Fransisco, nous essayons de réunir les fonds nécessaires au premiers pas de Marilyn hors des murs.
Celles et ceux intéressé(e)s par l’histoire de la période peuvent se rendre sur Freakence Sixties où ils/elles trouveront aussi dans les jours à venir les liens pour le soutien qui s’organise.
Keep on keepin’on
Je suis contentE qu’il y ait un relai international autour de cette histoire, même si elle me rappelle assez fort Joelle Aubron, alors j’espère qu’elle ne mourra pas de sitôt.
Je rajouterai quelques petites précisions sur les différentes personnes évoquées dans l’article :
Assata Shakur est une militante des Black Panthers, accusée de multiples crimes et délits (braquage, meurtre, tentative de meurtre, enlèvement…), et traquée comme « ennemie publique » (« domestic terrosist ») par les USA.
George Vizard : assassiné le 23 juillet 1967 par Robert Joseph Zani , un ancien étudiant de l’université du Texas. Celui-ci ne sera arrêté qu’en mars 1980 où il avouera le crime de ce « petit malin de communiste » (http://www.freakencesixties.yi.org/Presse%20underground….html ; référence 14)
Encore une chose : je n’avais pas compris dans le texte, c’est la raison de sa première arrestation. Peut-être que ça la rendra plus claire pour certainEs si on l’aborde par le fait qu’elle a utilisé un faux nom pour acheter ces munitions, ainsi qu’une fausse licence de port d’armes, et que c’est pour ça qu’elle a été condamnée (et non pour s’en être servie). Je trouvais le texte un peu succin sur ce point.
Juste un petit hola quand même: je trouve ça chaud de mettre sur le même plan les actions de Marilyn et celles d’Angela Davis. Cette dernière n’a pas « apporté un soutien matériel aux noirs pour qu’ils se défendent contre les attaques racistes des blancs et de la police » ; étant elle-même dans cette situation, on pourrait plutôt parler de nécessité ou de survie, tandis que pour Marilyn il s’agirait plutôt d’un choix de ce qu’elle considère comme nécessaire et de ce qu’elle veut voir fleurir.
Et au risque de déclencher des foudres, le commentaire d’ Assata Shakur m’a ému, mais aussi posé question : en quoi méritait-elle plus que quiconque d’obtenir sa libération ?