Qu’elle est verte ma monnaie
Catégorie : Global
Thèmes : Ecologie
Lieux : Tours
Qu’elle est verte ma monnaie
Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens, qui arrivent
Charles Aznavour
Le capitalisme a toujours été ce grand excavateur en quête de ressources, de main-d’oeuvre, de débouchés. Pour satisfaire son impérieux besoin de croissance il a dévoré les espaces et les hommes. Ce que l’on appelle la « crise écologique » provient de la contradiction devenue visible entre l’insatiable appétit de ce système qui ne peut se payer le luxe d’une récession prolongée et les limites imposées par la nature, les dérèglements climatiques actuels ne constituant vraisemblablement que les prémices d’une catastrophe dont nous ne percevons encore ni toute l’étendue ni les ultimes conséquences. La grande médiatisation du « Grenelle de l’environnement » de la fin 2007, du sommet de Copenhague du mois de décembre 2009 et autres grands-messes ont notamment pour fonction de nous y préparer. Et, soyons en sûrs, les mesures qui seront prises dans les années qui viennent ne correspondront en rien aux attentes de ceux qui participèrent au développement de la mouvance écologiste, au début des années soixante-dix, avec l’espoir d’en finir avec le vieux monde.
Car à cette époque-là, ils furent un certain nombre à penser que l’écologie était porteuse d’une critique radicale de l’ordre existant. Soutenus par les espoirs qu’avait fait naître la révolte de 1968, ils pensaient que la dénonciation des effets dévastateurs d’une économie prédatrice était un angle d’attaque opérant qui incluait la critique de la marchandise, du mode de production capitaliste, du travail aliéné et plus globalement de l’État. En ses débuts, le phénomène des communautés installées à la campagne attesta le refus du monde capitaliste et la volonté de vivre différemment, dans de nouveaux rapports avec la nature. Mais c’est la lutte anti-nucléaire qui cristallisa l’opposition écologiste, pour les risques incommensurables que les centrales nucléaires faisaient peser sur l’humanité, ce qui se trouva confirmé par la suite au fil des accidents, notamment celui de Tchernobyl, ainsi que pour la société policière qu’elle impliquait, ce qui était pour le moins lucide. Les premières manifestations se déroulèrent en 1971 contre les centrales en construction. Mais de Bugey et Fessenheim à Malville en 1977, les échecs furent patents, malgré une mobilisation croissante. La grande majorité des opposants au nucléaire avaient-ils alors conscience qu’ils se trouvaient face à un État déterminé dans ce domaine comme dans d’autres, en phase de reconquête après la révolte de 1968, un État peu impressionné par un mouvement en pointillé qui n’embrasait pas l’ensemble de la société comme ce fut le cas quelques années auparavant? De plus, la tendance radicale de la mouvance écologiste n’était pas dominante. Si les premiers exploits électoraux des écologistes datent de 1971 à l’occasion d’élections locales, c’est la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle de 1974 puis la participation systématique à tous les types d’élections à partir de 1976-77 qui marquèrent de manière définitive l’intégration de la mouvance écologiste au jeu politique institutionnel. L’attribution de postes gouvernementaux dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix pour bons et loyaux services électoraux peut être considérée comme un aboutissement.
Voici donc un moment déjà que l’écologie, dans sa version domestiquée, la seule labellisée par l’État, joue le rôle d’une hormone de croissance au service de ce qui est en train de prendre la forme d’un « éco-capitalisme ». Il s’agit certes d’un recyclage à grande échelle, mais le recyclage, mot aujourd’hui en vogue, n’est pas une idée nouvelle sous le ciel plombé de l’Économie. Les « dégâts collatéraux » du système, où qu’ils se fassent sentir, se transforment souvent en heureuses « opportunités », dégageant de nouveaux territoires à conquérir et à exploiter à fond chaque fois que cela est possible. Par exemple, il n’y a pas de misère induite qui ne suscite, dans les pays dits développés, une « offre de consommation adaptée » en prix et en [sous]qualité (par exemple à travers le « hard-discount ») et, lorsque cela ne suffit pas, la charité et le bénévolat prennent le relais. Dans ce cas les royalties, faute d’être financières, sont au moins idéologiques. Il n’existe pas non plus de nuisance particulière qui n’aiguise l’appétit des techno-magiciens, à condition qu’elle soit présentable, c’est-à-dire qu’elle puisse être vendue au public comme le pendant inévitable d’un bien auquel nous ne saurions renoncer, à condition aussi qu’elle franchisse les frontières du secret.
Mais aujourd’hui les nuisances ont pris une telle ampleur que les problèmes se posent en termes légèrement différents. C’est de la survie du Capital qu’il s’agit au fond et cette dernière considération l’emporte sur toute autre dans l’esprit des maîtres de l’Économie divinisée. Parce qu’ils ne savent pas encore se passer des hommes décidément bien imparfaits ni s’affranchir d’une nature encore trop récalcitrante, les spécialistes de l’abstraction vont devoir se montrer « créatifs » pour éviter les déchirements internes qui pourraient résulter de trop grands écarts. Puisque la logique de la domination ne saurait être remise en cause, le problème sera donc de continuer à faire des affaires par gros temps, car les dominants ne sont pas naïfs au point de croire eux-mêmes à ce qu’ils racontent, à savoir qu’une simple adaptation aux conditions de la vie innommable dont ils ont jeté les bases pourra suffire à rendre le monde habitable par les hommes, et surtout pas par des hommes qui auraient entrevu au moins une fois, entre deux spots publicitaires ou deux bagarres de supporters « barbarisés », la promesse d’une vie autre.
L’éco-capitalisme sera donc fait du recyclage d’une partie de l’économie, qui exploitera à fond le nouveau filon, ce territoire dont on connaît encore mal les limites, mais qui sera défriché par ceux qui nous en vendront l’idée. Ses éléments avancés ont déjà commencé leur mue. Pour fourguer leurs gadgets ripolinés, ils misent, « stratégie marketing » oblige, sur les « retombées positives engendrées par une image renouvelée de leurs gammes de produits », avec pour objectif ultime d’en gaver la planète solvable jusqu’à l’écoeurement. Et pour ce faire, des techniques présentant l’avantage de ne pas accélérer directement le réchauffement de la planète, comme les éoliennes, servent déjà de vitrine à l’augmentation de la production énergétique rendue nécessaire par l’accroissement de la production-consommation qui, elle, ne doit pas refroidir. La réduction des rejets de CO2 est un argument de vente pour les millions d’automobiles produites chaque année. Et le reste est à l’avenant. Signe qui ne trompe pas, on commence à voir apparaître une presse aux titres évocateurs chargée d’assurer le service après-vente. Elle promeut l’idée que l’écologie, après des débuts erratiques, pour ne pas dire obscurantistes parce que laissée aux mains d’irresponsables (ayant d’ailleurs souvent, depuis, fait amende honorable), a enfin atteint l’âge adulte en rejoignant l’économie. « Ce qui ne rentre pas dans l’économie, ça ne rentre jamais nulle part », déclarait récemment un ancien ministre (1) dans une émission télévisée consacrée au réchauffement climatique. Comme il a raison ! Ce dernier phénomène ne présente apparemment pas que des inconvénients puisqu’il a le mérite idéologique de pouvoir être présenté comme le mal, certes bien réel, qui cache tous les autres (la pollution nucléaire par exemple) et monopolise toute l’attention. C’est à une sorte de « mobilisation totale » (2) que nous assistons, qui ne va pas, bien entendu, sans une culpabilisation individuelle maximum. Chacun est appelé désormais à « faire les gestes quotidiens qui préservent la planète », devenant ainsi, en triant « ses » déchets, en jetant dans un container les bouteilles en verre qui étaient autrefois consignées, dans un autre container les bouteilles en plastique qui étaient autrefois en verre, les petites mains du Capital. Capital ravi, toujours gagnant, puisqu’il peut compter sur une armée de bénévoles à peu près aussi nombreuse que le corps électoral (3) et qui se substitue avec bonheur à un salariat jamais satisfait des miettes qu’on lui laisse et doit aller exercer ses talents ailleurs. Ainsi le Capital se présente, tel un phénix de marché, comme un super héros digne de la bande dessinée d’Alan Moore et Dave Gibbons, Watchmen. Tout auréolé d’une lumière à neutrons rapides, il ouvre la route vers un monde nouveau, un ordre nouveau.
Car les « préoccupations environnementales » ne répondent pas seulement à une nécessité économico-idéologique. Elles s’inscrivent logiquement dans des choix qui ont été effectués en France voici une quarantaine d’années en matière de politique énergétique avec l’adoption du tout nucléaire. Ces choix n’ont de toute évidence pas eu de seules motivations économiques et militaires, mais aussi politiques. Choisir le nucléaire, c’était s’engager dans une voie sinon sans retour, du moins rendant ce retour extrêmement délicat. S’il y a bien un secteur qui échappe à toute forme de contrôle populaire et ne peut être maîtrisé (est-ce même le cas?) que par un nombre réduit d’experts, c’est bien celui-ci. C’est ainsi qu’au nom d’une supposée indépendance énergétique on a fait peser sur la société, en lui arrachant toute possibilité de contrôle, un poids qui tend à la mettre totalement hors-jeu. Le choix du nucléaire était donc parfaitement rationnel dans le cadre d’une politique de consolidation du pouvoir des classes dominantes que le sursaut révolutionnaire de la fin des années soixante avait effrayées. Aussi n’est-il pas étonnant aujourd’hui que le nucléaire soit quasi absent du pseudo-débat sur l’avenir de la planète, mieux, qu’il soit présenté comme une chance parce qu’étant réputé ne pas dégager de gaz à effet de serre. On comprend peut-être mieux pourquoi de grands groupes industriels peuvent sponsoriser des films hyper-médiatisés à partir du moment où ceux-ci ne remettent pas en cause l’essentiel, se permettant tout au plus de dire ce que tout le monde sait déjà et noyant le poisson du Capital dans la responsabilité de tous. De plus, il ne faut pas confondre le spectacle du danger et la critique des nuisances en tant que critique sociale. Le spectacle du danger s’intègre avec bonheur dans une stratégie d’un gouvernement par la peur, diffusée par de multiples canaux et sous divers prétextes pouvant concerner les aspects les plus anodins de la vie quotidienne. Le modèle type du néo-individu façonné par la barbarie libéral-capitaliste est celui de l’animal de laboratoire stressé par d’incessants stimuli qui le font courir en tous sens. L’État qui diffuse la peur se présente bien sûr comme le seul garant possible de la sécurité, il possède la solution, il inquiète et il rassure. Le spectacle du danger climatique ne propose pas de solution politique (autre que la poursuite de la guerre sociale menée par les classes dominantes), uniquement des solutions comportementales et techniques, ces dernières relevant toujours des experts et donc du pouvoir. Le spectacle du danger n’en appelle évidemment pas à une réaction collective et autonome des populations, il est au contraire un facteur supplémentaire de dépossession. On a donc le sentiment que les « problèmes environnementaux » sont propulsés sur le devant de la scène parce qu’ils deviennent de simples instruments non seulement au service de l’Économie, mais du projet politique auxquel les classes dominantes travaillent avec acharnement depuis une quarantaine d’années. Ce projet, c’est celui du règne totalitaire et délirant de la marchandise, la « préservation de l’environnement » devenant ainsi le prétexte d’un renforcement du contrôle des comportements déjà largement mené à bien au nom de la lutte contre l’insécurité. Mais il peut se révéler encore plus efficace car il permet de culpabiliser chacun à chaque instant, ce qui paraissait moins facile au nom de la sécurité.
On en vient à se demander si ce ne sont décidément pas les auteurs de science-fiction qui ont eu la vision la plus lucide du devenir des sociétés. On le savait déjà avec Le meilleur des mondes d’Huxley ou le 1984 de George Orwell. Big Brother, abondamment évoqué aujourd’hui, est à vrai dire dépassé, tant la sophistication des moyens techniques permet la généralisation de la surveillance. Mais les problèmes écologiques n’étaient pas abordés dans ces romans. Par contre l’auteur américain Robert Silverberg, dans un roman intitulé Monades urbaines (1971), fait le portrait d’une société soucieuse d’« écologie » et de recyclage. En l’année 2381, la majeure partie de 75 milliards d’habitants de la Terre vit dans des tours de 1000 étages, de 3000 mètres de haut et comptant chacune environ 800000 habitants. Derrière l’apparence d’une vie sans histoire, où existe une forme de liberté sexuelle, règne en fait la discipline de fer d’une société hyper-hiérachisée, à la morale religieuse très stricte, fondée sur l’apologie de la procréation (4). Il est absolument interdit de quitter les tours, sauf sur ordre en cas de transfert dans une autre tour. Les habitants n’ont d’autre choix que de consommer leur vie dans un cadre étroit qui ne saurait être contesté dans ses fondements essentiels. On comprend bien que les conflits « tolérés » sont purement superficiels, et confortent en fait le monde existant. « Les conflits stérilisent » est un slogan adopté comme une vérité. Les quelques déviants, appelés « anomos », sont repérés et éliminés sans autre forme de procès. Ils sont condamnés à « dévaler la chute », c’est-à-dire à servir de combustible à la centrale qui produit l’énergie nécessaire au fonctionnement de la tour, au même titre que les excréments et autres déchets. Ils sont recyclés, définitivement. On comprend bien que c’est la frénésie religieuse de la procréation qui a justifié l’organisation sociale des Monades urbaines, le refus de se poser la seule question qui vaille en ce monde-là : ne doit-on pas remettre en cause le dogme religieux du « croissez et multipliez » qui y prévaut ? Or on comprend bien que le pouvoir s’appuie sur ce dogme, que la surpopulation terrestre et la justification du modèle « écologique » qu’il impose permettent de maintenir un contrôle de type totalitaire sur la société.
De la même manière, on comprend bien aujourd’hui que le dogme sur lequel s’appuie le pouvoir est celui de Sainte-Marchandise, qui doit elle aussi croître et multiplier ; que cette religion-là ne saurait être remise en question, que chacun sera enrôlé et devra être prêt aux sacrifices nécessaires pour qu’elle puisse être pratiquée de manière « durable ». L’ éco-capitalisme, ou faudra-t-il un jour parler d’éco-fascisme, lorsque les conditions de survie sur la planète seront devenues tellement épouvantables que les classes dominantes ne se soucieront plus de sauver les apparences, ne se révélera être autre chose que le renforcement du faisceau de moyens coercitifs dont un bel échantillon est déjà opérationnel. De même qu’au XVIIIe siècle refuser de se découvrir devant une procession religieuse pouvait conduire au bûcher, parce que manquer de respect à la religion c’était défier le pouvoir (de droit divin), manquer à ses obligations en matière de réglementation environnementale (le crime-nature complétant avec bonheur la panoplie du Big Brother d’Orwell aux côtés du crime-pensée) pourrait être interprété, qui sait, comme une entrave au « développement durable » (5) et donc comme un défi au pouvoir (de droit marchand), et passible à ce titre de lourdes sanctions.
Il en va et il en ira de l’écologie comme de toutes les luttes parcellaires nées de l’échec de la révolte de Mai 1968 (droit des minorités, éducation, mœurs, etc.), et plus globalement de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix dans de nombreux pays du monde. Elles ont été non seulement « récupérées », ce terme est trop faible, mais surtout retournées, mises au service d’un renforcement de la domination. Peaux mortes d’une pensée idéologisée, elles sont venues se fondre dans le creuset des idées les plus réactionnaires pour être régurgitées sous la forme d’une nouvelle « police de la pensée ». La marque de fabrique des régimes totalitaires, ou à tendance totalitaire, même si leurs dirigeants sont mis au pouvoir par des élections, c’est précisément cette propension à tout englober pour tout contrôler, jusqu’à l’idée spectaculaire de la pseudo-opposition ; c’est de détruire à jamais l’idée de l’autre et de l’ailleurs.
Cet ailleurs, ce territoire imaginaire depuis lequel nous nous exprimons encore, que la domination, quoi qu’elle entreprenne, n’a jamais réussi à réduire ; cet ailleurs dans nos têtes, que les puces électroniques et autres « chevaux de Troie » du Capital n’ont pas encore réussi à conquérir, quels que soient les dégâts causés au monde par ceux qui prétendent le « sauvegarder », quelles que soient les blessures causées aux hommes, quels que soient les crimes en gestation contre l’idée même d’homme et ses attributs essentiels, la conscience et la liberté.■
Extrait de Négatif 12, bulletin irrégulier de critique sociale…
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1 Claude Allègre, dans l’émission télévisée Ce soir ou jamais (France 3) du 21 octobre 2009, à 23H59.
2 Ernst Jünger développe ce concept dans un livre précisément intitulé La Mobilisation totale, paru en 1930. Selon lui, la puissance d’une nation en guerre réside en sa capacité à mettre toutes ses forces au service de l’effort de guerre. Mais la « mobilisation totale », liée à ce que Jünger appelle le « progrès », est la marque de la modernité de la domination, caractérisée par la propagande de masse, en fait valable en temps de paix comme en temps de guerre, et appelée à se développer. « La mobilisation totale, en tant que mesure décrétée par l’esprit d’organisation, n’est qu’un indice de cette mobilisation supérieure accomplie par l’époque à travers nous ; cette mobilisation-là possède sa logique propre ; et si la logique humaine veut garder quelque efficacité, il lui faudra suivre un cours parallèle. » (Paris, Gallimard Tel, p.127-128) L’analyse chez Jünger se double d’une fascination pour le phénomène, et l’on a parfois du mal à comprendre s’il le critique ou s’il l’appelle de ses vœux. C’est là toute la dangereuse ambiguïté de cet auteur. Le concept de « mobilisation totale » permet en tout cas de critiquer l’époque actuelle en son totalitarisme croissant.
3 Et même au-delà, puisqu’il est désormais assez fréquent que des enfants, au nom du catéchisme républicain appelé « éducation à la citoyenneté » et de la « sauvegarde de la planète », soient appelés à nettoyer tel ou tel site, ce qui est quand même plus édifiant que de leur enseigner la littérature, surtout depuis que certains écrivains connus se permettent de critiquer le régime (cf. la récente polémique déclenchée par un député de la majorité parlementaire, à propos des déclarations politiques de Marie Ndiaye, distinguée par le prix Goncourt et qui devrait selon lui être astreinte à un « devoir de réserve » !)
4 Le problème de la surpopulation est aujourd’hui bien réel, lorsque l’on sait que la planète comptera d’ici quelques décennies pas moins de neuf milliards d’individus. Nul doute que le Capital puisse trouver des arguments au renforcement des mesures autoritaires qui régiront la vie de chacun.
5 Belle illustration de la novlangue internationale, la notion de développement durable naît vers la fin des années quatre-vingt. Dans son livre La Politique de l’oxymore, Benoît Méheust montre que les oxymores fleurissent sous les régimes tentant de concilier des oppositions normalement inconciliables, afin de les mettre au service du pouvoir en brouillant les repères. C’est notamment le cas des régimes totalitaires. Les 27 principes du sommet de Rio (dit sommet de la Terre !) en 1992, sont l’expression des contradictions insolubles du capitalisme au niveau mondial. Principe 4 : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. » Principe 12 : « Les États devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays » […]. Les mesures de politique commerciale motivées par des considérations relatives à l’environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux. » Principe 16 : « Les autorités nationales devraient s’efforcer de promouvoir l’internationalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation d’instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c’est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de l’intérêt public et sans fausser le jeu et les règles du commerce international et de l’investissement ». On comprend bien, en fait, que derrière la notion de « développement durable », se cache la nécessité de sauver la croissance, donc le capitalisme, en encadrant de manière stricte les mesures « environnementales » inévitables. Il est assez symptomatique que des syndicalistes, dans un texte intitulé « Appel des écosyndicalistes » paru au début du mois d’octobre 2009 (mais les syndicalistes comprennent toujours tout plus vite que les autres), érigent en exemple de ce qu’ils appellent « la prise de conscience de la nécessité de la convergence entre l’écologie et le monde du travail » la création, par plusieurs confédérations syndicales (du Brésil, d’Afrique du Sud, d’Espagne), d’une « Fondation internationale du Travail pour le développement durable ».
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