A propos des « quelques anarchistes précipités »
Catégorie : Local
Thèmes : EducationPrisons / Centres de rétention
Lieux : Poitiers
La première chose vécue a été le déferlement d’une information en boucle tout le week-end, sur les radios et les JT des grandes chaînes de TV. Des scènes d’émeutes, des hordes de casseurs, déferlement de violence, des groupes très organisés se réclamant de l’ultra-gauche s’en sont pris à des dizaines de boutiques du centre-ville, le centre ville de Poitiers saccagé et les habitants sous le choc…
Bref, une bonne grosse campagne sécuritaire des médias qui fait monter la pression sur l’opinion mais à travers ça, sur le pouvoir politique pour qu’il s’“explique” : comment est-ce possible ? Comment vous, les tenants de la sécurité, n’êtes vous pas capable d’empêcher cela ? De surveiller tous ces mouvements ultra-gauche ? etc.
La surenchère sécuritaire est en place. Visite de Hortefeux, etc…
Les mots sont importants
Et une émeute et le saccage d’un centre ville, c’est pas quelques vitrines cassées, taggées, quelques fumigènes balancés.
La dessus, les camarades de l’OCL ont eu raison d’essayer de rétablir les ordres de grandeurs et donc de signification. Quelques vitrines cassées, ça ne fait pas une émeute. « Une émeute, c’est, rappelons-le, un soulèvement populaire mis en œuvre par une partie importante et significative de la population dans un espace politique donné. » (Communiqué OCL du 11 octobre). Sauf à vouloir travestir la réalité et la faire correspondre à ses fantasmes. Fantasme sécuritaire de ceux qui veulent toujours justifier plus de répression, de vidéosurveillance, de contrôles de toutes sortes, qui défendent et veulent convaincre du bien fondé de la mise en place d’un état d’exception permanent, au nom de la sécurité “qui est la première des liberté” n’est-ce pas ?
Fantasme qui est apparemment aussi celui des « Quelques anarchistes précipités » qui ne voient pas de raison de critiquer la redoutable machine sécuritaire, trouvant « banales » les méthodes policières et préférant manier l’insulte contre l’OCL et les mièvres organisateurs de cette journée anti-carcérale qui mettaient « en avant les aspects les plus superficiels de l’univers carcéral ». Bref de pauvres militant-e-s illusionnistes, qui participent au spectacle au lieu de la combattre parce qu’ils n’ont pas compris qu’il faut « contribuer par de réels dégâts physiques et matériels à la guerre sociale. » Mais c’est vrai, à quoi bon lutter contre l’incarcération, contre la logique de l’enfermement alors qu’il faut s’en prendre à « l’administration pénitentiaire de nos vies ». Si la société est une prison, évidemment, à quoi bon lutter contre une prison ou l’ensemble de la logique carcérale ? Comme les méthodes policières « banales » ne méritent pas qu’on les conteste.
Toujours, partout, en toute circonstance, dans n’importe quel contexte… parce que, n’est-ce pas, « nos cœurs bouillonnent vers la guerre ». Il n’y a pas ici de raisonnement, de réflexion sur les moyens et les fins, non. « Nos cœurs » nous poussent à la guerre ! Alors, s’il s’agit d’aimer la guerre, d’en avoir envie, d’en être attiré et en attendre du plaisir, il est clair que l’on ne navigue pas du tout dans les mêmes eaux !
Et là, les références négatives de notre soit disant « anarchistes » envers la « population », envers le « peuple » en dit long sur la vacuité politique totale de ces crétins individualistes, qui se gargarisent de mots creux quand ce n’est pas la pire conception libérale de la liberté : l’illimitation des jouissances privées de l’individu contrariée par l’Etat. Inutile d’aller chercher « l’apanage des maoïstes et des léninistes », historiquement l’anarchisme dans ses différentes variantes appartient au combat prolétarien, aux luttes paysannes, aux combats du mouvement ouvrier, du peuple contre les injustices et pour sa liberté (1). Le terme de peuple est certes polémique et problématique mais c’est précisément en cela qu’il est intéressant : il n’autorise pas de dogmatisme. Et puis, quels concepts ne sont pas polémiques : l’anarchie, la démocratie, la révolution, le ”système”, la capitalisme ? Cette manière de dénigrer le « peuple », le « populaire » en dit long de leur appartenance à une tradition fondamentalement élitiste, celle des savants, de ceux qui se pensent supérieurs car ils possèdent plus et mieux la science qui délivre la vérité.
Qu’ils ne supportent pas le « démocratisme » et la politique est d’ailleurs cohérent. Chez ceux qui rejettent la politique et l’idée démocratique, c’est toujours au nom d’une vérité supérieure (de l’être, du social, de la pensée) mais évidemment cachée, que seuls les esprits malins, mais peu nombreux, savent débusquer. C’est une très vieille histoire qu’ils nous racontent là, qui remonte au moins à Platon. Chez les stals, les léninistes, dans le marxisme positiviste, c’était au nom de la science du prolétariat, chez nos anarchistes insurrectionnalistes, ça doit être au nom de la vérité des exigences de la vraie vie et de la “vraie” subversion menées par des « individus » contre tout ce qui peut les menacer, des êtres posés comme purs absolus, séparés, déliés de toute socialité. La politique que ne supportent pas ces « anarchistes précipités » c’est précisément ce qui permet de fabriquer du commun, de donner sens à des communautés humaines concrètes, des espaces à l’intérieur desquels il est possible pour des êtres singuliers, sans qualité particulière, de problématiser, de mettre en discussion, d’élaborer des formes nouvelles de voir le monde et de le transformer.
Pour nos « précipités » et autres insurrectionnalistes, l’action, l’acte, le cassage de vitrine ou autre, n’est pas un acte calculé, situé dans un contexte, de le cadre d’une lutte sociale et politique, car on est là encore dans le domaine de l’insuffisance, du faux, de l’illusionnisme ; l’acte destructeur est le signe existentiel, et non politique, sensé exprimer la vérité de la révolte de son auteur. Et les “émeutes” à 200, largement dramatisées et surmédiatisées, ne sont en aucun cas à critiquer, peuvent et doivent se faire partout, en toute circonstance, dans n’importe condition, sans tenir compte de l’avis de ceux qui organisent une manifestation, qui essaient de sensibiliser la “population” (beurk !).
Il est piquant que de lire que les « éternels commentateurs » poitevins mis en cause étaient pourtant sur place et participaient à l’organisation de cette mobilisation anti-carcérale tandis que nos “anarchistes précipités”, absents de cette journée, ne se gênent pas pour commenter… les commentaires et les points de vues.
Ce n’est pas la première fois que des individus voulant faire assaut de radicalité, d’engagement total et d’intransigeance, non seulement traitent par le mépris tous ceux et celles qui n’optent pas pour leurs positions mais en plus en viennent à donner raison à l’Etat, aux campagnes médiatiques sur la sécurité, au quadrillage militaro-policier du territoire : c’est du « banal », c’est logique puisque le monde est une prison.
La répression est « si banale », la société une prison, les luttes « populaires » sont à chier, les initiatives organisées par des « chieurs d’encres militants » ne servent à rien ou ne font que créer des illusions et le « militant moyen » qui s’y consacre ne fait que participer à la « pacification sociale » car, selon lui, « il faut l’attendre pour agir. »
Malgré leur tonalité anti-politique, ces propos s’inscrivent dans une démarche politique, non seulement erronée et à combattre parce qu’avant-gardiste, mais dangereuse car elle referme tous les espaces de la conflictualité sociale et politique et ne privilégie que l’action « militaire » (c’est la guerre !). Les réunions publiques ne servent à rien, ni les « rassemblements sans contenu (ou trop peu), rassembleurs ». Essayer de diffuser des idées, des arguments, s’adresser à la population, avoir une expression collective (contre la prison, mais cela serait la même chose sur d’autres sujets), s’opposer à la politique sécuritaire, carcérale, du gouvernement et derrière la logique de tous les Etats, tout cela ne sert à rien. Organiser une manifestation qui se passe sans casse, pour dénoncer la construction d’une nouvelle prison, ne sert à « rien d’autre qu’à balader son chien » et « à crever en n’ayant rien été d’autre que le spectateur pacifié de sa propre vie. »
Par contre, « nos cœurs bouillonnent vers la guerre », et il faut « contribuer par de réels dégâts physiques et matériels à la guerre sociale ». C’est un discours de la militarisation de l’affrontement. Comme si la révolution, les luttes sociales, la “guerre sociale”, était une guerre entre deux armées, où il faudrait infliger des « dégâts physiques et matériels » à l’adversaire. Comme si la domination du capital était la domination d’une dictature militaire et qu’il fallait mener une lutte/guerre dans une face à face avec l’Etat, un Etat toujours conçu exclusivement comme un instrument de répression que d’infâmes collabos (« anarcho-flics ») légitimeraient en n’osant pas l’attaquer directement, dès aujourd’hui, sans doute à coup d’explosifs ou de pelleteuses (« C’est que pour l’OCL du Poitou, l’heure n’est pas à l’attaque et à la destruction de toutes les prisons ») !
On croit rêver en lisant un tel tissu d’âneries. On a l’impression que, banalement, l’histoire se répète et que des leçons n’ont pas été tirées.
D’autant que la justification des actions “hors sol” est celle où l’on présuppose une situation globale et intemporelle (« l’administration pénitentiaire de nos vies ») pour les appliquer localement, quel que soit le contexte (« ailleurs, sans attendre et tout le temps ») et surtout sans tenir compte du moindre avis de ceux et celles qui luttes localement. Mais c’est vrai qu’il y a clairement « l’impossibilité de quelques affinités » avec ce petit monde des « chieurs d’encre militants », « les anarcho-flics », ces « fonctionnaires de la pacification sociale habillés en révolutionnaires » avec « leurs sales gueules ».
Malheureusement, ce n’est pas la première fois que des révoltés, des “radicaux”, ou même des anarchistes empruntent ce type de trajectoire, cette fuite en avant du face-à-face paranoïaque avec l’Etat dans lequel c’est toujours l’Etat qui gagne. Fuite en avant et renoncement : plutôt que d’affronter le monde avec sa complexité et ses contradictions, il est en effet plus “simple” de le découper en deux camps : eux et tous les autres désignés indistinctement comme des ennemis. En réduisant l’espace de la lutte à l’affirmation d’une identité haineuse, à une rhétorique sans idées et sans arguments, basée sur un degré zéro de la réflexion politique, qui semble fonctionner quasi exclusivement sur le ressentiment, sur l’insulte, les menaces (2), sur des postures obsessionnelles et un mental limite psychopathe, qu’un rien irrite (3) et où se manifeste la négation de toute altérité, de toute pluralité.
Le monde est surpeuplé de salauds, de traîtres et d’ennemis. On est dans un film très très noir. La mort sera-t-elle au rendez-vous ?
Les affinités sont effectivement impossibles. Nous ne sommes pas dans le même monde.
Un communiste libertaire le 14 octobre 2009
Notes
1. Les journaux auxquels ont participé des anarchistes en témoignent, depuis la “Voix du peuple” de Proudhon, le “Cri du peuple” de la Commune, le “Journal du peuple” pendant l’affaire Dreyfus. Sans même parler d’Emma Godmann qui publia une “Manifeste au peuple américain” ou de l’hymne des anars espagnols qui s’appelle “Hijos del Pueblo”… On n’évacue pas le peuple comme cela !
2. « Il convient toutefois de rappeler aux politiciens et autres « grands-frères » bien intentionnés, que lorsque qu’éclate notre rage, tout ce qui nous oppresse et se trouve sur notre route à un moment donné mérite de subir nos foudres, qu’il soit vêtu de bleu ou de tracts, et que nous ne tolérons pas les arbitres. »
3. « Nous espérons aussi ne pas avoir à revenir sur la politique et ses mécanismes de … » : ne nous obligez surtout pas à revenir sur ce qui est dit, hein ?!
Petite réponse rapide au 1er commentaire.
Et pourquoi pas hitléro-trotskyste, anarcho-fasciste, anarcho-nazi, anarcho-étatiste etc.. Tu as oublié anarcho-connard irresponsable, « anarcho-petit bourgeois de merde » . La bêtise n’est pas l’apanage des « léninistes »
Un petit lien d’un film qui vient de passer récemment sur Nantes.
ttp://www.united-red-army.com/?language=fr
J’aime bien moi les anarcho-flics si c’est là leurs positions politiques exprimées dans le texte (comme je sais pas ce que veut dire « anarcho-flic »…)
ce texte caricature au passage, en se fondant facilement sur l’article de NF, les « autonomes », ce qu’ils sont, ce qu’ils font et ce qu’ils disent. Mefie-toi, les moins élitistes et les plus soucieux, pratiquement, de ce que tu nommes « peuple » dans ton entourage en sont peut-être. Comment!? Quoi!? Elle!? Je ne comprends pas, il y a un truc qui m’échappe…
Effectivement!
Waouh, tu veux faire croire qu’ils sont partout ? Ca sert à rien de s’amuser à ça. Ca augmente juste le niveau de paranoïa en donnant un pouvoir à d’hypothétiques ‘invisibles » sur la masse ignare. En fait c’est à toi que tu cherches à donner du pouvoir. C’est une technique de base de gourou, faire croire qu’on en sait plus qu’autrui sur un pan caché du monde.
Et si ceux dont tu parles existent, ils doivent pas trop être contents qu’il y ait des gens comme toi qui parlent d’eux…
Perso, je pense pas que c’était vraiment la peine de répondre à ce texte. Le fond est quasi inexistant, si ce n’est une sorte de volonté de condamner l’ocl (même leur communiqué ne me semblait pas très intéressant non plus, et pas particulièrement révolutionnaire) et d’autres (vaguement défini), à grand renfort de prose quasi-professorale.
Le texte de NF, à mon avis, n’apportait rien, si ce n’est peut être une sorte d’auto-satisfaction à l’auteur, puisque ce que j’y ai lu peut se résumer à : Ocl c’est des cons et des collabos, les organisateurs poitevins c’est des cons et des collabos. Nous on les comprend parfaitement les péteurs de vitrines. Nous, on a la vrai rage.
Beaucoup trop de Nous (vague) et pas assez de Je (précis) dans ce texte de NF à mon sens.
Perso, j’ai rien contre le fait de péter des vitrines de banques a priori, mais se servir des discussions que ça a fait émergé pour se distinguer (ah! la Distinction) des autres tendances politiques, et dire en conclusion qu’on n’y était pas parce que de toute façon c’était pas assez bien pour nous, je trouve ça franchement moyen. En gros, je trouve ce texte tout simplement snob.
Donc, je pense que la présente réponse à ce texte de NF accorde beaucoup trop d’importance à un fond/contenu qui n’est au final qu’un pur support de distinction.
(ca veut pas dire que les auteurs de NF soient des abrutis ou des fachos ou qu’ils écrivent que des merdes, mais ca veut dire que ce texte précis est seulement snob.)
ceux dont je parle sont effectivement partout, de fait et en puissance. Il n’y a rien de caché, et il n’y a pas de masse ignare que je pourrais éclairer. Les émeutes en banlieue, par exemple, ne me semble pas d’une « nature » absolument différente de ce qui s’est passé à Poitiers, sauf pour ceux qui fantasment sur la mouvance « anarcho-autonome » depuis quelques affaires relayées par les médias. Il suffit pour s’en convaincre de relire les communiqués de la F.A ou autres formes d’orga structurées à l’occasion de novembre 2005. Elles sont quasiment identiques, dans leur volonté de se démarquer et de favoriser le retour au calme, aux communiqués présents concernant Poitiers (celui de l’OCL notamment).
Au communiste libertaire, à ceux et celles qui se retrouvent dans son discours
Hahahaha, et non tu ne nous auras pas comme ça ! En blablatant sur les raisons qui te pousses à t’auto-castrer, à refouler tes désirs, et en essayant de nous faire avaler ta résignation !
Oui nous ne pouvons que prendre du plaisir à la guerre qui nous oppose à tout ce qui nous empêche de vivre pleinement. Dans une vie aussi aseptisée, noyée dans les dispositifs qui en atténuent toute intensité, dans le décor triste et uniforme qui se déploie indépendamment et contre nous, quelle réaction plus spontanée que celle de détruire tout ça ? Vouloir vivre sur un mode qualitatif supérieur ? Et quelle meilleure manière de jouir qu’en détruisant ce qui nous empêche de le faire habituellement ? Nous avons des désirs, nous voulons tout simplement les réaliser tout de suite.
Et merde à tout ceux qui du haut de leur idéologie nous conseillent d’attendre le grand soir ! Le peuple, la nation, la race, le prolétariat (au sens marxiste), autant de notion désormais vide de sens. Nous sommes des HUMAINS, ou du moins nous sommes des êtres qui essayent de le devenir, envers et contre tout.
Vous êtes les derniers représentants de ce vieil anarchisme ouvrier et moraliste, qui, si il a effectivement été la plus haute expression révolutionnaire de son époque, n’est plus qu’un résidu anachronique. Il serait tant de cesser de se masturber sur la révolution espagnole et la commune de Paris et lire autre chose que Bakounine : ces 50 dernières années ont tout de même été riches en productions pertinentes, intelligentes, révolutionnaires, même si souvent contradictoires, ça va de l’IS à Tiqqun pour les plus connus. L’époque ne s’appréhende plus selon vos anciennes grilles de lecture, elle a évoluée, la domination a modifié ses modalités d’exercice. L’anarchisme traditionnel aurait du mourir à la naissance de l’internationale situationniste car cette dernière l’englobait et le dépassait. Seul la part d’idéologie que contient l’anarchisme a fait subsister ces modes périmés de la contestation. Voici une nouvelle occasion d’aller faire un tour au cimetière et enterrer définitivement le cadavre : la renaissance d’une théorie et d’une pratique critiques qui ne s’encombrent plus des aliénations révolutionnaires du passé. L’occasion vous est donnée de participer positivement à son élaboration et à son développement.
Critiquons tout, critiquons-nous ! Mais sur des bases valables !
Oui, sauf que l’IS et Tiqqun c’est obsolète aussi, c’est vieux, ça sent son avant-gardisme rance de lettrés dans son bunker d’ivoire. Nous détruirons aussi les bunkers d’ivoire.
@ anono anono anonono anononooonimeuuuuuuuuuuh :
Tu écris :
« Nous avons des désirs, nous voulons tout simplement les réaliser tout de suite. »
Et pour faire simple et méchant, je réponds :
« Quitte à se barrer en courant dès que ça chauffe et tant pis pour les potes qu’on avait pas prévenu et qui du coup vont en zonzon ? »
(tu vois ce que je veux dire ou pas ? Je vois pas d’antagonisme entre réaliser ses désirs tout de suite et des exigences éthiques que l’on peut se donner sans se castrer.)
Et puis tu dis que l’époque a changé et que les modes d’exercice de la domination aussi. Mais changement par rapport à quand et dans quelle mesure (degré/nature) ? Et puis est ce que la résistance (ou le désir si tu veux) doit forcément suivre le mouvement imposé par la domination, s’adapter docilement à ses modes d’exercices ?
Enfin tu dis que de l’IS a Tiqqun y a tout un monde qui dépasse et englobe l’anarchisme, bon soit, mais comment ça ? Tu peux éclairer ma lanterne d’ignorant stp ? (sans ironie).
Pour être honnête entre toi (ou vous ?) et le/les communistes libertaires, j’ai l’impression d’un vrai dialogue de sourd (c’est la masturbation ou la castration qui fait ça ?) (ahah, elle est bonne celle-là).
à yog,
tu vois encore du catéchisme là où il n’y a que propositions, de lecture notamment, et tu fantasmes à nouveau sur des supposés disciples aveuglés… On peut tout aussi bien proposer Non Fides à lire. Non-fides est peut-être moins poussiéreux que Tiqqun, mais les deux ne me semblent pas néfaste. Néfaste/pas néfaste…
Tiqqun et Non Fides sont du radotage. Le radotage est néfaste. Nous n’écoutons plus les fausses propositions de ceux qui brandissent leurs écrits, leurs tracts, leurs revues. Il n’y a de propositions que dans la discussion directe et non dans les machines de papier avec lesquelles vous tentez d’injecter votre credo.
Vous voulez allumez le feu, nous voulons respirer, marcher et nous abreuver. Vos écrits empuantissent l’air, forment les déserts et font les eaux troubles. Nous ne vous lisons plus.
Nous nous déshabillons quand vous vous déguisez, nous serrons le manche quand vous mordez vos stylos.
Vous êtes aussi ce vieux monde dont nous ne voulons pas.
AARGGH je déteste me relire parfois ! j’y trouve trop souvent ces sentiments de mépris et de supériorité qui pourrissent tant les débats, surtout ceux des derniers jours. Comme quoi les critiques entendues ici et là sur l’aveuglement des lecteurs des textes situs&cie sont souvent sinon parfois fondées. Si je parviens de plus en plus à me défaire de cette arrogance théorique, il me reste en revanche des efforts à fournir sur l’arrogance rhétorique.
@ Yog : il faudrait pousser plus avant la discussion sur la définition d’une « avant-garde », terme que tu utilises avec une connotation négative. Si l’on se débarrasse de ses acceptions léniniste et ouvriériste elle peut recouvrir une autre réalité, positive. Certaines personnes sont plus lucides que d’autres dans l’analyse d’une situation, dans l’appréhension d’une époque, c’est comme ça. On peut très bien se servir de leur production pour comprendre de quelles façon nous sommes dominés sans pour autant leur vouer un culte, ni les entourer d’une aura particulière. Il s’agit juste d’outils théoriques permettant de nous défaire de certains mécanismes mentaux, de mieux comprendre le monde et de guider notre pratique.
Ensuite que leurs productions soient écrites et pas orales relèvent plus des avantages que possède le format écrit, approfondissement de la pensée et large diffusion, rien d’autre. Il me semble en revanche indispensable d’en discuter par la suite, entre autres choses, et de les confronter à la pratique, à d’autres thèses et de faire évoluer tout ce barda. Il s’agit de s’approprier des outils et s’ils sont inopérants et bien on les améliore !
Lorsque je lis ce genre de textes je ne le fait pas – il serait plus honnête de dire : je ne le fais PLUS – en pensant accéder aux dernières grandes vérités révolutionnaires. Je les appréhende juste comme une manière particulière d’aborder et d’expliquer la réalité dans le cadre d’un ensemble cohérent d’analyses et de thèses. Tout dépend en fait du rapport que l’on entretient avec les choses, et de l’usage que l’on fait de nos outils !
@ yuiop : tu as dit : « Je vois pas d’antagonisme entre réaliser ses désirs tout de suite et des exigences éthiques que l’on peut se donner sans se castrer. »
Tout le monde doit être d’accord avec ça. Il s’agit d’organisation et de tactique, pour ne pas se faire chopper, pour ne pas que d’autres trinquent à ta place. Sur ce plan ça a été un sacré foutoir à Poitland et s’il y a des leçons à tirer de ce fameux samedi après-midi il faut certainement partir de là !
Tu as dit aussi : « Et puis tu dis que l’époque a changé et que les modes d’exercice de la domination aussi. Mais changement par rapport à quand et dans quelle mesure (degré/nature) ? Et puis est ce que la résistance (ou le désir si tu veux) doit forcément suivre le mouvement imposé par la domination, s’adapter docilement à ses modes d’exercices ? »
Je voulais parler de l’évolution des formes de pouvoir (de leur exercice, des idéologies et des aliénations qui en résultent) depuis l’époque ou l’anarchisme est né (dans la deuxième moitié du XIXème en gros) à aujourd’hui. Répondre de quelle manière et sur quel degré, cela risque d’être un peu long, et puis ce ne serait que ma vision des choses (elle-même pas forcément cohérente puisque influencée par divers courants contradictoires). Quelques pistes : Entre le capitalisme productiviste et la démocratie consumériste il y a quand même de sacrées différences. La fin de la dichotomie exploiteur/exploités par exemple, de leur séparation claire et irrévocable. Ou l’accession massive des travailleurs à la marchandise. Ou la fin du prolétariat ouvrier et l’apparition d’un nouveau prolétariat (dont la redéfinition reste sujette à discussion). Ou encore l’expansion du contrôle policier et de l’organisation bureaucratique en dehors de la seule activité salariale, jusqu’à s’étendre à tous les domaines de la vie. L’apparition d’une nouvelle organisation sociale : le biopouvoir. Fin bref ça en fait des choses quand même !
En tout cas il me parait indispensable de cerner au mieux l’époque dans laquelle on vit, de comprendre ses mécanismes, ses points forts et ses points faibles, sans quoi on se condamne à une praxis inefficace. La société évolue, sa critique doit en faire autant. Que les désirs s’inspirent de la lutte actuelle et de l’époque qui la fait naitre ou de pulsions et de passions multi-séculaires (comme celles de la liberté) peut importe finalement tant qu’ils restent le moteur des volontés de réalisations individuelles et collectives.
Tu écris aussi : « Enfin tu dis que de l’IS a Tiqqun y a tout un monde qui dépasse et englobe l’anarchisme, bon soit, mais comment ça ? Tu peux éclairer ma lanterne d’ignorant stp ? (sans ironie). »
Ce que j’ai dit au dessus sur les évolutions historiques simultanées du pouvoir et de ses négations devrait suffire : en se faisant à la fois l’héritière des divers mouvements révolutionnaires (y compris le mouvement anarchiste) et de leurs échecs surtout, tout en élaborant une critique exacte de son époque, l’IS a dépassé l’anarchisme à la fois dans l’analyse et dans le projet révolutionnaire. C’était facile finalement : la critique des anars du début vingtième correspondait de moins en moins à la réalité vécue par les dominées. L’IS a su expliquer les actes de refus, et essayé (sans grand succès) de les catalyser pour en faire une force. Elle a voulu raffiner les pulsions et les désirs humains jusqu’à pouvoir réaliser l’art et la philosophie : la modification consciente des comportements, la construction libre et consciente de tous les moments de la vie. Un projet total, unitaire, réalisable dans l’autogestion généralisée.
Pour caricaturer j’ai envie de dire qu’avant elle, les anarchistes de l’après-guerre ne savaient plus pourquoi ils se révoltaient.
Et enfin tu termines : « Pour être honnête entre toi (ou vous ?) et le/les communistes libertaires, j’ai l’impression d’un vrai dialogue de sourd (c’est la masturbation ou la castration qui fait ça ?) (ahah, elle est bonne celle-là). »
Oui tu as certainement raison. L’impression qui domine quand je lis leur prose c’est d’avoir lu ça des milliers de fois, avoir déjà pensé comme ça, être déjà passé par ces étapes, et je ne comprends pas qu’ils s’y complaisent et y végètent. Ça me soule rapidement et à choisir je prend le « rentre-dedans » improductif plutôt que la condescendance hautaine, je m’amuse plus. Je devrais essayer l’indifférence, je perdrais moins de temps.
Je rêve, j’avais écrit une réponse assez longue et je l’ai perdu à cause d’une histoire de cookies.
Bon, en gros, je disais que pour pouvoir poursuivre la discussion de manière intéressante, il me fallait lire plus avant les textes auxquels tu fais allusion mais que j’avais d’hors et déjà deux choses à dire.
Dabord, je suis sceptique vis à vis des idées de grandes transitions ou de changement de nature du capitalisme, sans nier l’importance politique des changements dont tu parles. Je parlais vite fait de Arrighi, Braudel et Marx. (l’idée majeure était que la logique du capital reste la même depuis très longtemps, et que ce que l’on vit dans les pays riches aujourdh’ui est une phase d’un cycle, et que le système est déjà passé par ce genre de cycle dans le passé. (cycle hégémonique). )
Le deuxième point était qu’il ne faut pas négliger le fait que les gens qui vivent dans des démocraties consuméristes aujourdhui sont une infime partie des gens à l’échelle globale, et qu’il y a sans doute plus de prolétaires aujourd’hui qu’au 19ème.
Et pour finir, je me demandais si le presque-conflit la au dessus n’était pas un prolongement de « critique artiste » VERSUS « critique sociale ».
et je disais aussi qu’il faut faire gaffe à pas tomber dans des schémas de pensée évolutionniste (évolution du capitalisme).
Arrighi dont je parle au dessus, c’est Giovanni Arrighi. L’auteur notamment de « Chaos and gouvernance in the modern world system » et de « Adam Smith à Pékin ». et coauteur de « antisystemic movements »,
quand vous serez au bord du gouffre etre dans la merde jusqu au cou peut etre que oui mais pas avant s etre vraiment organiser important il y en a marre de traiter de petit bourge ceux qui dise non au systemeou nous somme echrasse tout les jours marre de se confort satisfait dans pays on etouffe il casse un carot pour pouvoir respirer en paix