Car si la tolérance voudrait que "chacun fasse ce qui lui
plaît", l’épilation n’est que rarement un "choix
personnel". S’épiler, c’est se conformer à une puissante
norme sociale, dont les origines sont à chercher tant dans l’intérêt
économique de l’industrie cosmétique que dans la volonté
de domestication des esprits et des corps. Tout écart
à la norme est sanctionné par un contrôle social exercé
par ceux-là même qui s’y soumettent. En témoigne le
fait que tant de femmes n’oseraient en aucun cas se montrer non épilées.
Comment alors affirmer que l’épilation est un choix personnel ?
Cette contradiction entre le sentiment diffus de la pression sociale et
l’affirmation que l’épilation est le reflet de notre "goût"
et de notre "personnalité" est le propre de ce que l’on
appelle l’aliénation.
L’aliénation, c’est une soumission qui s’ignore en tant
que telle
. C’est être esclave en se croyant libre. C’est
aider l’oppresseur à nous opprimer. Ainsi la personne aliénée
voit dans ses propres conduites de soumission (ex : l’épilation),
l’expression de sa liberté personnelle et en même temps elle
légitime et relaye la pression sur ses semblables.
Or la question du poil est une de celles où se révèle
une aliénation d’autant plus profonde qu’elle touche l’intimité.
Ce sont tout à la fois notre rapport au corps, notre rapport à
la sexualité, et notre rapport à la nature, qui sont aliénés.
Et l’enjeu de L’été sans épilation est bien
de lutter contre cette aliénation généralisée
qui témoigne de l’inquiétante évolution
de notre société vers le totalitarisme.
Le simple fait que l’on n’ose pas se montrer avec ses poils est
une raison suffisante pour les garder
: c’est une question de
santé mentale et politique. Il s’agit en effet de vaincre la peur
qui paralyse l’action. Ainsi une personne qui prend conscience de ce qui
la détermine objectivement à s’épiler, et, plus encore,
qui prend la décision de refuser que le
sort de sa pilosité échappe de la sorte à son libre-arbitre,
entre en résistance.
En effet c’est par la réappropriation
de l’intime que commence la résistance politique.
Le refus
de l’épilation se construit ainsi comme acte politique.
Prenons conscience du fait qu’il existe encore en matière de poil
un espace de liberté : il est légal de se montrer en public
avec une pilosité visible. Ces libertés que l’on n’ose plus
prendre, nous devons justement les prendre pour qu’elles continuent d’exister
légalement. Le courage que cela nécessite, c’est celui dont
nous avons besoin pour résister et pour reconquérir toutes
les libertés perdues.