La crise de 2001 a laissé ses marques, malgré la recomposition de l’establishment, la hausse de la production des dernières années et la baisse des taux de chômage, de pauvreté et d’indigence, il n’y a rien qui garantisse une stabilité qui chaque jour dépend plus des grands marchés mondiaux, aujourd’hui en banqueroute.

Devant les attaques de n’importe quelle nouvelle crise dans ce système, crise interne ou externe, les entreprises n’ont pas le moindre scrupule à laisser sans travail des milliers de travailleurs, afin de ne pas perdre leur marge de gain, et ceux-ci n’ont pas de meilleure idée que de récupérer les traditions de lutte qui bien que proches dans le temps semblaient déjà oubliées.

De cette façon les prises ou les occupations de fabriques qui se produisent dans le capitale et dans le Grand Buenos Aires augmentent chaque jour. Au-delà des particularités de chaque cas, il y a un dénominateur commun : devant l’abandon de la fabrique par les patrons, les ouvriers résistent et luttent pour conserver leurs postes de travail, et, arrivé le cas, se disposent à produire sans patron.

Cet article souhaite dans un premier temps évoquer seulement quelques-uns des conflits qui ont eu lieu.

COOPERATIVA ESPERANZA DEL PLATA (Ex Envases del Plata)

L’entreprise Envases del Plata produit des conditionnements de polyéthylène pour divers usages. Elle se trouve dans la localité de Bernal, municipalité de Quilmes.

Elle a une ancienneté de 40 ans. Ses propriétaires sont Ignacio Tassano et Elizabeth Tassano qui employaient 24 travailleurs.

Dans la deuxième quinzaine d’octobre 2008, ils ont obligé les travailleurs à prendre des vacances, sans paiement.
En novembre, commence le non paiement des salaires et l’arrivée chez chaque travailleur du télégramme de licenciement.

La patronale leur doit la moitié du treizième mois, des heures supplémentaires et les indemnisations de gens avec beaucoup d’années d’ancienneté (1 million et demi de pesos d’indemnisations, 200 000 euros).

A dix reprises, les propriétaires ne se sont pas présentés aux audiences du ministère du Travail (l’entreprise ne s’est pas déclarée en faillite). La seule proposition qui a été faite a été le paiement des dettes au moyen de la vente des machines, ce qui a été refusé pour insuffisant.

Devant le manque de réponses, les travailleurs ont occupé la fabrique le 26 décembre 2008.

Le 7 décembre est entré au conseil municipal de Quilmes le projet d’expropriation.

La fabrique a déjà commencé à produire quelque chose avec le peu de matières premières qu’ils ont pu acheter, tandis qu’ils attendent une subvention de la municipalité et que sorte la matricule de la coopérative pour demander des crédits.

COOPERATIVA GRAFICA 10 DE DICIEMBRE (Ex-INDUGRAF)

Indugraf est une entreprise graphique spécialisée dans l’impression des livres du programme d’enseignement primaire, secondaire et autres.

La fabrique est située dans le quartier de Parque Patricios à Buenos Aires. Les propriétaires sont Jorge Martínez et deux de ses enfants.

Jusqu’au jour des licenciements, la fabrique fonctionnait 24 heures sur 24, sans baisse de la production.

Quelques mois auparavant avaient commencé les retard de paiements de salaire, les suspensions et les licenciements de 10 travailleurs.

Le 24 novembre 2008, les travailleurs se retrouvent devant la fabrique fermée et dans l’entrée une note informait qu’ils seraient informés par télégramme à propos des mesures que l’entreprise prendrait. De retour chez eux, les 88 travailleurs avaient déjà reçu les télégrammes de licenciement.

A cette date, ils avaient trois mois de salaire, les congés et les indemnisations non payés.

Le week-end préalable aux licenciements, toutes les bases de données de comptabilité et les listes de clients ont été soustrait des ordinateurs de l’entreprise. Les portes ont aussi été soudées.

Quelques jours auparavant, la patronale avait présenté au ministère du Travail le Procédé Préventif de Crise, mais il a été refusé pour ne pas être justifié dans les bilans présentés.

Pour ne pas avoir de réponses quand à leurs paiments et après avoir réalisé une dénonciation devant le ministère du Travail, les travailleurs ont décidé de réaliser un campement aux portes de l’entreprise.

Le 10 décembre 2008, devant la disparition et le silence des propriétaires (lock out patronal), ils décident d’occuper la fabrique pour défendre leurs postes de travail et pour éviter la sortie des machines de l’entreprise.

Ils reçoivent le soutien d’organisations politiques et sociales. Ils ont inscrit à l’Institut National d’Economie Sociale la Coopérative Grafica 10 de diciembre.

Ils ont présenté devant la Législature de la ville de Buenos Aires le projet d’expropriation, qui met en avant le caractère d’utilité publique.

L’ordre d’expulsion dicté par le ministère public au nom de la juge Elsa Miranda (inculpation pour usurpation illégitime de la propriété), en raison de la dénonciation effectuée par le propriétaire Jorge Martinez, est toujours en vigueur.

COOPERATIVA VIVISE (Ex Fortunato ARRUFAT S.A.I.C. et F.)

La célèbre fabrique Arrufat située dans le quartier den Buenos Aires de La Paternal élabore depuis 1931 différents produits à base de chocolat. Sa dernière propriétaire a été jusqu’à il y a peu Diana Arrufat, petite-fille du fondateur de l’établissement.

Un supposé désaccord entre l’ex-propriétaire et un partenaire investisseur en décembre 2007 provoque un lent procesus de liquidation de l’entreprise.

En janvier 2008, les travailleurs remarquent une baisse accentuée de la production. L’entreprise vendait ses produits mais cessait d’acheter la matière première. Les ouvriers ont manifesté leur préoccupation, en précisant que si la propriétaire continuait cette attitude, la fabrique cesserait de fonctionner.

C’est ainsi qu’ils en sont arrivés en mars de la même année à ne plus toucher régulièrement leurs salaires. D’abord ils recevaient 300 pesos chaque semaine, ensuite 200 puis seulement 50. A cette époque, ils avaient cessé de recevoir les aides scolaires et le salaire familial.

Avec un rythme de production à chaque fois moindre, une grande partie de l’année s’est écoulée voyant l’entreprise s’effondrer. Diana Arrufat et son mari, Eduardo Pagano (supposé administrateur provisoire) pronostiquaient à leurs employés que l’entreprise allait s’arrêter et leur recommandait de chercher un autre travail.

En octobre 2008, ils ont terminé de leur payer le salaire d’avril et il n’y avait pratiquement plus de travail.

En décembre, la propriétaire avait déjà décidé la fin de l’entreprise. Le service d’approvisionnement électrique avait cessé d’être payé en novembre, et avec deux mois de dette, le 5 janvier 2009, l’entreprise d’électricité l’a coupé.

Ce même jour, les travailleurs ont trouvé l’usine fermée avec une affiche sur la porte qui informait tout le personnel la cessation d’activités de la fabrique.

Avec neuf mois de salaires dus, les 40 travailleurs réunis à la porte, parmi lesquels des employés avec plus de quarante années d’ancienneté, ont décidé de prendre l’usine.

Ils se sont ensuite adressés au ministère du Travail pour effectuer la dénonciation de détournement. Ce même jour la patronale a dénoncé les travailleurs pour usurpation.

Sans réponse de la part de la patronale et de l’État, les travailleurs ont résolu de former une coopérative et d’essayer de produire sans patron.

Depuis le premier moment ils ont reçu le soutien des habitants du quartier. Grâce à une voisine qui les a connectés chez elle ils reçoivent de l’électricité et produisent de manière « artisanale » (à la main) des tablettes de chocolat et des oeufs de Pâque, qu’il vendent eux-mêmes dans la rue. Ils ont aussi reçu des dons de sucre, de lait et de cacao.

Le 5 mars, quand la récupération accomplissait deux mois, un fonctionnaire de la justice accompagné par une opération policière qui au fil des heures arrivera à compter plus de 200 effectifs (incluant l’infanterie et le groupe spécial GEO). L’intention était de saisir la machine de raffinerie de chocolat de cinq cylindres, la plus importante de la fabrique puisqu’elle est vital pour l’élaboration de tous les produits. Cette opération est due au fait que cette machine a été vendue à la suite d’un jugement commencé en 2007.

Les effectifs du groupe GEO qui sont descendu par des cordes par les murs des bâtiments voisins ont trouvé deux travailleurs enchainés à la machine.

La résistance des travailleurs qui se trouvaient à l’intérieur et la pression qu’exerçaient dehors une grande quantité de manifestants, a obligé le juge à repousser de 15 jours la mesure.

Ce sont actuellement 33 travailleurs qui impulsent la coopérative. Tandis que l’ex propriétaire est en voyage en Grèce, eux, se sont occupés de mettre récemment en marche l’usine.

COOPERATIVA LA NUEVA UNION (Ex Talleres Union S. A. de Artes Graficas)

Cette graphique, spécialisée depuis 1938 dans la reliure fine et rustique, a été fondé par Ricardo Agustin Laino, père du président de l’entreprise au moment de sa fermeture.

La première grande crise a eu lieu en 2001 quand a commencé une cessation de paiement de salaires.
En 2004, les plus grands créanciers, les travailleurs, en assemblée de manière préventive décident de former la coopérative. Avec le temps, l’activité a été régularisée et le projet est resté en suspens. L’entreprise produisait à nouveau de manière soutenable.

Mais en janvier 2007 commence une baisse de la production qui sera étendue jusqu’à la moitié de l’année.

Le 6 août 2007, le personnel a découvert que la patronale avait emporté la moitié des machines et a vidé les bureaux en emportant tous les ordinateurs qui contenaient des informations vitales pour le fonctionnement de l’entreprise (salaires, budgets, facturation, portefeuille de clients, etc.). Le chef d’entreprise a fait valoir qu’il l’a fait pour les sauver d’une mise aux enchères.

Ce même jour, les 48 travailleurs, ont décidé d’occuper l’usine pour éviter le détournement total de la fabrique. Depuis ce moment a commencé la cessation de paiements de salaires.

En octobre et après quelques négociations, on leur donnait 50 pesos par semaine, toutefois la patronale rejetait des travaux demandés par des maisons d’édition. Commençait un lock out patronal. Les travailleurs ont compris l’intention du propriétaire de mettre fin à l’entreprise.

Grâce à la pression, les mêmes travailleurs ont obtenu quelques travaux. Malgré l’opposition de Ricardo Agustin Laino fils, ils ont directement négocié des travaux avec le client le plus important, mettant de côté le propriétaire.

« Est arrivé un moment où l’ex propriétaire nous a dit : Je ne peux rien faire de plus donc faites ce que vous voulez. Comme j’ai pu j’ai commencé à parler avec les fournisseurs. Et à ce moment là nous gérions nous même la fabrique : nous percevions, nous facturions, nous achetions les matières premières, nous payions les impôts, nous nous payions » (Flavia, employée administrative avec 10 années dans l’entreprise).

Pendant cette étape l’ex propriétaire a essayé comme il a pu de mettre des bâtons dans les roues de l’expérience autogérée : en changeant les commandes, en négligeant les clients et en manquant aux accords et aux priorités de la production. Malgré ces obstacles, les travailleurs ont obtenu de mener en avant l’usine. Mais en décembre 2007 entre à la justice la demande de faillite.
Le 13 mars 2008 est arrivé l’ordre d’expulsion et de fermeture. Ce même jour, une partie des 33 travailleurs se trouvait à l’Institut National d’entreprise sociale pour l’habilitation provisoire de la coopérative. Les travailleurs ont résisté à l’expulsion.

En assemblée, ils ont décidé un campement aux portes de l’usine avec une garde permanente. Les familles des travailleurs, les voisins, le syndicat graphique et d’autres coopératives les ont aidé de différentes manières.

Après neuf mois de campement, 250 personnes, entre travailleurs de la graphique et membres d’autres coopératives se sont rendu à une audition chez le juge en charge du dossier. Ils ont été informés que la réunion avait été suspendue jusqu’à nouvel ordre. Les manifestants indignés ont décidé de couper la rue d’abord, et ensuite d’occuper le tribunal pour obtenir que leur cas soit traité. Devant la pression, le juge les a reçu et a fixé une date pour une nouvelle audition.

Après trois mois (avec l’accord de la banque créditrice de l’hypothèque de l’immeuble) la justice a jugé en faveur de la continuité des travailleurs au contrôle de l’usine, à travers une concession d’une année.

Actuellement ce sont 23 travailleurs qui impulsent la coopérative, qui se battent pour la Loi d’Expropriation.

« C’est une opportunité unique dans ma vie, je ne vais l’avoir jamais plus: qu’est-ce qu’il va en sortir ? Je sais que je vais laisser ce que je dois laisser, et plus encore, bien que cela n’est pas facile, c’est beaucoup plus beau que d’être toujours subordonné aux desseins du patron, l’avenir qu’il y a ici est énorme » (Luis, doubleur avec 20 ans de fabrique).

Argentina Arde,

http://www.argentinaarde.org.ar/index.php?option=com_co…mid=2

http://www.argentinaarde.org.ar/index.php?option=com_co…mid=2

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

Sur le même sujet voir la section « entreprises récupérées » sur amerikenlutte et le documentaire Nadie se fue dans la section « vidéothèque » du même site.

PHOTOS :
http://amerikenlutte.free.fr/index.php?option=com_conte…mid=1