Selon toute logique, le même schéma se reproduisant partout en Europe, c’est-à-dire une jeunesse estudiantine décidée à ne pas se laisser faire et réprimé violemment et immédiatement par les services spécialisés de la police, signifierait le renouveau du romantisme. Des sans-papiers qui brûlent un CRA sont ils romantiques insurrectionnalistes ? La résistance en continue dans des cités contre la police, qui entraîne des jeunes de 14-15 en G.A.V, n’est-il rendu possible que par le fait de dangereux manipulateurs ? Évidemment non, le militant libertaire n’étant ni sans papiers, ni issu des cités, il a tout loisir pour encenser ce qui est éloigné de son quotidien afin de mieux dénigrer ce qui lui est proche.

On aurait pu croire que son aversion idéologique de l’état, l’incite à dénoncer avant toute chose la répression des luttes et faire profiter à tout le monde de ses nombreuses expériences. Au lieu de ça, il justifie la thématique de l’ennemi intérieur, et voit dans la pathétique mouvance insurrectionnaliste l’entrave à sa si parfaite stratégie. Si des jeunes gens de la classe moyenne, prolétarisée et sans devenir dans le capital, s’affrontent à la police, cherchent à s’organiser sans syndicats ni infiltration policière, et se payent le luxe d’agir sans même demander l’avis des libertaires ; c’est qu’ils sont soit manipulés soit manipulateurs !

Le militant libertaire a du faire le deuil du prolétariat, sujet révolutionnaire permanent qu’il a prétendu éduquer pendant 40 ans. Aujourd’hui ce sont « les gens », qui ne seraient pas prêt et à qui il conviendrait d’insuffler « une pédagogie de lutte », « proposer une stratégie », et pourquoi tant qu’à y être « une idéologie »… Et tout en minimisant la répression policière, obnubilé qu’il est par la geste romantique du molotov et de l’auto réduction, il ne voit même pas que ses ennemis réformistes d’hier, sont tout autant la cible de l’état, et filent droit en G.A.V pour peu qu’ils aient une action sociale de résistance. Ce qui nous est légitime, l’état le déclare illégal.

Sa modeste contribution, c’est la grève générale, qui fait l’unanimité du parti de gauche jusqu’aux deux CNTs. Et de la grève générale, dont la revendication principale et officielle sera le ménagement du pouvoir d’achat, comment arrivera t’on à l’autogestion expropriatrice ? Ce sera mystère et boule de gomme… Et si tous parlent de la Guadeloupe, ce n’est pas pour ses barrages enflammés tenant à distance respectable les troupes d’élite de la gendarmerie, ni le harcèlement des patrons, ni la solidarité exemplaire des insurgés ; c’est plutôt pour la plateforme revendicative.

Et le doux infléchissement de la gauche vers une rhétorique libertaire (crise oblige), répond au non évènement de la dérive du milieu libertaire vers un front unique de gauche. Prétendre mettre un pays dans la rue au nom de revendications immédiates qui n’ont aucune chance d’aboutir, c’est forger les armes de notre défaite.

Les assemblées en lutte, la solidarité active, la socialisation des savoirs faire, les occupations et la réappropriation sont nos armes face à l’état. Elles critiquent en acte le capitalisme et commencent à poser socialement la nécessaire modification des rapports sociaux et économiques. Plus ces pratiques sont vivantes et diversifiées, plus nous serons à même de profiter de la crise du capitalisme pour les approfondir, et renforcer la solidarité avec toutes celles et tous ceux en lutte.

La défense du droit du travailleur, du sans papier, de l’étudiant, du chômeur, du précaire, de l’immigré… est révolu ; nous exigeons le droit de ne plus être ni travailleur, ni sans papier, ni étudiant, ni chômeur, ni précaire, ni immigré…

Qu’on se le tienne pour dit, il n’y aura pas de trans-croissance des luttes catégorielles vers la révolution, il y aura rupture. Et sous les coups de buttoir révolutionnaire et populaire devra aussi disparaître la cohorte spécialisée et militante, qui tout en désignant sous le vocable « insurrectionnaliste » une tendance légitime et spontanée à la révolte, ne fait rien de moins que contribuer à préparer le terrain de la réaction.

Des individuEs