A vous de réchauffer notre hiver

à tous les parents ( et les autres) qui ont fait 68 et sa suite

Vous avez vécu le printemps. Les projets qui germent, se nourrissant du soleil et illuminant le monde de couleur. Les années 70, l’effervescence politique, l’espoir, le Larzac, les luttes. La GP, le PSU et l’écologie en acte. Vous avez vécu tout ça. Vous êtes nos parents.

Ensuite il y a eu l’été, les années 80, l’arrivée de la gauche au pouvoir, le soleil qui tape trop fort et qui dessèche tout. Comme autant de répression, de fatigue et de désillusion. Vous avez quitté vos communautés pour mener vos vies de famille. Vous avez eu des enfants. Nous. Vous avez continué à militer, à votre façon mais les choses allaient trop vite.

Puis ce fut l’automne, les années 90, les feuilles qui tombent des arbres, le capitalisme qui gagne du terrain sur nos vies, les grèves victorieuses et les manifestations joyeuses ne sont plus que des souvenir. La mondialisation nous a élevé a coup de Mac do, nos camarade de classe s’appelaient « Kévin » ou « Cindy ». Vous avez tenté de résister, fait de l’humanitaire ou de la chanson. Peu à peu vous avez perdu de vue quelques vieux amis, vous avez découvert de nouvelles passions, de nouveaux horizons.

Nous n’avons connu que l’hiver, les années 2000, et le constat est triste. Nous avons grandit avec la télé réalité et le consumérisme. Aujourd’hui pour Être, il faut Avoir et Paraître. Nous en avons prit plein la gueule : chômage obligatoire, expulsions d’amis sans papier, pollution, violence policière, tout est allé en empirant. Pour vous les choses se reproduisaient simplement, alors, peut être, vous ne vous êtes pas alarmé tout de suite. Mais nous n’avions pas les armes pour résister car vous ne nous les avez pas transmises. Alors nous avons du les inventer. Nous inspirer de ce que nous avions autour de nous. S’organiser par internent, répondre à la violence par la violence, nier plutôt que de construire. On s’est tout simplement débrouillé comme on a pu. Et puis, alors que l’hiver était plus froid que jamais [1], que la répression atteignait son paroxysme, jetant certains d’entre nous en prison [2], vous vous êtes réveillé. Vous avez écrit dans des journaux, participé à des comités de soutien, manifesté en masse, hébergé des sans papiers. Vous avez réchauffé notre hiver. Transmis la flamme pour qu’elle ne s’éteigne pas.

On ne vous en demande pas plus.

Aidez-nous à rallumer le feu, on se charge de le propager.

C’est ensemble que nous devons changer les choses.

[1] chiffre officiel : près de 300 000 garde à vue en 2008, plus qu’en 2007 et moins qu’en 2009. Chiffre qui concerne, pour la grande majorité, les 16-25 ans.

[2] Manifestations contre le CPE, contre la LRU, contre les réformes Darcos et Fillon, solidarité avec les grecs en lutte, avec les Antilles en grève, émeutes de banlieues et bien sur célébration de l’élection de notre cher président… autant d’occasions qu’a saisies le pouvoir, peut être un peu trop secoué à son goût, pour jeter des centaines de jeunes en prison.

Lundi 2 mars

des révolté-es