Quelques mots sur la communication sur la réédition d’un auteur léniniste, pro-pédophile et négationniste.

j’ai découvert dans un message publié sur Bourrasque l’existence d’une réédition de « Quand meurent les insurections » de Gilles Dauvé. Un choix plutôt surprenant au regard de ses errements idéologiques passés, et notamment autour du négationnisme d’ultra-gauche dont il fut une des figures jamais véritablement repentante.

Pour les faits (plus que pour les analyses), je vous recommande le texte « Les mésaventures du sectarisme révolutionnaire » d’Alain Bihr.

« C’est là que Dauvé reste essentiel : Quand meurent les insurrections n’est pas un livre d’histoire, mais une boussole pour notre présent, ce moment où la démocratie s’effondre en autoritarisme et où la seule promesse réelle n’est pas celle d’une nouvelle constitution, mais celle d’une autre vie qui naît dans la destruction du monde marchand. » (préface de cette réédition d’octobre 2025)

Drôle de choix de boussole que de prendre celle d’un antisémite connu et dénoncé, au moment même où les violences racistes contre les musulmans et les juifs explosent en France. Drôle de choix de boussole que de prendre une personne clairement aveugle aux dynamiques racistes qui fondent la structure du fascisme pour réaliser une critique (néanmoins nécessaire) de l’antifascisme. Drôle de boussole que de republier un texte qui réduit tout à une question de capitalisme alors même que c’est cet hyper-réductionnisme qui l’a amené à justifier le révisionnisme/négationnisme antisémite.

Drôle de boussole que celle qui sombre dans le relativisme le plus crasse, écrivant ainsi « l’unification sociale va au-delà de celle effectuée sous la terreur fasciste, mais le fascisme en tant que mouvement spécifique a disparu. » (page 15). Et ce alors même que de l’Inde de Modhi aux USA de Trump, nous pouvons le voir en action.

Et quand l’analyse de la boussole se trompe, elle s’en tire par des pirouettes magiques. Si le fascisme ne s’est pas réalisé en France en 1936, ce n’est pas dû à des actions spécifiques ou un contexte particulier qu’il faudrait analyser en détail mais tout simplement « car la France de 1936 n’avait nul besoin d’unifier autoritairement son capital ni de réduire ses classes moyennes. » (page 16). Ainsi l’habile escamoteur fait disparaître l’histoire réel, concrète et vécu (avec ses succès, ses échecs…) par une mystique où un capitalisme unique et tout puissant régente dans l’ombre l’ordre du monde.

Habile escamoteur, car il fait disparaître les récits qui ne lui conviennent pas, ne lui servent pas ou pourraient contredire son récit. Disparaît ainsi de ses analyses le régime fasciste de Miklos Horthy, mis en place suite à l’écrasement armée de la république des conseils Hongroise. Cet « oubli » (qui n’en est pas un puisque lui-même en parle page 12) lui permet de faire des organisations de gauche réformiste les responsables principales des échecs en faisant disparaître la capacité des fascistes à se mobiliser et à agir en tant qu’acteur. Et évidemment à faire disparaître l’antisémitisme, extrêmement présent et actif à la fois dans les violences des « blancs » que dans les lois passés ensuite.

En multipliant à la fois les phrases chocs et les analyses superficielles, on ne voit que trop bien la route sur laquelle veut nous entraîner celui dont le parcours consiste bien souvent à se vautrer dans les ornières les unes après les autres. Tout d’abord sauver le marxisme, même ses formes Léninistes, en multipliant citation et références. La plus grande supercherie consistant évidemment à faire disparaître l’armée insurrectionnelle d’Ukraine et sa répression par Lénine.

La seconde, la disparition de toute analyse de la contre-révolution qui ne se limiterait pas à des réflexions anti-capitaliste mais qui s’intéresserait à d’autres pans de la guerre sociale (féminisme, anti-racisme…). Exit le racisme qui sert d’outil d’unification des classes, le pillage des populations minorisées comme outil de renforcement à la fois de l’outil d’oppression des prolétaires mais aussi comme afin d’obtenir le soutien des profiteurs de ce pillage. Exit le renforcement d’un patriarcat qui permet d’obtenir l’adhésion de millions de jeunes hommes. Bref, exit les outils qui permettent l’adhésion explicite ou implicite d’une partie de la population aux systèmes fascistes. Outils que l’on peut voir aussi mobiliser de nos jours. Privé de cette compréhension des dynamiques fascistes, la réflexion atrophiée ne peut mener qu’à une conclusion elle-même amputée.

Le troisième point, c’est celle d’une simplification à outrance, presque mécaniste, où des millions d’individus et de contradictions deviennent des unités éthérées : prolétariat, peuple, bourgeoisie. Faisant ainsi disparaître les contradictions internes multiples au sein de ces groupes, sauf quand elles peuvent servir à donner de la crédibilité au récit… Ces simplifications ne sont pas simplement des artifices d’écriture parfois nécessaire dans des textes courts. Dans ce texte, ces fictions deviennent des moyens de séparer artificiellement les organisations des personnes qui les composent, les soutiennent et les rejoignent. Plutôt que de nous amener à comprendre la complexité des situations, nous permettant ainsi de développer des armes pratiques et théoriques pour mener la lutte, ces simplifications nous privent d’outils concrets autre que des formules chocs à ressortir dans les revues mondaines et les pseudo-discussions. On sera ainsi ravi d’apprendre que c’est le « manque de vigueur » (page 42) d’une population qui attaqua les casernes à mains nues qui a permis la prise de pouvoir des militaires à Séville et non pas le manque concret d’armes et de préparation…

Ce n’est pas un hasard si le texte d’origine date de 1979 (modifié en 1998 puis en 1999), l’année même où Dauvé publie son texte négationniste «  De l’exploitation dans les camps à l’exploitation des camps  » dans le 3e numéro de La guerre sociale. D’ailleurs les passages d’origine où il défend des négationnistes comme Paul Rassinier ont disparus entre-temps… On y retrouve néamoins tout les éléments clés des lignes idéologiques qui lui ont servi à écrire ses écrits les plus lamentables.

Il y a bien évidemment une nécessité à faire une critique de certaines des légendes véhiculés par un certain antifascisme, mais cela passe par notre capacité à analyser les faits avec précision, rigueur et dans leur entièreté plutôt qu’à travers la tentative impossible de faire coller la réalité aux dogmes marxistes par un des personnages les plus infréquentable de l’ex-ultragauche.

Il y a bien évidemment des critiques plus fines, plus construites et plus intelligentes à faire de ce texte (qui d’ailleurs ont été faites et existent depuis longtemps), mais à quoi bon perdre son temps à discuter avec un menteur manipulateur maintes fois dénoncés ? Et pas seulement pour son antisémitisme, mais aussi pour sa défense du viol et de la pédophilie.

Qu’un tel auteur et un tel texte puisse de nouveau ressurgir devrait nous amener à réfléchir de manière critique sur les tolérances coupables qui continuent de structurer toute une partie des mouvements « révolutionnaires », « communistes » ou « anarchistes ». Et si il s’agit d’ignorance (alors même que ces informations sont disponibles sur wikipedia), et bien c’est sur la manière dont nous partageons et réfléchissons sur les erreurs et errements passés qu’il faut se pencher.