Mais, chose plus préoccupante, il s’agit aussi de constater l’incapacité des syndicats de classe, de la base, à se coordonner dans leurs organisations interpro (UL et UD) et leur fédération. Il faut souligner cet aspect car sinon on risque d’en rester à une simple dénonciation, inefficace, des « bureaucraties syndicales », sans proposer d’alternative. C’est confortable, c’est rassurant mais c’est un peu puérile. La situation est en effet paradoxale. Un nombre grandissant de militants et de syndicats prennent conscience du petit jeu des directions confédérales. Il se développe un malaise et un fort mécontentement, une référence spontanée à la « grève générale ». Mais tout cela reste bien confus en raison de l’absence de stratégie et de la perte de l’expérience du syndicalisme de classe.

Différents bilans peuvent cependant être tirés de ces expériences. Tout d’abord il apparaît de plus en plus difficile de déborder les directions confédérales de l’extérieur. Solidaires et la CNT n‘arrivent pas à peser ou ne le veulent pas. De la même façon, les appels incantatoires et les réseaux issus de l’extrême gauche n’arrivent pas plus à organiser le moindre débordement. Les « AG interpro », tentées dans certaines grandes villes, ont été des échecs évidents. En parallèle, des résultats ont été obtenus dans certains secteurs de la CGT . De nombreuses UL et UD n’hésitent plus à passer outre les consignes nationales pour appeler à la grève sur des mots d’ordre plus généraux. De même, la direction confédérale n’a pas réussi à imposer sa stratégie lors de la mobilisation des travailleurs sans papiers. La revendication historique « des papiers pour tous » est demeurée celle de la CGT et l’extension a bel et bien été organisée dans de nouvelles entreprises. Ce qu’il a été possible de faire au niveau local, départemental et parfois fédéral, il s’agit désormais de l’imposer au niveau interpro et national sur d’autres terrains de luttes.

Il est donc urgent de débattre de la question de la réunification syndicale et de la bataille politique à mener au sein de la CGT. Il serait naïf de continuer à rêver d’un nouveau mai 1968 dans des conditions qui ne sont plus les mêmes. Les grandes usines disparaissent les unes après les autres, remplacées par une multitude de petits sous-traitants. Les fonctions publiques sont disséquées et atomisées. Les UL sont très affaiblies à bien des endroits. Et chose peut être encore plus grave, les travailleurs se replient, pendant leur « temps libre », dans leur environnement familial. Cette désocialisation est une évidence. Alors quand une entreprise de leur ville part en grève, ils l’apprennent en regardant la télévision. Et internet pour coordonner les grèves, c’est pas terrible ! Alors pour donner une dynamique de classe à nos mobilisations il faut militer dans une organisation de classe et non pas dans un syndicat d’entreprise ou une organisation affinitaire. C’est toute la contradiction de la situation. Les militants et les travailleurs ont rarement ressenti le besoin d’un mouvement d’ensemble sans vraiment savoir par où commencer.

C’est pourquoi nous consacrons notre dossier à la question de l’unité syndicale. Car aujourd’hui aucun militant ne peut échapper à ce débat. Construire une grève générale nécessite l’existence d’une confédération de masse et de classe. Cette confédération existe mais il lui manque les forces qui bien souvent viennent se perdre dans d’autres appareils. Il s’agit donc de recréer le ciment nécessaire entre les syndicats. Et ce ciment ne peut venir que des militants formés et coordonnés autour d’un projet commun. Ces militants ne sont pas obligatoirement révolutionnaires mais doivent comprendre l’enjeu des syndicats d’industrie et des UL. Ils est indispensables qu’ils portent publiquement et collectivement une stratégie alternative à celle du dialogue social défendue par les bureaucraties.

Le CSR se propose d’engager son expérience et ses militants dans cette bataille pour l’unité syndicale et la rénovation de l’outil syndical. Nous invitons tous les syndicalistes de classe à se coordonner à nous pour défendre ce projet.
Nous devons sortir de la culture de la défaite, et prendre nos responsabilités.

Actuellement, il est très facile d’obtenir des mandats dans les syndicats, dans les UL et UD voire dans les fédérations, au risque d’ailleurs d’être rapidement intégrés à l’appareil. L’appareil ce n’est pas seulement la représentation que nous en avons traditionnellement. Un appareil c’est aussi un syndicat CGT qui fonctionne dans l’isolement corporatiste, une UL qui vivote sans projet d’ensemble, un syndicat ou une fédération affinitaires (SUD, CNT, FSU, FNAF-CGT,…) qui se satisfait de son autonomie catégorielle. Toutes ces petites logiques d’appareil, justifiées par des appartenances philosophiques, sont autant d’obstacles à toute perspective révolutionnaire. Ces obstacles doivent être marginalisés par la stratégie du Front Unique. Favorisons toutes les convergences unitaires, tissons les liens fédéraux et interpro à tous les niveaux, redonnons vie aux statuts de la CGT. Toutes ces démarches seront autant d’avancées vers la réunification de la classe et vers l’efficacité de ses luttes émancipatrices.

Le 14 juillet 2008