Le municipalisme libertaire est une arme contre l’État, pas un strapontin électoral. Pourtant, La France insoumise s’acharne à le dévoyer, tentant de transformer une dynamique de rupture en simple variable d’ajustement de sa stratégie électoraliste.

 

À coups de discours creux et de bricolages réformistes, le parti de Mélenchon veut enfermer le communalisme dans l’urne, le noyer sous la bureaucratie et en faire un outil de gestion alternative plutôt qu’un levier d’émancipation populaire.

LFI s’invite dans le débat sur le municipalisme libertaire comme un vautour flairant un cadavre. Leur nouvelle trouvaille ? Un » municipalisme de rupture » qui ne rompt avec rien, sinon avec la cohérence. Pendant des années, ce parti a brandi l’État central comme horizon ultime, verrouillant tout débat sur l’autonomie locale. Aujourd’hui, sentant le vent tourner, il tente de repeindre son projet en vert et rouge, en s’accaparant un vocabulaire qui lui est totalement étranger. Mais qu’on ne s’y trompe pas :  ce qu’ils proposent n’a rien à voir avec le véritable communalisme libertaire.

Le municipalisme libertaire n’est pas une gestion municipale améliorée, ce n’est pas un rafistolage des institutions locales, ce n’est pas une version plus » participative » de la politique institutionnelle. C’est une dynamique de rupture, un processus d’abolition des structures étatiques, une réappropriation collective du pouvoir par des assemblées populaires souveraines. C’est une autonomie complète des communes, qui se fédèrent entre elles en dehors et contre l’État. Or, LFI ne veut pas d’autonomie, ne veut pas de rupture. Ce qu’ils veulent, c’est un municipalisme d’appareil, un ancrage local qui renforce leur présence institutionnelle et leur permet de négocier des alliances électorales. Leur vision du municipalisme, c’est une version plus consensuelle de la démocratie représentative, où l’on vote un peu plus souvent, mais où rien ne change réellement.

Il y a une contradiction évidente à voir LFI s’approprier le municipalisme. Ce parti est l’incarnation même du jacobinisme d’État, obsédé par le contrôle centralisé et la conquête du pouvoir via les institutions républicaines. Chaque élection est pour eux un moyen de renforcer leur poids à Paris, pas d’en finir avec la domination institutionnelle. Comment un mouvement qui rêve de présidentialisme fort, de planification centralisée et de contrôle politique vertical pourrait-il sincèrement défendre l’autonomie des communes ? C’est une mascarade. LFI veut instrumentaliser les structures locales pour en faire des bases arrière électorales, sous contrôle de cadres du parti, verrouillant toute possibilité d’une réelle démocratie directe.

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Dans leur bouche, » municipalisation » ne signifie pas autogestion mais redistribution du pouvoir entre différentes factions de l’appareil étatique. Leur municipalisme ne vise pas à abolir l’État, mais à en prendre une part. C’est du réformisme local, du socialisme municipal, du keynésianisme de quartier, mais certainement pas une alternative au pouvoir central.

LFI ne parle jamais de communes souveraines, d’assemblées autonomes, de structures fédératives indépendantes de l’État. Ils parlent de » participation citoyenne « , de » budgets participatifs « , de » cogestion avec les habitants « . Ce sont là les vieilles recettes du municipalisme réformiste, déjà expérimentées depuis des décennies et qui n’ont jamais abouti à une réelle transformation sociale. Le municipalisme libertaire, lui, ne cherche pas à » humaniser » les institutions, il veut les abolir. Il ne veut pas » inclure les citoyens » dans la gestion municipale, il veut que les communes s’auto-organisent, se libèrent de toute tutelle étatique et construisent un pouvoir autonome face à l’État.

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LFI nous sert la version édulcorée du municipalisme, celle qui ne dérange personne, qui permet de bricoler quelques dispositifs participatifs tout en laissant intact l’édifice du pouvoir. C’est la version molle, inoffensive, qui donne l’illusion d’un changement sans jamais mettre en péril les structures dominantes. Leur modèle, c’est la démocratie de façade, pas l’autonomie populaire.

Face à ces tentatives de détournement, il est urgent de réaffirmer ce qu’est réellement le municipalisme libertaire. C’est une dynamique de rupture avec l’État, et non un simple outil de gestion locale. C’est un pouvoir exercé directement par les assemblées populaires souveraines, et non un simulacre de démocratie participative sous contrôle d’élus. C’est une fédération de communes autonomes, et non des municipalités toujours soumises au cadre étatique. C’est un processus d’émancipation collective, et non un levier électoral pour des partis en quête d’ancrage territorial.

Le municipalisme libertaire n’a rien à voir avec les élections, les réformes locales ou les compromis avec l’État.
 Il est une alternative à la politique institutionnelle, une construction autonome de nouveaux espaces de pouvoir populaire.
 Que LFI continue à s’empêtrer dans ses contradictions, oscillant entre le centralisme jacobin et la fausse démocratie locale.
 Nous, nous avons un monde à bâtir, en dehors et contre leurs institutions.

 

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