appel à contribution pour une Brochure sur la domination d’âge dans les relations de séduction

Catégorie :

Thèmes :




Lieux :

Lancement d’un appel à contribuer à une brochure collective de critique anti-autoritaire du grooming & autres rapports de domination par l’âge dans les relations de séduction.
Pour introduire cet appel, j’ai écris ce texte (les infos pratiques sur le projet sont après) :
Début 2024 j’ai replongé la tête la première dans les eaux troubles de questions dans lesquelles j’avais bien failli me noyer ado : les dynamiques de domination par l’âge dans les relations de séduction.
Pour le contexte : je gravite dans des réseaux anti-autoritaires, plutôt de tendance anarchiste, depuis une dizaine d’années. J’ai traversé plusieurs milieux dans différents territoires. J’y grandi depuis mon entrée dans l’adolescence. J’y ai abandonné l’hétérosexualité, transitionné, m’y suis formé‧e, radicalisé‧e, j’y suis devenu‧e adulte. À force de vieillir, d’accumuler l’expérience et de monter en compétences j’y ai progressivement changé de statut : Je suis entré‧e dans ce milieu en tant que très jeune adolescente qui découvre l’extrême gauche, ses composantes, ses cultures et ses pratiques, et suis aujourd’hui un adulte, certes toujours perméable et en évolution mais avec une base solide de ce que je sais, ce que je suis, ce que je pense, ce que je veux, bref au clair avec tout un tas de choses qui me constituent et vers lesquelles je tend. Quand je suis arrivé‧e dans le militantisme mes camarades avaient sur moi infiniment plus de pouvoir qu’aujourd’hui. J’en avais immensément moins conscience, ce qui décuplait leur prise sur moi. Et comme une suite logique dans l’inversion du rapport, j’ai aujourd’hui bien plus de pouvoir et d’autorité sur les autres que je n’en avais à l’époque. J’avais déjà réalisé y a quelques années m’être extrait de pas mal de rapports de domination en sortant de l’adolescence. Ce que j’ai pris plus longtemps à capter c’est le pouvoir que les années me faisaient gagner : Inévitablement quitter le statut social de l’enfance me faisait rejoindre celui de l’adultness et cette lente “ascension” s’accompagnait d’une prise de privilèges, privilèges qui n’existent que s’ils peuvent s’exercer sur une autre catégorie sociale, en l’occurrence celle des enfants et des ado, celle des plus jeunes que soi. Le tournant qui m’a fait prendre la mesure de ce changement de statut c’est quand j’ai cessé de m’inquiéter que moi et mes ami‧e‧s fassions l’objet de la prédation des adultes, et que j’ai commencé à avoir peur que ce même entourage se mette à draguer, dater, baiser des personnes avec qui il existe un écart d’âge suffisant pour leur donner du pouvoir sur elles.
Ceci dit mes propos s’appliquent largement en dehors de ce contexte puisque les enjeux qui traversent ce dont je parle sont façonnés par un système social. Je situe tout ça parce que c’est dans cette frange spécifique de la société que je baigne, et que les idées anti-autoritaires qui nous y réunissent me font avoir des attentes et une exigence plus grande sur ce qu’on produit entre nous et les pratiques qu’on fait rayonner.
Malgré ce milieu anarchiste, j’ai la sensation d’avoir cheminé très seul‧e dans ces réflexions. Je les discute essentiellement avec des personnes avec lesquelles j’ai grandis ou que je sais avoir un vécu proche du miens.
Cette forme de domination par l’âge est archi universelle puisqu’on vieillit toustes, passant progressivement du statut d’enfant à celui d’adulte. Cette domination a ça de complexe et d’unique, mais aussi qu’elle se base en partie sur une réalité matérielle : les personnes n’ont pas les mêmes capacités motrices, cérébrales, sociales et affectives à 3 ans qu’à 27. Pour survivre, grandir et évoluer en minimisant les risques physiques et psychiques, les enfants ont besoins d’adultes et cela donne nécessairement un ascendant et du pouvoir à ces adultes. Et il se trouve que les adultes usent de ce pouvoir et exercent largement leur domination sur les enfants, faisant d’une inégalité naturelle (les enfants ont globalement moins de capacité et d’autonomie que les adultes) un système d’oppression construit socialement (la société est entièrement bâtie pour les adultes, et l’exercice de leur domination se passe dans toutes les strates éducatives en plus d’être socialement acceptée dans en gros tous les types d’interactions adulte/enfant). Ces dynamiques de pouvoir par l’âge se perpétuent au-delà de celles impliquant des enfants. Elles infusent le rapport que les gens ont aux personnes plus jeunes qu’eux.
Même épargné‧e toute mon enfance par ses manifestations les plus hardcore, j’avais ado une rage énorme contre le pouvoir que les adultes s’octroyaient sur moi, notamment dans le cadre scolaire. C’est une des raisons qui m’a poussé vers mes premiers espaces anarchistes, qui m’a amené vers l’éducation populaire et qui m’a fait embrasser l’anticarcéralisme.
Je l’ai capté bien plus tard mais dans les luttes et réflexions anti-autoritaires aussi, l’âgisme et ses conséquences représentent un sacré angle mort. Pour moi ça c’est illustré très vite dans les ressources que des camarades m’ont mis entre les mains en pensant répondre à mon intérêt pour le sujet. Parmi elles y avait Pour l’abolition de l’enfance (extrait de La dialectique du sexe, un essaie féministe des année 70), l’Insoumission à l’école obligatoire (une lettre ouverte publié en 1985), et des textes du FHAR, du MLF, de pédagogues des années 70 dont je retrouve plus les noms. Ces textes ils ont en commun de critiquer la domination des adultes sur les enfants, sauf qu’ils participent à consolider la culture pédo et incestueuse au prétexte de l’émancipation de l’enfance et de la libération sexuelle. Même s’ils s’encrent dans des contextes et des directions politiques très diverses, ces textes développent une rhétorique commune. L’idée transversale qu’on y trouve c’est que la lutte contre l’oppression de l’enfance pourrait annihiler les rapports de pouvoir d’âge, notamment dans la sexualité. L’hypocrisie qu’y a là-dedans c’est qu’en vrai la domination persiste, et qu’avec un vernis de théories politiques fumeuses on décuple la légitimité à l’exercer. Par exemple, la levée du tabou autour de la sexualité des enfants ainsi que la revendication de plus d’éducation au consentement, à la santé sexuelle et à la sexualité, sont utilisées pour légitimer que cette sexualité infantile ou adolescente soit partagée avec des adultes. La critique du pouvoir que s’octroient les adultes sur les corps et la volonté des enfants est, elle, instrumentalisée pour dire qu’il serait émancipateur de laisser vivre tous les désirs des enfants/ado, y compris ceux portés sur des adultes. La remise en question des catégories légales “majeurs” / “mineurs” est, quand à elle, invoquée pour rendre politiquement défendable des relations entre deux classes d’âge. En grandes lignes je lis de la mains de mes aîné‧e‧s politiques qu’y a pas de galère à se baiser entre ado et adultes parce que ce qui compte c’est l’expérience et les rencontres, et que ça ça dépend pas de l’âge des personnes mais bien de leur parcours. Et qu’en vrai empêcher les ado et jeunes adultes de baiser qui iels désir au prétexte de l’écart d’âge, bah c’est grave les infantiliser en fait, et que l’infantilisation c’est l’exercice du pouvoir. Et bim. Donc j’ai 16 piges et les adultes qui m’introduisent au militantisme, ces adultes pour qui mon admiration n’a d’égale que ma quête de validation, me mettent dans les mains une littérature qui défend qu’un des moyens politiques des luttes contre la domination adulte, voir un de ses aboutissements, est de pouvoir avoir des relations de quelle que nature qu’elles soient entre individus de quel qu’âge qu’ils soient. Sacré moove pour normaliser la drague de camarades trentenaires sur des ado. A l’époque ces textes moi je les dévore avec enthousiasme. Et même si je m’attarde assez peu sur les parties traitant de sexualité, je n’ai jamais eu besoin de m’y replonger pour me rappeler du fond et de la récurrence des idées développées sur la question dans les différents bouquins et brochures que j’ai lu à cette période. Clairement j’ai pas eu besoin de particulièrement me concentrer pour qu’elles imprègnent ma pensée : ça venait juste confirmer et valider par des “arguments politiques” ce que la société entière crie dans sa culture de la pédocriminalité. Ça venait légitimer une culture pédo et éphébo en faisant croire qu’on redonne du pouvoir aux enfants, ado et jeunes adultes.
Perso il m’a fallut sortir de l’enfance pour être capable d’analyser avec un peu de finesse dans quels rapports de domination d’âge j’étais imbriqué‧e. Avant j’en avais certains aspects et un genre de colère de l’injustice mais il me manquait du recul et des clefs. Les implications de l’âgisme dans les rapports de séduction sont celles qui me prennent le plus de temps à démêler, parce qu’au mieux invisibilisées, au pire justifiées et utilisées par les adultes qui m’entouraient, invisibles pour l’enfant que j’étais puis niées par l’ado que je suis devenu‧e. Aujourd’hui adulte elles me sont enfin un peu plus lisibles.
C’est sur cet axe que je nous propose d’écrire, que je vous propose de nous lire :celui des rapports de domination par l’âge dans les relations de séduction, dans les relations amicales ou de camaraderie politique, dans les relations romantiques, sexuelles, amoureuses. Cette brochure c’est une tentative qu’on produise par nous même les ressources qui nous manquent. Qu’on y raconte nos vécus, les analyses qu’on en a, et qu’on construise comment mettre fin à ces dynamiques puantes.
L’intention de cette brochure c’est de penser collectivement la question des relations de domination par l’âge dans la séduction, avec un angle anti-autoritaire : c’est-à dire de façon matérialiste, qui conçoit l’intime et les relations, l’autorité et le pouvoir comme des sujets politiques, et dans une perspective de justice transformatrice.
L’objectif c’est de :
- visibiliser ces questions
- réunir nos réflexions et nos témoignages
- construire une analyse collective
- proposer une ressource anti-autoritaire
- entamer la prise en charge de cette question (en se donnant de la force, des ressources, du lexique, des outils) et la mettre à l’agenda de nos espaces politiques et collectifs
Avec pour moyen de réaliser une brochure regroupant d’une façon cohérente de l’analyse politique, du témoignage, des outils, un répertoire de ressources. L’idée est de réunir des contributions d’ici mai et que la brochure soit diffusée d’ici la fin d’année 2025.
Au fil des discussions avec des copaines et des camarades, plein d’axes et de thèmes ont été évoqués. C’est évidemment pas une liste exhaustive, mais elle peut donner une idée de ce que cette brochure dirait sur le fond :
- les dynamiques de domination par l’âge dans les rapports de séduction
- le grooming dans des milieux en marge
- les rapports de séduction dans l’accueil de jeunes personnes dans des milieux
- les enjeux de pouvoir dans les relations intergénérationnelles
- les dynamiques de pouvoir par l’âge dans les relations entre adultes
- l’accompagnement de groomers et de groomé‧e‧s
- le déni des rapports de pouvoir d’âge dans les milieux militants
- la légitimation politique des relations éphébophiles
- l’instrumentalisation de l’anti-âgisme et de l’anti-autoritarisme
- l’androgynie, standard esthétique éphébophile
- l’éphébophilie, rejet de sa propre vieillesse
- dénouer le rapport au désir pour sa propre classe d’âge
- ces incels qui groom
- l’adultification par les militant‧e‧s
- les relations de séduction et de pouvoir dans le rapport éducatif
- l’articulation entre l’inceste, la pédocriminalité et le grooming
- matérialisme anti-âgiste
Sur la forme et en terme pratique, ce qui a été définit c’est que :
- Les contributions peuvent être sous forme de texte comme d’image.
- Elles peuvent se composer de lettres, de listes, de collages, de dessins, de gravures, d’essais, de poèmes, …
- Les contributions peuvent être une création originale (que tu as fait spécialement pour cette brochure) ou déjà été publiée ailleurs, elles peuvent être ressorties de tes tiroirs ou d’un vieux disque dure, elles peuvent être une traduction, un extrait ou une bibliographie de créations d’autres personnes que tu souhaite partager ici.
- Les contributions peuvent être en couleur et en plus grand format mais doivent être lisibles en noir et blanc de 14,8cm sur 21cm, pour pouvoir photocopier la brochure en livret A5 (facilement et pas cher).
- Cette brochure serait imprimable et diffusable sur internet.
- Elle sera gratuite.
Si tu veux participer au projet tu peux :
- diffuser cet appel en le transmettant sur des listes mails et à des personnes que ça pourrait intéresser
- envoyer ta/tes contribution‧s avant le 1er mai 2025 à l’adresse mail vaisseau-zinzin@riseup.net en précisant si tu souhaite qu’elle soit anonyme ou signée (et si oui avec quel nom), les infos de l’auteur‧rice et de la source du support si ça n’est pas de toi.
- me/nous écrire par mail si tu as des questions ou des retours.
- rejoindre la coordination de ce projet de brochure pour participer à la réception et aux relectures des contributions, la structuration, la mise en page, l’édition et la diffusion de la brochure.
Trop hâte de voir ce projet exister !
Merci d’avance pour vos retours, vos contributions et la diffusion
à très vite ∴
Comments
Les commentaires sont modérés a posteriori.Leave a Comment