Quand l’ europe adapte ses droits sociaux à la précarisation
Catégorie : Global
Thèmes : ArchivesContrôle social
« Nous devons aussi adapter notre protection sociale aux transformations du marché du travail. La vraie sécurité dans le monde d’aujourd’hui, ce n’est pas de garantir à quelques-uns de garder toujours leur emploi. C’est de permettre à tous de trouver ou de retrouver un emploi convenable. Avec la convention de reclassement personnalisé, les aides au retour à l’emploi, la création de maisons de l’emploi, nous avons commencé à construire une véritable sécurisation des parcours professionnels. L’enjeu, c’est de protéger et d’accompagner chaque salarié, tout au long de sa carrière, et de l’aider à progresser, dans l’entreprise mais aussi pendant les périodes de chômage » extraits vœux Chirac janvier 2007
Les actions grévistes contre les licenciements commencèrent à inquiéter la bourgeoisie des les années 80, mais a l’époque elle ne réalisait pas encore que le chômage allait devenir chronique. C’est seulement à partir année 1990 que les soutiers des ministères vont se mettre au travail pour essayer de régler ce qu’ils nomment « des dysfonctionnements ». Les rapports des missions présidées par Jean Boissonnat (1995) et Alain Supiot (1999) ne vont pas faire dans la dentelle, il s’attaquent directement a remettre en cause le contrat de travail , et le code du travail… En 2004 Michel de Virville en remet une louche. Ainsi des 1995, le rapport Boissonnat propose d’introduire un contrat d’ activité passé entre un salarié et un groupe d’ entreprises afin de faciliter la mobilité d’une entreprise a une autre, et de mutualiser les coûts des reconversions entre plusieurs employeurs. A l’époque ce type de contrat touche surtout le secteur agricole (20 000 salariés dépendent de groupements d’entreprises). En 1999
Le rapport Supio va nous sortir sa potion magique de « droits de tirage sociaux » sorte de cagnotte qui donnerait au travailleur la possibilité de disposer d’un pécule pour pratiquer une activité non rémunérée (formation, travail bénévole, travail domestique).
L’idée du bonhomme est de faire face à la transformation du travail et d’établir des passerelles « sécurisantes » pour passer d’une activité à une autre. Le rapport de M Virville (2004) lui va se promouvoir comme le fossoyeur du code du travail « difficilement compréhensible » et donc difficilement applicable selon son auteur. Le rapport va formuler pas moins de 50 propositions pour « sécuriser les relations de travail » et favoriser le « dialogue social ».
En décembre 2004, un important rapport « De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale professionnelle » dit rapport Cahuc,Kramarz articule le tout, nous projetant dans un monde nouveau, celui de la « sécurisation de la précarité » dans le domaine juridique et institutionnel.
Le rapport précédemment cité comporte une partie importante intitulée « unifier le contrat de travail » que nous allons résumer et commenter. Afin de limiter les licenciements économiques et collectifs qui entraînaient des grèves souvent violentes avec destruction de matériel et séquestration, l’ état français en instituant la possibilité d’ embauche en CDD voulait donner aux entreprises la souplesse ( flexibilité/mobilité) nécessaire pour éviter les licenciements économiques et collectifs.
La prolifération des contrats a durée limitée, médiatiquement présentée comme solution pour les emplois jeunes n’ont fait que marginaliser le contrat à temps plein base (35 heures par semaine), sans pour autant relancer l’ emploi. La généralisation des contrats précaires de l’embauche en CDI à temps partiel de la loi quinquennale, aux derniers avatars type CPE en passant par les intermittents du spectacle. Le temps était venu de faire son autocritique et de présenter au peuple une version plus radicale de gestion de l’ emploi, ou plus précisément des personnes.
Le rapport Cahuc-Kramarz pour nous faire avaler, son contrat unique, n’hésite pas a faire le procès des CDD, dont l’utilisation est particulièrement élevé dans les pays comme la France , L’Allemagne, l’ Espagne. A titre de comparaison, les pays de l’ OCDE ont un taux d’emplois jeunes en CDI de 75,9%, en France le chiffre tombe a 47,8%. Contrairement aux autres pays de l’ OCDE constate le rapport, la protection de l’emploi est relativement plus élevée en France. Elle s’est même renforcée depuis les années 90, notamment avec la loi de « modernisation sociale » du 17-01-2002.
Le problème à résoudre pour les rédacteurs du rapport, est de rendre moins contraignant le douloureux problème des licenciements pour l’employeur. Pour y parvenir ils indiquent que dans les pays de l’ OCDE, la mutualisation des risques est renforcée, par une modification du service de l’ emploi et de l’ indemnisation chômage, alors qu’en France, la flexibilité et la mobilité se concentrent sur la jeunesse jugée plus adaptable. Force est de constater que plus de 70% des embauches de jeunes se font en CDD, et que plus de 50% ne se transforment pas en CDI..
Il va résulter de cette situation particulière, que les pouvoirs publics auront réussit a endiguer les licenciements économiques et collectifs. Ils seront divisés par 2,9% entre 1989 et 2004, au prix d’une hausse de 50% de licenciements individuels sur cette même période. Les employeurs, pour s’exonérer des contrôles de l’administration, des plans de sauvegarde de l’emploi, licencieront en petites coupures, maquillant de vrais licenciements économiques en licenciement individuels.
Il s’agit souvent de licenciements transactionnels pour une soi-disante inadaptation dans l’emploi, voire de fausses fautes ou incompétences reconnues par les salariés. Ce type de licenciement individuel a particulièrement fleuri chez les cadres et assimilés suite aux fameux entretiens individuels et autres notes d’évaluations tendant à fragiliser psychologiquement les salariés pour mieux leur faire « prendre leur compte ». Suivant des quotas issue de la méthode 70/20/10 selon laquelle 10% des salariés les plus mal notés doivent quitter l’entreprise forced ranking ( se débarrasser par la force ) mise au point aux EU dans les années 80 par Jack Welch le PDG de General Electric. Selon son inventeur, 10% des salariés les plus mal notés doivent quitter l’entreprise s’ils sont notés faibles deux années de suite.
Sans jamais apparaître au grand jour, les évaluations et autres appréciations du personnel par déploiements d’objectifs sont progressivement arrivées en France dans les années 90 où elles ont été largement utilisées dans le secteur informatique IBM et Helwett Packard. Elles touchent aussi les ouvriers par le truchement des systèmes dits Compléments de carrière qui visent à donner un bonus individuels pour ceux remplissent les critères. En définitive la bonne protection française contre les licenciements économiques n’était que du vent, mais elle va servir d’argument pour dire « comment éviter les licenciements individuels. »
C’est visiblement, l’objectif de tous les rapports sur les sécurisations de la personne, des parcours…Pour refiler à l’ état ( la collectivité) la gestion des licenciements. Le rapport nous fait un mini procés de l’entreprise. Elle ne serait pas en mesure de proposer des dispositifs de reclassements internes ou externes sans ouvrir une procédure de licenciement collectif complexe et coûteux. L’employeur, risque le délit d’entrave et la sanction pénale, l’absence de participation des syndicats est dommageable pour la paix sociale et contraire aux directives européennes qui assignent qu’il doit y avoir un accord avec les syndicats.
Partant du principe que l’entreprise à une vision égoïste de son existence dans la société et tend à reporter à reporter dangereusement sur la collectivité les tares du capitalisme. L’ état dans sa fonction de gérant de l’ activité capitaliste globale, décide de reprendre en main la gestion des licenciements et de concentrer dans les maisons de l’ emploi de création récente cette gestion.
Après avoir démultiplié les contrats précaires sans succés, l’ état fait volte face et envisage d’instituer « un contrat de travail unique », une nouvelle version du contrat d’ activité proposé par J. Boissonnat en 1995.
Le rapport Cahuc,Kramarz nous explique les raisons économiques qui doivent engendrer une telle mutation du contrat de travail, pour finalement nous dire :
« L’État doit alors intervenir de manière à ce que l’intérêt de l’entreprise rejoigne celui de la collectivité. Une manière de remédier à la sous-estimation par les entreprises de la valeur sociale d’un emploi consiste à « fiscaliser » la protection de l’emploi en introduisant des taxes sur les licenciements qui participent au financement de l’assurance chômage et des minima sociaux.
De ce point de vue, la « fiscalisation » de la protection de l’emploi a pour objet ultime d’assurer le droit à l’accompagnement de la recherche d’emploi et au reclassement des personnes privées d’emploi. Force est de constater qu’un tel objectif n’est pas atteint dans le système actuel. » (p 144)
Pour atteindre cet objectif, le rapport propose de réformer la réglementation pour renouveler plus rapidement le « cheptel » de force de travail.
« La réglementation de la protection de l’emploi, telle qu’elle est actuellement mise en oeuvre, ne permet pas d’accroître le volume global de l’emploi. En fait, l’analyse économique indique qu’un contrôle des licenciements conduisant les entreprises à réduire la fréquence de destruction des emplois a un impact a priori ambigu sur le chômage et l’emploi. Certes, la protection de l’emploi réduit les destructions de postes de travail. Néanmoins, elle a pour contrepartie une diminution des créations d’emplois, car le surcoût induit par le maintien d’effectifs peu rentables, que les entreprises détruiraient spontanément en l’absence de contrôle, diminue la rentabilité anticipée sur les emplois nouveaux, qui peuvent devenir eux-mêmes, dans le futur, des emplois non rentables protégés par la réglementation. La protection de l’emploi est donc favorable si elle diminue plus les destructions que les créations d’emplois. Dès lors, l’impact de la protection de l’emploi sur le chômage et l’emploi est un problème empirique. Or, plusieurs dizaines
d’études empiriques menées dans divers pays 3, avec des données mobilisant des milliers d’observations indiquent que la protection de l’emploi est plutôt défavorable à l’emploi, en particulier pour les groupes démographiques, tels que les jeunes, les femmes et les travailleurs âgés, dont l’insertion sur le marché du travail est la plus difficile. La réglementation actuelle n’atteint donc pas son objectif de protection de l’emploi. » (p.145)
Le ver est enfin sorti du fruit, le contrat unique doit permettre une rotation rapide des forces de travail en fonction de leur obsolescence elle aussi rapide et ceci au moins à l’échelle européenne, avec le statut de société européenne. Nous n’ allons pas ici nous étendre a décrire ce nouveau contrat tel que le fait le rapport, mais en donner la quintessence. Quand on nous dit que désormais il faut « sécuriser le personne plutôt que l’ emploi » on ne peut s’ empêcher de penser au « nouveau capitalisme » qui se veut patrimonial et dont objectif est « la création de valeur pour l’ action » plutôt que pour l’ entreprise et fixé en fonction des intérêts des seuls actionnaires. Ce qui veut dire en clair, que l’on met en place un contrat mieux adapté au licenciement « boursiers » ou pour « perte de compétitivité » et qui reposera sur la collectivité par « mutualisation » des risques de perte de profits. Le contrat unique sera un contrat à durée déterminée (CDI) qui aura toutes les caractéristiques d’ un CDD, car il sera possible et c’ est déjà le cas de continuer a embaucher pour un nombre d’ heures annuelles. Pour gagner sa vie il faudra comme aux Etats-Unis avoir plusieurs emplois, cela s’appelle « protéger la personne ».
« Le contrat unique est à durée indéterminée. Il n’y a donc plus d’embauche en contrat à durée déterminée, y compris dans les secteurs où existe la possibilité de « contrats déterminés d’usage ». La rupture du contrat de travail donne lieu à un délai-congé dont la durée peut être identique à celle prévalant actuellement pour le contrat de travail à durée indéterminée: un délai minimum légal nul jusqu’à six mois (article L. 122-6 du code du travail), d’un mois entre six mois et deux ans d’ancienneté chez le même employeur et deux mois ensuite.
Il est possible d’inscrire une durée minimale dans le contrat de travail unique 1. Cette durée minimale engage les deux parties selon des termes identiques à ceux prévalant aujourd’hui dans le cadre du CDD. Cela signifie que l’employeur qui s’est engagé sur une durée minimale doit rémunérer le salarié durant cette durée, sauf en cas de faute grave, de force majeure ou d’accord entre les parties. Le salarié peut rompre le contrat avant la durée minimale prévue en cas de faute grave de l’employeur, de force majeure ou d’accord de l’employeur. » ( p 146)
Les années 2005/ 2006 auront été particulièrement révélatrices du rôle futur que le capitalisme managérial assigne au syndicalisme, celui de l’ aider a liquider les acquis sociaux issus de la lutte de classe. » revoir le fonctionnement du capitalisme et promouvoir un nouveau type de relations sociales en Europe. Supprimer les acquis du pouvoir syndical réformiste issus de la lutte de classe. « » (La lettre de Confrontations Europe- revue fondée par Rocard, Le Duigou CGT et présidé par l’ex-PC Philippe Herzog ( août- septembre 2003) Celui qui pose cette question, n’est autre que Jean Gandois ( vice-président du conseil d’administration de Suez) et il s’explique : » le fonctionnement du capitalisme doit être revu à la lumière de deux évolutions fondamentales : la mondialisation ( L’Europe n’est que l’un des rouages du monde) et la prédominance excessive de la finance et des marchés financiers » (La lettre de Confrontations Europe ( août- septembre 2003) Le réformisme classique, et le credo d’un socialisme acquis par accumulation de droits n’est plus de mise. Le capital après la parenthèse des trente glorieuses retourne aux sources de l’exploitation sans réserve de la force de travail.
Du passé il fait table rase,et n’hésite plus à déclencher une crise sociale sans précédent pour sauver ses profits, Santé , prévoyance , retraite, indemnisation des chômeurs, droit du travail sont remis en question au niveau planétaire, l’insécurité sociale, la précarisation du monde devient une réalité palpable au cœur même des grandes puissances. Et quand il faut choisir entre la survie d’une entreprise et les taux de rendement des actions ils n’hésitent plus ils opèrent, ce que certains nomment des « Licenciements boursiers ». La révolution boursière comme l’appelle les milieux financiers marquerait la montée en puissance d’un « nouveau capitalisme » qui se veut patrimonial et dont objectif est « la création de valeur pour l’action » plutôt que pour l’entreprise et fixé en fonction des intérêts des seuls actionnaires. Ceci a pour résultat, la mise en place de « gouvernance d’entreprise » et d’une prise en main directe du capital financier de la gestion des entreprises.
Le FMI lui même s’est inquiété de ce « transfert du risque patrimonial (de pertes) vers les particuliers » « Alors que les banques et les assureurs, et les fonds de pension cherchent à réduire la volatilité de leur bilans (…)toute une série de risques, traditionnellement gérés par ces instances, passent directement au secteur des ménages » ( La Tribune du 6 avril 2005)Pour les travailleurs le Bilan est catastrophique, et les syndicats commencent avec l’ Etat à s’inquiéter d’une perte du contrôle social. Alors ils font leur mea-culpa respectifs « la division syndicale n’a pas permis de mobiliser…. » donc il faut se « rassembler » se retrouver « tous ensemble » la CGT prend l’initiative, nous ne sommes plus des « révolutionnaires » , des gens qui refusent tout accord, qui disent non à tout, nous allons fusionner avec le syndicalisme « d’ accompagnement » nous prosterner devant la CES et trouver au sein de la (Confédération Syndicale Mondiale) CSI (fusion de la CISL et de la CMT) le nouveau parrain qui remplacera la FSM. Pour l’ Etat il est grand temps, qu’un syndicalisme fort puisse, jouer son rôle de syndicat unique, stérilisant les autres petites formations croupionnes, tout en se donnant un air démocratique. Les enjeux semblent de taille, pour qu’un tel remaniement des appareils syndicaux soit mis en action jusqu’ au niveau mondial. Il sera confié aux syndicats majoritaires le soin de gérer la précarité, la flexibilité, l’employabilité, la mobilité, la capabilité ,la traçabilité, la compétitivité,et autres conneries dans le cadre d’une « sécurité sociale professionnelle » revendiquée de gauche à droite. Au cours des années 2003 et 2004, il a été entrepris par l’ IRES un travail d’ investigation sur les délégués syndicaux CFDT et CGT , en commun avec les confédération et la DARES. Nous ne possédons pas ce rapport, mais tout laisse a penser qu’il devrait servir aux futurs mariages CGT/CFDT dit syndicalisme rassemblé et de la répartition des mandats représentatifs. Les transmutations du syndicalisme, accompagnent celles des entreprises et la mise en place de (Comité d’ entreprise européens voir de comités mondiaux) l’ émergence d’un statut de société européenne, et pour le futur proche une structuration syndicale au sein des multinationale notamment dans l’ industrie automobile
Fin provisoire G Bad
Notes
(1) Une sorte de GIE (Groupement d’intérêt Economique) inversé ou du personnel effectuent un même travail pour plusieurs entreprises, c’est le cas des centres d’ appels.
(2) Lorsqu’ un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’ aboutir a un accord.
(3) Les économies modernes sont soumises à des mouvements permanents de restructurations de l’appareil productif sur lesquels repose la croissance de la production. De ce point de vue, la modification de l’appareil productif, qui passe par la destruction d’emplois, remplacés par des postes de travail plus efficaces, a des effets bénéfiques. Mais il y a des raisons qui militent pour conserver certains emplois que les entreprises voudraient détruire. Elles tiennent à la différence entre la valeur privée et la valeur sociale d’un emploi. ( page 143 du rapport)
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