Programme du cycle CONSTRUIRE FACE À L’OBSOLESCENCE DU MONDE

PROJECTIONS DE FILMS

Le titre de ce cycle qui accompagne le chantier école du hangar de l’avenir évoque l’élan positif qu’il s’agirait de trouver, là où les films que nous proposons dressent un constat amer mais lucide sur les transformations auxquelles nous sommes confrontées depuis près d’un demi siècle. Les trois cinéastes, comme d’autres avant et après eux, laissent avec leur film les traces de l’effondrement d’un monde qui cherche dans sa chute à tirer avec lui des pratiques, des savoirs, des manières de se lier et se relier qui parfois nous sont précieuses mais se dérobent trop vite sous nos pieds. Construire face à l’obsolescence du monde pourrait sonner comme une invitation à retrouver les gestes, à renouer avec une certaine intelligence du faire, une certaine curiosité aussi pour tout ce qui s’efface autour de nous dans le vacarme assourdissant du présent.

Dimanche 29 septembre, 21h, Ambazada STILL LIFE, 2007, Jia Zangke Deux personnages cherchent après plusieurs années d’absence à retrouver leur conjoint. Le film raconte l’errance de ces personnages dans le décor d’une ville en déconstruction, déjà partiellement ensevelie par le fleuve Yangzi où se construit la plus grande structure hydroélectrique du monde. Défi humain, économique et idéologique de grande envergure, cette construction entamée en 1994 symbolise aux yeux du monde l’ambition chinoise, mais aussi le coût inhumain que sa conversion à l’économie de marché fait payer à son peuple et à sa tradition : plus de 1 million de personnes déplacées et paupérisées, des centaines de villes et de sites archéologiques submergés.

Dimanche 6 octobre, 21h, Ambazada ANDREÏ ROUBLEV, 1966, Andreï Tarkovski Andrei Roublev, personnage central de l’histoire, iconographe du début du XVème siècle, traverse la Russie déchirée par l’invasion des tartares et entame une longue réflexion sur le rôle de l’art, de l’artisanat, son rapport au pouvoir religieux et au récit historique. Derrière le portrait du plus grand peintre d’icônes du pays, le film met en évidence l’influence du christianisme dans l’identité russe, et sa diffusion à la fin des année 60 anticipe l’effondrement du régime soviétique et le chaos social qu’il suscite.

Lundi 14 octobre, 21h, Ambazada POUR MÉMOIRE, 1979, Jean-Daniel Pollet Pollet a découvert, par hasard, dans le Perche où il séjourne, une vieille fonderie du XIXe siècle encore en activité, mais proche du dépôt de bilan. Il y filme durant six mois, tous les jours, à respectueuse distance des ouvriers. Il en tire non pas un document sociologique ou un reportage journalistique mais bien mieux que cela : une évocation poétique au tamis de laquelle passe une réflexion proprement politique. La maîtrise du feu par les hommes devient ainsi le foyer actif du film, à partir duquel Pollet propage sur une vaste envergure le rayonnement d’une pensée attentive à la liaison entre les choses.

LECTURES

Jeudi 10 octobre, 21h, Taslu Lecture d’extraits de deux ouvrages de MATTHEW B. CRAWFORD : Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail et Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver. Ces deux écrits proposent une analyse philosophique sur la manière dont nos sociétés nous ont dépossédés d’une certaine attention au monde et à la matière pour répondre aux exigences de l’économie contemporaine. Ils tentent de déplier comment l’autorité de la matière à laquelle l’artisan est contraint de se soumettre peut faire voler en éclat un ensemble d’évidences qui accompagne le développement du libéralisme chez l’individu comme dans le corps social dans son ensemble.

Jeudi 17 octobre, 21h, Taslu Lecture d’extraits du roman historique Les pierres sauvages de FERNAND POUILLON. Nous sommes en 1161 et un maître d’œuvre cistercien tient le journal (supposé) de la construction de l’abbaye Sainte-Marie du Thoronet, une des merveilles de la Provence. Nous lisons le journal du « maître de pierre » âgé d’une soixantaine d’années. Il revient pour ce projet « au pays de son enfance, sous ce climat qui aime l’architecture, la défend par des armes de lumière, la glorifie par des gammes colorées, la fait ruisseler de pierreries sous le ciel bas d’un orage qui fuit, par les derniers rayons d’occident. »

Un BAR sera ouvert de 19h à 21h avant les projections de films à l’Ambazada les dimanche, et avant les lectures au Taslu les jeudi soir.