NOTRE DAME D’HAITI

production : centre dramatique de l’océan Indien texte et mise en scène : lolita Monga

Qu’est-ce qui nous donne envie d’agir ou de rester assis à coté du monde ? Qu’est-ce qu’espérer dans nos vies d’aujourd’hui ? Transformer les « règles contre le pessimisme » de Cioran en questions à poser : pour vaincre le pessimisme on se crée un paysage intérieur ? Un paysage ? Un pays ? On attache ses pensées à l’espace ? Comme point de départ il y a ce motif de la révolution, du changer le monde, du « rêver le monde » et comme matériau : des articles de journaux, des bouts de textes, des poèmes, des photos, des interviews, les corps et engagements d’acteurs et la parole des gens, la récolte de récits de vie, des recherches pour éveiller nos imaginaires. Une envie de raconter des histoires autrement et de façon moins tranquille, moins confortable avec l’envie très naïve de renverser le monde. Un spectacle comme un carnet de voyage : collages, grattages, interviews, écriture, articles, poèmes, paroles, vidéo, sons, jeu, lecture, etc…

« Sans nature humaine, pas de révolte car pas de cause universelle à défendre. La révolte est la tentative de poser une frontière, dont le symbole est le « non ». Le révolté est un être « jusqu’au-boutiste », il est dans le mode « tout ou rien », car il préférerait mourir debout que de vivre couché. Sans révolte, l’homme n’est qu’une conscience de sa liberté, mais une liberté formelle : C’est la révolte qui fait que je suis libre réellement. La révolte fait advenir le monde commun, la subjectivité universelle, la défense d’une condition humaine digne : « Je me révolte donc nous sommes » (Extraits de l’Homme Révolté Albert Camus)

Nous sommes partis en voyage de Haïti à Notre Dame des Landes explorer deux territoires de lutte. Haïti le pays qui a gagné sa liberté, Notre Dame des Landes, territoire de lutte quotidienne et de redéfinition de la société. Ces résidences sont inscrites dans nos cœurs et nous ont profondément « bougé » de l’intérieur. Nous avons partagé le quotidien des habitants, passé des jours et des nuits à échanger, participer aux manifestations, aux assemblées, aux rencontres philosophiques. Nous avons traversé ces territoires comme ils nous ont traversé. Ce n’est pas un spectacle sur Haïti ou sur Notre Dame des Landes mais un groupe de gens qui se réunissent car ils veulent tenter « autre chose ». Le propos est universel.

Lors de nos résidences nous avons rencontré des personnes, des vies, des histoires, de la poésie, de l’imagination et de l’intelligence. Nous avons gardé en nous, l’atmosphère et la magie du vaudou Haïtien, la force de la poésie et du religieux, inscrite dans notre spectacle, la lutte quotidienne de Notre Dame des Landes, son inventivité et sa force. Les points communs sont nombreux entre les deux territoires contrairement aux apparences : Une mystique de la lutte, la poésie, le jeu, les symboles, la révolution. Nous y avons gardé l’esprit de la « cérémonie vaudou » et l’engagement de Notre Dame des Landes, la vie au quotidien, le rapport à la violence présent sur les deux territoires et les histoires de vie individuelles et collectives. On pourrait dire que la pièce est baignée dans l’atmosphère Haïtienne et ancrée dans la réalité de la lutte de Notre dame des Landes.

Nous avons voulu même en traitant un sujet douloureux et vivace dans notre société d’aujourd’hui confrontée à la violence et à la révolte face à un système, garder les joies, la part d’enfance, les chansons et l’énergie poétique et l’espoir.

Lolita Monga