Ce week-end une femme incarcérée à la maison d’arrêt de Nantes-Carquefou s’est donné la mort. Il s’agit du dixième suicide d’une personne détenue dans cet établissement depuis son ouverture en juin 2012, le deuxième en une semaine, le troisième en dix jours dans le centre pénitentiaire nantais.

L’information sera discrète, les réactions rares ou inexistantes. Cela s’est passé en prison, et comme bien d’autres, cet acte n’intéresse pas le grand public. Il est plus facile de parler des prisons pour montrer le côté spectaculaire d’une évasion que pour y souligner un dysfonctionnement évident en relevant une hausse inquiétante du nombre de suicides depuis la création des nouvelles prisons.

De tels actes de désespoir devraient pourtant nous alarmer. Il n’est pas normal qu’une institution républicaine provoque la mort avec une telle régularité mécanique. Il n’est pas normal qu’elle crée des conditions de vie où l’idée du suicide germe plus naturellement que partout ailleurs, ni que les mesures prises pour lutter contre ce problème se bornent à une surveillance constante plutôt qu’à un changement nécessaire des conditions de vie de la personne concernée.

La plupart des établissements pénitentiaires de notre pays sont vétustes et surpeuplés, c’est un fait. La solution à ce problème a été apportée par la construction de nouvelles prisons. Malheureusement, se contenter de créer de nouvelles places dans de tels bâtiments est loin d’être une réponse. À l’inverse, on constate qu’avec la construction de celles-ci, les politiques pénales s’endurcissent et l’on enferme encore plus. Aussi, par leur taille excessive, leur isolement géographique et leur système sécuritaire automatisé, ces prisons construites dans le cadre de partenariats public-privé font obstacle par nature aux besoins humains fondamentaux d’expression et de lien social des personnes détenues. La souffrance au sein de ces nouvelles prisons n’épargne pas non plus le personnel pénitentiaire.

L’impasse face à laquelle nous nous trouvons pour proposer des conditions d’emprisonnement dignes doit tous nous interpeller. Le Genepi souhaite mettre en garde les garants de ces nouvelles prisons contre l’aliénation des personnes détenues, qui ne pourrait qu’entraîner autant de gestes de désespoir que de rébellions, inévitables et légitimes.

Des dizaines de citoyens français ou étrangers font, chaque année, dans nos prisons, le choix de mourir. Si cela ne nous regarde pas, alors la démocratie ne restera qu’un mot pour apaiser les consciences.

« Une politique de lutte contre le suicide n’est légitime que si elle cherche non à contraindre un détenu de ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension de sujet et d’acteur de sa vie ».
Circulaire du 29 mai 1998

Aux personnes détenues et à leurs familles , enfin, nous adressons notre solidarité et notre soutien indéfectible, face à un système de plus en plus répressif, destructeur et vain.