Le sentiment que l’Europe impose ses lois aux pays européens semble se populariser. Il est accompagné par l’impression qu’elle dicte aux citoyens des règles dont ils ne peuvent influencer la mise en place.

C’est compréhensible : la complexité des institutions, l’activité des lobbies, les conflits d’intérêts et l’opacité de certaines procédures sont facilement décourageants.

De nombreux exemples illustrent ces phénomènes : influence de l’industrie tabac dans un dossier récent, eurodéputée passée représentante de Facebook, contrats entre la Commission européenne et Microsoft ou encore opacité autour du traité de libre-échange transatlantique.

Cependant, ces problèmes sont loin d’être spécifiques à l’Europe et plusieurs dossiers montrent que cette dernière a aussi permis des avancées significatives, moyennant une collaboration transnationale entre les citoyens : rejet des brevets logiciels et d’ACTA, promotion de la neutralité du net ou encore condamnation des interceptions de masse. Certaines de ces avancées seraient impensables à l’échelle nationale tant le climat français actuel est défavorable au partage culturel et au droit à la vie privée.

C’est pourquoi, le 10 mai entre 14h et 18h, des présentations d’outils collaboratifs montreront comment faire face aux lacunes institutionnelles européennes et impacter les débats politiques. Ces outils tirent parti du poids nouveau qu’ont les collaborations citoyennes à l’échelle européenne afin de renforcer notre emprise sur la démocratie.

De 15h à 16h, deux journalistes donneront des retours d’expérience sur les problèmes de transparence et de lobby, et sur des résultats obtenus grâce à l’utilisation de ces outils en ligne par des Européens.

 

Transparence et démocratie à l’européenne : le point de vue de journalistes

Programme des interventions :

Jérôme Hourdeaux, journaliste à Mediapart, fera un point sur les problèmes de transparence au Parlement et à la Commission ainsi que sur l’intrication des lobbies au Parlement. En particulier, il développera la pénétration et le pouvoir de l’industrie du tabac dans le Parlement ainsi que la réticence de la Commission à fournir des informations concernant des contrats signés avec Microsoft et impactant la sécurité des communications des eurodéputés.

Ensuite, Amaelle Guiton, journaliste indépendante, développera l’utilisation de logiciels permettant aux lanceurs d’alerte de fuiter des documents (les divulguer alors qu’ils sont censés rester confidentiels). Cette pratique, devenue mieux connue avec WikiLeaks, est parfois un palliatif à l’opacité institutionnelle. L’intervention portera sur des affaires récentes mettant en jeu le fuitage de documents via des plateformes dédiées installées en France et aux Pays-Bas.

Qui sont nos intervenants ?

Jérôme Hourdeaux a enquêté, à travers la directive sur les produits du tabac, sur l’entremise des lobbyistes professionnels dans les processus législatifs du Parlement, notamment à cause du phénomène des « revolving doors ».

Il a aussi travaillé sur les contrats entre la Commission et Microsoft qui imposent au Parlement les logiciels de l’éditeur américain, soulevant ici aussi la question de la validité du processus législatif en l’absence de confidentialité des communications et montrant l’opacité de la Commission (pas d’appel d’offres, contrats non publics malgré leur portée politique).

Ses révélations et le travail de certains eurodéputés ont incité le Parlement à reprendre en main son infrastructure de télécommunication.

Amaelle Guiton est l’auteur du livre Hackers, au coeur de la résistance numérique. Elle y donne une synthèse de la culture du hack, de la philosophie du logiciel libre et des nouveaux modes d’intervention des citoyens dans la vie politique grâce au numérique.

Plus généralement, elle travaille sur les transformations de la société liées à l’utilisation d’internet et de l’informatique : évolution des libertés fondamentales, nouveaux modes d’intervention citoyenne, réappropriation des techniques et du savoir.

Consciente, en tant que journaliste, que la protection des sources sur internet est mise à mal par la surveillance globale et nécessite d’adapter ses pratiques, elle contribue à des formations sur des outils de sécurisation des communications. Les logiciels de fuitage anonyme de documents en font bien entendu partie.

 

Garder un contrôle citoyen sur l’Europe : à votre tour !

Tout l’après-midi, nous serons disponibles pour présenter ces outils facilitant la collaboration citoyenne. De la récupération d’informations sur les processus législatifs au fuitage de documents, ils intéresseront toute personne souhaitant comprendre ou s’investir davantage dans la vie politique européenne.

Les outils à découvrir incluent :

  • Memopol et ParlTrack, qui collectent et présentent des données sur le Parlement européen pour pallier le manque de clarté du site officiel (groupes politiques, commissions parlementaires, dossiers, amendements, votes, etc.) et aident à cerner la position des eurodéputés pour mieux préparer des argumentaires de discussion (lire cette présentation de ParlTrack en anglais) ;
  • LobbyPlag, qui a exposé l’influence des lobbies privés sur le Parlement lors du vote sur la protection des données personnelles en comparant les amendements envoyés aux eurodéputés par les lobbies et ceux soumis par les eurodéputés au Parlement (écouter une émission de France Culture à ce sujet) ;
  • Le PiPhone, permettant d’appeler gratuitement des eurodéputés pour faire valoir une opinion ;
  • Globaleaks, qui facilite le fuitage de documents en permettant aux lanceurs d’alerte de réduire les risques d’être poursuivis.

Nous vous invitons aussi à passer pour toute question sur FAImaison ou les droits fondamentaux à l’ère numérique : il s’agit d’une très bonne occasion de discuter avec nous et nos invités !

Entrée libre et gratuite (comme d’habitude).