C’était l’un des plus beaux panoramas du monde : Là où l’appel du large s’ouvre enfin après la Petite-Hollande, encadré par les lignes harmonieuses des rives fluviales en aval, enfin dégagées des comblements de l’amont.

C’est ce site incomparable que la bourgeoisie nantaise s’est honteusement appropriée ce printemps 2011, avec l’arrimage d’une sorte de ponton flottant, plus qu’encombrant et vraiment peu gracieux, destiné à accueillir les fêtes privées et les plaisirs endogames des privilégiés locaux. C’est vrai qu’il était tentant de souiller un si beau paysage urbain, et un site aussi convoité, en face des palais négriers du Quai de la Fosse, juste en bas des Machines de l’Ile, là où travaillaient autrefois des milliers d’ouvriers des constructions navales (que la mémoire locale est fortement invitée à oublier).

Un ponton ? Une sorte de barge de luxe sottement arrimée au bord, singeant maladroitement l’esthétique des paquebots avec un goût de nouveaux riches. Méga-Véranda ou maxi-verrue ? Qu’importe la laideur, car on n’y est bien qu’à l’intérieur, dont le point de vue sur Nantes est effectivement époustouflant. Tant pis pour les autres qui n’auront jamais le ticket d’entrée. C’est bien dans l’esprit du temps sarkozyste : Je vous enfume avec mon 4×4, je vous snobe avec mes Rolex et je m’impose avec mes balcons arrogants sur le voisinage. Tant pis pour le bien public commun. Et malheur aux prolos, aux citoyens ordinaires, aux promeneurs, aux enfants et aux poètes.

Et plus c’est gros, plus ça marche ! Car pour inaugurer ce machin,

c’est le MEDEF qui invite (54 euros la soirée quand même).

Ce sera le lundi 4 juillet, sous le titre parfaitement cynique de « Jouons collectif »

http://www.medef-44.fr/evenements/jules-verne-de-lentre…prise

http://www.medef-44.fr/programme-23e-jules-verne-de-len….html

Pour cette charmante soirée, il y aura bien entendu le gratin du patronat nantais, la présence du Préfet et de quelques élus, sans oublier la caution inévitable d’un bureaucrate de la CFDT, et l’apport indispensable de Jean Blaise himself pour la culture touristiquée, sans oublier, pour le supplément d’âme, un philosophe télégénique, Vincent Cespedes (note 1 plus bas), presque aussi beau gosse que BHL, pour faire croire qu’on peut être de gauche sans déranger personne.

Jules Verne, réveille toi, nous aussi, nous serons de la Fête.

Le lundi 4 juillet 2011 à partir de 17 heures, il serait heureux de réunir tous les narquois et les narquoises de Nantes face au ponton du Nantilus, pour observer le ballet des arrivants, pour huer tous les affreux, pour partager sur place l’apéro des manants, pour illustrer le génie de la France d’en bas, pour montrer que n’est pas encore morte Nantes-la-belle-et-la-rebelle…

(Faites passer ce message à vos amis d’ici lundi…)

Note 1 : Vincent Cespedes ? Voici comment l’un de ses livres était analysé par le journal Le Monde. LA CERISE SUR LE BÉTON, violences urbaines et libéralisme sauvage, de Vincent Cespedes. Article paru dans l’édition du Monde du 03.05.02, par Jean Birnbaum : Curieux mélange de néologismes en cascade, de rhétorique antiaméricaine et de prose crypto-ésotérique, ce pamphlet rédigé par un jeune enseignant en philosophie laisse une étrange impression. Dénonçant « l’incitation médiatique à la sauvagerie urbaine » et l’absurdité d’un «Système» qu’il rebaptise « l’empire mondialo-cannibalo », il mobilise en les reformulant bon nombre d’arguments de la nébuleuse dite «antiglobalisation». Mais dans le même mouvement, il n’hésite pas à reprendre à son compte nombre d’idées traditionnelles du conservatisme répressif le plus ardent, comme celle de « l’impunité » totale dont bénéficieraient les délinquants en France. Bien plus, il fait de l’insécurité le produit d’un « complot absolu » et d’ « une imbattable politique de dépolitisation et d’américanisation », auxquels participeraient des