Chantiers de St Nazaire : LE « MONTAGE EXOTIQUE » EXEMPLE D’UNE NOUVELLE EXPLOITATION

Une plainte pour diffamation a été déposée contre Bellaciao et la CGT par les « Chantiers Navals de St Nazaire ». Soutenez Bellaciao :

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de André FADDA

Union Syndicale Multiprofessionnelle CGT des Chantiers de l’Atlantique St Nazaire

La logique économique du capitalisme cherche à s’imposer sur la société.

Les transformations qui touchent aujourd’hui le monde du travail dans le développement ultralibéral de la Mondialisation des marchés ne sont compliquées qu’en apparence. La surexploitation n’est pas un phénomène compliqué. Le patronat, les instances européennes, les institutions financières mondiales sont crispées sur une seule et même obsession : Réduire ce qu’ils appellent le « coût du travail ».

A cet égard, sur les sites industriels on observe un développement massif de la précarité et de la flexibilité par le recours à la sous-traitance et un éclatement du salariat.

SAINT-NAZAIRE, UN CHANTIER DE DÉMOLITION SOCIALE

Engagés depuis la fin de 1997 dans un plan de relance de l’activité de construction navale, les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire ont été secoués par de profonds changements.

Par la mise en place du Plan stratégique CAP 21, la Direction des Chantiers a développé la précarité et la flexibilité sur le site. L’objectif de ce plan patronal n’est autre que gagner 30% de rentabilité sur la construction des navires.

Depuis sa mise en oeuvre, les salariés en subissent les conséquences. Les Chantiers de l’Atlantique allaient ainsi devenir le grand laboratoire de « Refondation sociale » du patronat et de la Mondialisation dans lequel on va expérimenter de nouvelles formes de domination.

Une fois passée la période du test, la nouvelle stratégie patronale s’est répandue sans entrave.

Avec la reprise, le « boom » de l’emploi a fait monter les effectifs du site à 13.000 salariés, dont 8.000 sont sous-traitants et intérimaires.

Si l’emploi est, pour la CGT, un bien précieux, nous ne pouvons pas accepter que la précarité soit devenue le nouveau mode de gestion des effectifs.

Dirigée par le Donneur d’ordres, la sous-traitance en cascade (allant parfois jusqu’au 7ème rang) – plus de 500 entreprises concernées, repose sur une externalisation des productions, une recherche permanente de la baisse des coûts salariaux, la mise en concurrence des salariés, la casse des statuts (une quinzaine de conventions collectives sur le site), la baisse des salaires, les déqualifications, la précarité, la flexibilité et la dégradation des conditions de travail.

A titre indicatif : faut savoir que dans l’année 2. 000, deux salariés sont morts au travail et 1 7. 000 sont passés par l’infirmerie et pour l’année dernière, 2001, le chiffre s’élève à 19.650.

MONTAGE « EXOTIQUE »

Après avoir attribué ses activités à une sous-traitance locale avec du personnel aussi local, puis à l’échelle nationale et ensuite européenne, la Direction des Chantiers de l’Atlantique s’est lancée depuis peu sur le plan international avec l’importation de main d’œuvre bon marché en provenance de pays à faible coût.

La note interne de la Direction en date du 25 octobre 2001, intitulée « Montage exotique », interceptée par la CGT, démontre bien que RIEN n’arrête la course aux profits et la poursuite du grand Chantier de Démolition sociale au sein duquel la mise en concurrence des salariés est devenue la règle.

Pas même, les Pouvoirs Publics. Le mutisme total de Joël BATTEUX, Maire de Saint-Nazaire, de Claude EVIN, Député, d’André TRILLARD, Président du Conseil Général et du Sous-Préfet, représentant local de l’Etat chargé, soi- disant, de faire respecter les lois est inquiétant.

Devant l’utilisation massive de salariés sur-exploités en provenance de pays tels que l’INDE, la CROATIE, la POLOGNE, la SLOVENIE, la ROUMANIE, la HONGRIE, le PORTUGAL, la GRECE, l’ITALIE, et bien d’autres pays, les pouvoirs Publics ferment les yeux et laissent faire.

Nombreuses sont les entreprises sous-traitantes françaises qui, sous les recommandations de la Direction des Chantiers, font donc appel à cette main- d’œuvre qu’ils appellent « EXOTIQUE ».

Par la bouche de son PDG, Mr Patrick BOISSIER, les Chantiers n’ont pas nié les faits. Au contraire, ils se sont bien engages à casser encore davantage le Code du travail et les acquis sociaux alors que 10.400 chômeurs sont recensés sur le bassin de l’emploi nazairien.

Un Montage « exotique » pour quoi faire ?

Traditionnellement, l’utilisation de main d’œuvre étrangers répond à un triple objectif :

-Obtenir de la main d’œuvre à bon marché.
-Se servir de ces travailleurs comme masse de manœuvre économique et politique contre les travailleurs français.
-Dresser en même temps les travailleurs étrangers et les travailleurs français les uns contre les autres.

On peut ajouter un quatrième objectif : les travailleurs étrangers constituent un important outil de flexibilité. On les fait venir quand on a besoin d’eux, on s’en débarrasse quand on n’en a plus besoin. Ils sont d’autant plus flexibles qu’ils sont mieux privés de droits.

Leurs compétences, exploitées pour 1.000 € par mois pour une durée mensuelle du travail qui varie entre 224 et 270 heures. Souvent logés dans des conditions inadmissibles, à quatre par chambre, à cinq ou six par meublé, entassés parfois dans des colonies de vacances, pour ces salariés l’égalité des droits, y compris en terme de contrat de travail et de salaire, n’est pas à l’ordre du jour. La législation française en la matière est complètement bafouée.

Comme l’intérimaire, le CDD et le CDI-C (contrat de fin de chantier) français, le salarié étranger n’est là que pour faire le travail (d’ailleurs dans la majorité des cas dans des conditions scandaleuses) qu’on lui demande et tant que sa santé lui permet de faire !

Et après ? Après, on a fini de presser le citron !

Pour la CGT, cette situation d’opposition organisée entre les salariés est intolérable. D’autant plus que nous ne disposons d’aucun moyen fiable de contrôler les statuts. La barrière de la langue est un obstacle supplémentaire à laquelle s’ajoutent menaces et pressions qui sont faites pour rendre muets ces salariés sur-exploités.

Nous assistons donc à une importation de main d’œuvre étrangère illégale, recrutée, transportée, stockée et utilisée illégalement, mais pas du tout clandestine.

Par ce biais, l’utilisation de la main d’œuvre étrangère par le patronat des pays développés participe au pillage des pays d’origine.

L’exemple des travailleurs indiens présents sur le site est significatif La pression compétitive sur des entreprises indiennes et donc sur la production globale indienne est maintenue, puisque le nouveau personnel indien sur St-Nazaire est utilisé à des conditions inférieures au Droit du travail français, et donc profite à la seule compétitivité d’une entreprise française.

En Europe, pour ce qui est des travailleurs en provenance des Pays de l’EST, l’Allemagne est championne dans l’organisation de cet esclavage moderne. Les formules et astuces en tout genre permettent de contourner les législations, comme par exemple, en France, l’utilisation d’organismes de formation gérés par les CCI. Les salariés en formation, des polonais, sont affectés à la production.

Un rapport confidentiel de la Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail Illégal (DILTI) confirme que « les opérations de détachement de salariés en France s’avèrent couvrir des pratiques de prêt illicite de main d’œuvre, à moindre coût et dans le non-respect du droit social ».

Comment ne pas oublier les « sans-papiers » qui réclament la régularisation de leurs situations et le droit à travailler en toute légalité. Nous devons avoir à présent, que tant qu’il y aura des « sans-papiers » exploités, sans aucune protection, sans aucun droit, le patronat disposant une main d’œuvre extrêmement bon marché, pourra tirer vers le bas les revendications de tous les salariés.

UN TRAVAIL DE LONGUE HALEINE

Depuis l’arrivée des travailleurs étrangers sur le site, la CGT n’est pas restée inactive. La CGT s’est mobilisée sur le terrain et met à la lumière du jour le résultat de ses constatations.

Le bilan, encore inachevé, est accablant :

-Les horaires de travail (250 h / mois) dépassent la durée légale.
-Les rémunérations sont en dessous des conventions collectives françaises et du SMIC. Les frais de séjour sont défalqués du salaire.
-Les repas sont pris à bord ou dans les blocs de pré-montage.
-Pas de vestiaires, pas de douches.
-Pas de visite médicale
-Nombre d’Accidents de travail inconnus (ont-ils été déclarés à la Sécurité Sociale ?)
-L’hébergement se fait souvent dans des conditions douteuses et parfois inadmissibles
-Confiscation des passeports par l’employeur

A travers les travailleurs étrangers, le patronat met en place la société capitaliste sans entraves juridiques, ni limite d’exploitation. Autant de questions qui suscitent une grande inquiétude sur le respect des Droits de l’Homme sur le site des Chantiers Navals de Saint-Nazaire.

OSONS L’ÉGALITÉ

Réintroduire l’esprit collectif dans cette ambiance de plus en plus individualiste afin d’apporter aux salariés les moyens de construire eux-mêmes leur qualité de vie, leur statut social, passe par une vraie prise en compte de ces situations. La CGT ne part pas de rien. Mais pourtant, ces réalités imposent une interpellation plus grande, dans une démarche plus cohérente, plus soutenue, plus permanente où l’activité spécifique sur l’immigration et la main d’œuvre étrangère doit trouver une place importante dans l’Organisation, des directions syndicales jusqu’au lieu de travail.

La CGT face à ces nouvelles formes d’esclavage moderne, doit déployer son activité syndicale dans ce sens. Le problème posé par ces nouvelles méthodes de domination et de mise en concurrence sociale doit devenir une composante à part entière de notre activité syndicale. Dans ce combat, il en va de la crédibilité de notre syndicalisme.

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QUAND LE PATRONAT DEVIENT CHERCHEUR D’ESCLAVES…

Saint-Nazaire, le 25 octobre 2001

Monsieur,

Comme vous le savez, notre politique de réduction des coûts nous pousse en permanence à trouver des axes de progrès.

Un de ces axes se nomme « Montage exotique », c’est-à-dire apport de main-d’œuvre en provenance de pays à faible coût.

Nous avons identifié quelques pays « Maroc, Ukraine, Portugal, Émirats Arabes, etc. » qui ont la possibilité de fournir une main-d’œuvre qualifiée utilisable par les co-réalisateurs : verriers, serruriers, soudeurs inox ou alu, …

Pour poursuivre sérieusement notre étude et définir l’aide que nous souhaitons vous apporter, nous vous demandons de répondre aux questions suivantes :

1. Pour quels métiers souhaitez-vous faire appel à la main-d’œuvre étrangère ?

2. Quel effectif vous serait nécessaire, sur quelle période, sur quel navire (sur G32, par exemple) ?

3. Quel type de contrat peut-on envisager ?

4. A partir de quel taux horaire ou journalier cette action est-elle intéressante ?

Ce questionnaire n’a pas d’autre but que de définir le besoin.

Merci de nous répondre avant le 7 novembre au plus tard.

Votre présence est requise pour une discussion commune CAT-co-réalisateurs programmée le 14 novembre 2001 en nos locaux.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

http://www.fasti.org/article.php3?id_article=291

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=29067