PLATE-FORME « A l’école,compter chaque élève : pour chaque élève des papiers en règle ».

Dans les écoles, collèges et lycées de France actuellement, se trouvent des centaines d’élèves dont la situation est très grave. Certains de ces élèves sont mineurs et leurs parents n’ont pas de papiers ; d’autres sont élèves de lycée, ils sont âgés de 18 ans et plus et sont eux-mêmes sans papiers.

Cette situation résulte de la politique gouvernementale actuelle politique de persécution des jeunes étrangers sans-papiers et des enfants d’adultes étrangers sans-papiers.

2) Voici quelques exemples concrets ; il s’agit pour la plupart d’élèves pour lesquels se sont mobilisés des enseignants, des parents d’élèves, des lycéens. Il est certain que beaucoup d’autres enfants et jeunes sont dans des situations terribles, inconnues de tous.

A Paris, dans une école primaire du 12° arrondissement, plusieurs enfants de familles tchétchènes se retrouvent au printemps 2004 dans une situation de grand danger parce que leurs parents n’ont pas obtenu le statut de réfugiés politiques, sont sans-papiers et menacés d’expulsion. A Rennes, en septembre 2004, les services de l’Inspection Académique ont été utilisés par la Préfecture et par le Procureur de la République pour retrouver puis arrêter une dame congolaise dont le petit garçon fréquentait une école de la ville ! la mère a été arrêtée à la sortie de l’école et l’enfant emmené avec elle en centre de rétention ! Ainsi, des enfants étrangers, mineurs, qui fréquentent des écoles maternelles, primaires, des collèges ou des lycées sont poursuivis et persécutés. D’autres jeunes mineurs, à cause des lois Chevènement-Sarkozy, seront à leur majorité sans-papiers, dans l’impossibilité d’obtenir leur régularisation, alors qu’ils sont scolarisés en France depuis des années. Des centaines de lycéens âgés de 18 ans et plus, sont actuellement sans-papiers, comme l’ont été récemment Sandrina, angolaise, Gladys, haïtienne, Fanie, congolaise, lycéennes à Chatenay-Malabry, au sud de Paris.

Fait nouveau et gravissime : en Loire-Atlantique, l’Inspection Académique a envoyé aux directeurs d’école élémentaires publiques et privées un formulaire demandant de signaler « immédiatement » les élèves dont les parents sont connus par la Préfecture comme sans-papiers. Des responsables de l’Education Nationale appellent donc à la délation !

En France, la loi dit : « école publique, laïque et obligatoire ». Le mot « obligatoire » fait que tout enfant de moins de 16 ans DOIT être scolarisé, et ce, quelle que soit la situation administrative de ses parents. Il y a antagonisme entre cette loi, qui donne des droits et va dans le sens de l’intérêt général, et les lois Chevènement-Sarkozy : un enfant entré en France hors de la procédure du regroupement familial et après ses 13 ans ne peut pas actuellement être régularisé ; il deviendra à sa majorité une personne sans papiers, même s’il a suivi une scolarité normale. Il sera menacé d’expulsion, privé du droit de passer un examen national, du droit de poursuivre des études supérieures, de trouver un travail, de trouver un logement, de franchir les frontières de la France ( articles 9 et 12 bis alinéa 2 de l’ordonnance relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France).

Les lois Chevènement- Sarkozy sont des lois d’exception. Elles n’ouvrent pas à des droits. En faisant ces lois, les deux gouvernements, Jospin et Raffarin, ont imposé la discrimination, la persécution comme règle à l’encontre de toute une partie de la population de ce pays. En appliquant ces lois et en se plaçant dans l’esprit de ces lois, les responsables de l’Education Nationale sont en train de créer en France une catégorie nouvelle d’élèves, des élèves « clandestins sans-papiers », certes inscrits dans les établissements scolaires mais dépourvus de droits, à la merci des pires exactions étatiques. Ces enfants et ces jeunes menacent-ils de quelque manière l’ordre et la sécurité dans les établissements où ils sont scolarisés ? Non, pas du tout. Ils sont officiellement constitués en situation de non droit .

Comment le système scolaire, institution aussi importante en France, a-t-elle pu être ainsi gangrenée par des pratiques explicitement discriminatoires et brutales ? Un tel pas a été franchi ces dernières années parce que la très grande majorité des gens de ce pays ont laissé, et laissent, les gouvernements successifs depuis le gouvernement Pasqua en 1992, mener la politique de persécution des étrangers sans-papiers, particulièrement des ouvriers sans-papiers. Cependant, il existe au sein de l’institution scolaire et parmi les gens, en particulier parmi les parents d’élèves, des personnes décidées à empêcher ces pratiques détestables et à protéger les enfants de personnes sans-papiers et les jeunes sans-papiers. Depuis un an, des enseignants, des parents d’élèves, des lycéens, se mobilisent et font savoir publiquement que les élèves menacés voire arrêtés font partie de leur école, collège ou lycée et à ce titre doivent voir leurs droits respectés. Il existe donc, au sein et autour de l’école, une volonté de s’opposer à la politique discriminatoire gouvernementale.

L’enjeu est considérable : quel système scolaire voulons-nous ? Sommes-nous capables de défendre ce qu’il y a de bien et de juste dans le système scolaire en France ?

IL FAUT DONC MENER BATAILLE PARTOUT POUR LA REGULARISATION DES ELEVES SANS PAPIERS, IMPOSER QUE TOUT ELEVE AYANT SUIVI UNE SCOLARITE EN FRANCE SOIT REGULARISE.

3) SUR QUELS PRINCIPES NOUS APPUYONS-NOUS ?

1°) Le principe d’obligation de l’école.

Il est central en France depuis plus d’un siècle. Le système scolaire public, « l’école », doit accueillir tous les enfants qui ont moins de 16 ans et aussi tous ceux qui veulent continuer leurs études au lycée après 16 ans. Les parents, pour leur part, ont obligation d’envoyer leurs enfants à l’école. C’est la loi, c’est une bonne loi. De ce principe découle la règle selon laquelle il n’y a rien à voir entre l’école et le papier de l’enfant ou les papiers de ses parents : ni au moment de l’inscription , ni ensuite . Qu’un élève n’ait pas de papiers, ou que ses parents en soient privés, cette question doit s’arrêter à la porte de l’école.. Ce qui est en jeu là, c’est que l’école en France reste une institution dont le projet est d’éduquer et d’enseigner de façon obligatoire, et qu’elle le soit légitimement pour tous les enfants. L’école doit prendre en compte les élèves sans-papiers : c’est une condition pour que l’école soit démocratique, c’est à dire soit une école pour tous. C’est une condition pour que le pays existe. Y renoncer serait une régression majeure.

2°) Le principe d’égalité.

L’école en France fonctionne sous la règle de l’égalité. Un élève = un élève. Les règles scolaires, les enseignements sont en principe établis selon un traitement égalitaire des élèves. Pour permettre que chaque élève = un élève malgré les inégalités de richesse, les inégalités sociales diverses entre les familles, le système scolaire a établi des dispositifs tels que les tarifs dégressifs de cantine, diverses aides financières pour l’achat des fournitures scolaires, les heures d’étude encadrées pour les élèves qui ont à la maison des conditions de travail difficiles, etc…. L’école est égalitaire aussi à condition de ne pas différencier les élèves selon leurs papiers ou ceux de leurs parents, à condition de ne pas soumettre la scolarité des élèves à la question des papiers. Elle est égalitaire si elle refuse d’introduire dans son fonctionnement la discrimination entre les élèves sans-papiers ou de parents sans-papiers et les autres élèves.

3°) L’école a la responsabilité de prendre en charge les élèves, tous les élèves.

Ecoles maternelles écoles primaires, collèges, lycées : dans les établissements scolaires, le personnel, l’institution elle-même, prennent, en principe, soin des enfants : visites médicales, campagnes contre les poux, présence (certes insuffisante et menacée) d’infirmières, de médecins, d’assistantes sociales. C’est l’application de ce principe de responsabilité par rapport aux élèves qui a conduit certains principaux de collège ou directeurs d’écoles situés dans des quartiers très pauvres à distribuer gratuitement un petit déjeuner le matin aux enfants qui en avaient besoin ; il n’était pas question de laisser des élèves suivre une journée de cours le ventre vide. Ce principe de responsabilité est gravement attaqué quand l’institution scolaire ouvre ses listes et fichiers aux préfectures ou laisse des élèves étrangers à la merci d’un refus d’un titre de séjour, d’une expulsion… Y aurait-il donc désormais des élèves que l’on ne peut plus protéger, au sujet desquels c’est la logique discriminatoire et de persécution des lois Chevènement – Sarkozy qui l’emporte, logique plus forte que les propres règles de notre système scolaire ? L’école est responsable de la protection de tous les élèves, les élèves étrangers sans papiers et les enfants mineurs de personnes étrangères sans papiers doivent être protégés par leurs instituteurs, professeurs, par l’ensemble du personnel.

4°) Le respect de la vie de famille. Si un des enfants est expulsable alors que les autres membres de la famille sont en situation régulière, la vie de famille n’est plus possible. Et quand les préfectures refusent la régularisation à des centaines de personnes, pères, mères d’enfants mineurs vivant en France avec eux, que deviennent leurs enfants ? Etre séparés de leurs parents, être placés à la D.A.S.S., tel doit être leur sort ?

Sur la base de ces principes, nous proposons de nous regrouper, de réfléchir au travail possible : NOUS POUVONS COMBATTRE CES LOIS D’EXCEPTION ET LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE QUI LES A FAIT VOTER. NOUS PROPOSONS DE REFLECHIR ENSEMBLE ET D’INTERVENIR : PAR EXEMPLE, SE TENIR INFORMES DES TEXTES DE LOIS, DES PROCEDURES, POUR ETRE CAPABLES D’INTERVENIR SUR DES CAS CONCRETS, SE MANIFESTER ET AGIR POUR OBTENIR LES PAPIERS D’ELEVES NON REGULARISES, MENER BATAILLE POUR QUE TOUT ELEVE SCOLARISE EN FRANCE AIT SES PAPIERS.

Des enseignants, décidés à agir publiquement pour défendre les élèves sans-papiers, ont été en 2004 à l’initiative d’une association, Education Sans Frontière, qui mène des actions très importantes : information, organisation de la défense juridique des élèves ou de leurs parents, délégations aux préfectures, manifestations, campagnes de presse… Nous ne voulons pas nous substituer au travail de l’association Education sans Frontière et de tous ceux qui se mobilisent avec elle pour les lycéens sans-papiers ou pour les écoliers et collégiens enfants de sans-papiers. Nous pensons nécessaire et possible d’ouvrir une bataille politique qui affronte les enjeux profonds concernant l’école en France, bataille qui s’adosse au travail déjà engagé depuis 1997 contre les lois Chevènement-Sarkozy , contre la politique de persécution des ouvriers sans-papiers et pour la régularisation des personnes sans-papiers. Dans les manifestations tenues par le Rassemblement des Collectifs des ouvriers sans-papiers et de l’Organisation Politique, est déclaré « On est ici, on est d’ici, on ne bouge pas ! », « Ouvriers, ça compte, le travail, ça compte ! », « Légalisation du travail des ouvriers sans-papiers ! », « La France, c’est tous ceux qui y vivent ! ». Voila à quoi peut s’adosser la bataille pour qu’en France, chaque élève ait des papiers en règle.

A l’initiative de militants du Rassemblement des Collectifs des ouvriers sans-papiers des foyers et de l’Organisation Politique – décembre 2004 –