Ce matin, je me rendais comme d’habitude au travail. Arrivé au rond-point qui menait au périphérique direction pont de Bellevue, un bouchon bien plus gros que d’habitude. Je m’arrêtes, comme toute le monde, puisqu’aucune voiture ne bouge et comprend tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un bouchon mais d’un blocage.

Je descend et je commence à aller voir les autres personnes qui elles aussi sont sortis de leur voiture ou de leur camion. Je m’approche d’une dame d’une quarantaine d’années et je lui demande ce qu’il se passe (j’ai pas la radio dans la bagnole). Elle me dit très calmement «

c’est par rapport au CPE

».

Puis je m’approche d’une camionnette. Je discute avec le chauffeur. Il me dit que « {les personnes qui font ça ont bien raison. Le gouvernement ne veut rien entendre même avec 3 millions de personnes dans les rues. Bon je serais en retard au chantier mais bon il faut que ça pêtes que les gens tiennent bon.
Bon là c’est moi qui ait la commande de la grue. Enfin j’appelle je rentre chez moi je m’en fous je suis intérimaire.} »

Je m’éloigne et regarde un peu dans les voitures, les gens ont plutôt le sourire, certainEs au téléphone avec un patron quelconque et comme tout le monde est bloqué, on prend son mal en patience. Une tête sort d’une Renault, «

quelqu’un a une bouteille ? Tant qu’à faire on pourrait boire un coup.

» Je m’approche d’un groupe de routiers. «

Ca fait une heure qu’on est bloqué. On se demande à quelle heure on va finir ce soir ? Enfin les étudiants ont bien raison de faire ça. On comprend pas pourquoi ça s’est pas fait plutôt. Ca veut dire quoi un contrat ou on peut te foutre à la porte si ta gueule ne revient pas au patron. Et si tu veux faire un emprunt ou quelque chose comme ça, t’es dans la merde »

.

Je demande si des gens ont des cartes, on pourrait taper le carton. Un routier s’en retourne dans sa cabine «

je vais aller taper une sieste

». Quelques voitures essaient de faire demi-tour mais rien à faire quand ça passe pas, ça passe pas. Je retourne à ma bagnole. Ça démarre plus. Aller je suis pas loin du prochain bistrot, un kilomètre à pied et un petit café pour se réchauffer. Je remonte la file de voiture, les gens sont plutôt tout sourire. Une personne me fait un clin d’œil, «

ça fait 30 minutes que je suis coincé. Moi déjà une heure et demie

» !! Eclats de rire. Je continue mon chemin, et rebelote je commence à discuter avec un routier rester perché dans sa cabine. «

Les petits jeunes ont bien raison de faire ça. Moi j’ai des gamins, tout le monde à des gamins, il faut tous s’y mettre. Alors ça y est ça veut dire quoi ça. Le gouvernement veut rien faire. Maintenant c’est vraiment le régime du marche ou crève, le patron peut te virer quand il veut et pour n’importe quoi. Et celui qui veut faire un emprunt ben il peut pas. C’est pas deux heures qu’il faut bloquer, c’est toute la journée.

»

A ce moment on voit une voiture de gendarmerie passer par la bande d’arrêt d’urgence. «

Les gens ils devraient la bloquer, ne pas la laisser passer. On devrait tous mettre notre véhicule en travers. On est tous concernés et maintenant ça suffit. On en a vraiment marre. Aller je vois que ça avance, je te laisse, bon courage.

» Je continue, je vais boire mon café.

Ce jour là, il n’y avait pas sur le périphérique nantais des usagers pris en otage par des méchants grévistes, mais une population solidaire des étudiantEs dans leur lutte contre la précarité.