Lille: le préfet et le ministre de la police cherchent l’accident en vue de réprimer…

La grève de la faim entamée le 18 mai dans le Nord par plus d’une centaine de personnes sans papiers fut l’objet de longues discussions lors d’assemblées générales du CSP59. Ces assemblées, il faut le souligner, se sont déroulées en extérieur sous le regard et les magnétophones des agents du ministre de la police.
Lors de ces Assemblées fut longuement discuté la décision puis, quand le principe de grève de la faim fut adopté, son organisation. Tout ceci rappelons-le sous le regard attentif de la police.
Il fut décidé que cette grève ne pourrait être entamée que clandestinement de par les menaces d’expulsions pouvant peser sur les grévistes.
Elle démarra donc le 18 mai officiellement de manière  » clandestine  » sachant que tout à chacun était parfaitement au courant de cela.
Revenons un peu alors sur ce qui s’est passé depuis ce jour et particulièrement sur les agissements et l’attitude la police préfectorale.
Courant mai, après le déclenchement  » clandestin  » de la grève de la faim, des policiers débarquent à deux reprises au petit matin dans des foyers d’hébergement pour arrêter des sans papiers. Le fait d’interpeller des personnes sans papiers dans des foyers fut un fait nouveau qui scandalisa les personnels des foyers. Une déclaration d’ailleurs circula et fit grand bruit. Une conférence de presse à l’initiative du Syndicat des Avocats de France, de la Ligue des Droits de l’Homme, du MRAP et du Syndicat de la Magistrature relaya et dénonça ces agissements.
Puis ces opérations policières, tendant à démasquer les grévistes, du moins est-ce ainsi que ces agissements peuvent apparaître, cessent. Elles cessent alors qu’il aurait été relativement facile aux policiers préfectoraux de retrouver, du moins tenter, certains sans papiers ayant montré publiquement lors des assemblées précédemment citées leur intention de mener une grève de la faim.
Laissons la grève s’installer semble vouloir la préfecture…

Le 18 juin, jour où tous les grévistes de la faim se rendent au Urgences du CHR de Lille pour rendre publique leur action, il est a remarquer l’extraordinaire accueil qui leurs a été réservé. La date, l’heure et quasiment le nombre semblait parfaitement connu des services hospitaliers briefés par les services préfectoraux. En effet aux Urgences du CHR de Lille tout avait été mis en place pour leur accueil.
Les examens faits, les sans papiers sont sortants. S’engage alors un jeu sur l’installation des grévistes dans un lieu. Jeu du chat et de la souris où à aucun moment le chat préfectoral ne cherche à croquer/arrêter la souris. Et en toute  » logique  » les sans papiers grévistes de la faim s’installent dans la cour de la Bourse du Travail. Le Préfet rapidement passera les voir pour délivrer un message clair avant tout au CSP59, aux organisations et à tous ceux qui les soutiennent. Mais auparavant, et rapidement, car ceci ne semblait par être l’objet de sa visite, à chacun des grévistes le Préfet vient déclarer qu’il comprend leur situation, qu’il reconnaît leur combat pour la dignité et la légitimité de leur lutte, tout en leur déclarant que la loi est la loi et que celle-ci sera appliquée sans état d’âme. Après ce message délivré aux personnes sans papiers en grève de la faim, message qui quelque part ne peut que les encourager et/ou les pousser à poursuivre leur action, il en vient donc à s’adresser plus longuement aux organisations et personnes soutenant le mouvement des sans papiers. Le seul discours tenu alors fut de souligner fortement la responsabilité de ces organisations et des personnes, particulièrement des responsables du CSP59 désignés par les sans papiers eux mêmes, faisant allusion aux conséquences possibles d’une grève de la faim qui durerait. Evoquant à mi mot un accident possible, il appelle même tout à chacun, toute les organisations présentes, à signer avec lui un appel demandant que cesse la grève de la faim.
Les jours suivants il laissera la grève se poursuivre au sein de la Bourse du Travail, grève dont la gestion ( et la responsabilité selon lui) incombe au CSP. De nombreuses évacuations ponctuelles ont lieu quotidiennement vers les hôpitaux. Puis au fur et à mesure un dispositif de suivi médical se met en place sous la direction  » indirecte  » de la préfecture.
Face à des états de santé inquiétants la préfecture décide d’intervenir en envoyant le SAMU pour dans un premier temps hospitaliser les plus mal en point. Ils faut bien marquer, médiatiquement parlant, semble-t-il sa préoccupation de l’état de santé des grévistes ! Mais ils embarquent tous les grévistes de la faim, lesquels sont placés dans divers hôpitaux de la métropole lilloise. Là ils subissent les pressions d’un personnel hospitalier qui est lui même sous le coup de pressions/consignes strictes de la préfecture. Puis progressivement en l’espace de quelques jours ils seront, quasiment tous, expulsés manu militari par les forces de l’ordre de ces hôpitaux, ceci sur l’ordre des mêmes autorités qui avaient décidées de les y placer.
Le Préfet renvoie ainsi la gestion, et la responsabilité de la grève de la faim au CSP59 et aux soutiens. Ceci d’autant plus que par ses gesticulations policières, qui en étonnent plus d’un, il renforce la détermination des grévistes. Ainsi installe-t-il les sans papiers volontairement, ou alors nous en viendrions à douter des capacités intellectuelles de nos plus hautes autorités, dans une grève qui se durcit considérablement, d’abord dans la tête des grévistes puis dans leur vie elle-même.
A l’occasion de ce retour de balle dans le camp du CSP, le préfet devient prolixe en courriers à destination du CSP59. Ainsi le lundi 7 juillet, au moment où il fait à nouveau expulser brutalement un nombre important de grévistes de la faim des hôpitaux, il adresse un courrier au CSP59, courrier dans lequel il fait plus que souligner la lourde responsabilité, selon lui, qu’aurait les responsables du CSP59, et en particulier son coordinateur.

Ainsi le préfet, après avoir laissé la grève s’installer, souffle dessus en vue de la durcir tout en, parallèlement, posant des banderilles pour en faire porter la responsabilité en cas d’accident sur la direction du CSP59. Le préfet et le ministre de la police cherchent l’accident en vue de réprimer, de criminaliser le CSP59 dans le but de le détruire, et en cela détruire un outil que se sont donnés les sans papiers dans la lutte légitime ( ce sont les mots du préfet non !! ) qu’ils mènent depuis 1996.

Le 8 juillet 2003
Christophe Hérin
Comité de Défense des Droits des Sans Papiers – Lille