Nous sommes tous des inter-mutants du spectacle !

Petits rats d’opérette en retraite trop anticipée, formateurs mercenaires de mercenaires formateurs, colleurs d’affiches sauvages, graffitistes de murs aveugles, esclaves compressibles d’ateliers clandestins, figurants en SITuation COMique, Bac+9 sans emploi avouable, buralistes itinérants en rupture de stocks d’opiacés, nègres pour littérateurs en mal d’inspiration, plagistes pour aoûtiens, aides soignantes à domicile non-fixe, vacataires sans Faculté particulière, goals volants, plongeurs éphémères d’arrière-cuisine Mac-Donald, athlètes jetables dès trente ans, malfaiteurs à l’occasion associés, Minie travestie à Marne-la-vallée, ex-TUC à toute heure, standardistes en attendant mieux, pions de l’échec scolaire, vendangeurs à la petite semaine, pupilles de la DDASS sur-employés à demeure, vidéastes d’interludes déprogrammés, déménageurs à fréquence modérée, vigiles fièvreux du samedi soir, sondeurs porte à porte d’opinions, CDD aujourd’hui ou DCD demain, videurs hebdomadaires de greniers, ex-psychiatrisés en rééducation taylorienne, retourneurs de crêpes en plein air, cracheurs de white-spirit, fleuristes sans vitrine, licenciés en sociologie du licenciement, précepteurs de yoga à flexibilité horaire et articulaire maximale, pigistes pigeons anonymement sous-traités, télé-mateurs en formation cathodique, maîtres très auxilliaires, C.A.Pistes en stages illimités, apprentis briseurs de grèves malgré eux, ouvreuses de cinéma le week-end, sculpteurs sans statut, caissières de flux tendus, peintres de Papa-Noël sur vitrines, applaudimètristes de jeux télévisés, projectionnistes lampistes d’Art et d’Essai, bidasses en soldes monstres, lumpen-prolétaires agricoles, DEUGuistes sous contrat bénévole, sous-fifres à l’opéra-comique, énième assistant du metteur en scène, serveuses en surnombre provisoire, traducteurs pour deux francs six sous, crieurs badgés de journaux, acteurs de complément, petites mains dégriffées du prêt-à-porter, taulards corvéables à mi-temps, mannequins pour catalogues de vente par correspondance, interprètes pour messageries vocales, gardiens de phare mal loti, internes d’urgences hospitalières, couchettistes d’aller sans retour, cobayes pharmaceutiques, funambules en sursis, liftiers d’ascenseur social, meneuses surmenées de revues légères, accordeurs de demi-queue, titulaires suppléants perpétuels, veilleurs d’une nuit sur deux, agents de surface illimitée, juristes en fin de droits, poètes à compte d’auteur, saisonniers petits fruits, stars à durée déterminée, doublures lumière… nous sommes tous des inter-mutants du spectacle ! Le statu quo actuel exclut déjà la moitié des intermittents officiels de l’assurance chômage, sans parler des RMIstes et autres objecteurs de conscience qui s’emploient sans trêve à produire la meilleure des marchandises possible : la culture. Le minimum horaire exigé par les Assedics conduit chacun à la course au cachet fictif, au carriérisme concurrentiel et à toutes les complaisances et complicités foireuses avec leurs multiples patrons d’occasion. Assez de corpo-artisme catégoriel. Ace rythme-là, l’allocation sera bientôt réservée à quelques centaines de professionnels de la profession. Exigeons dès aujourd’hui l’extension du statut d’intermittent à l’ensemble des acteurs du travail discontinu : intérimaires, stagiaires, vacataires, saisonniers, etc. Artistes ou pas, nous sommes des millions à avoir fait notre deuil (en beauté) du travail pointé, posté, taylorisé. Nos employeurs tirent désormais profit de formes de travail discontinues et de l’ensemble d’activités que ce travail nécessite. A nous d’en tirer les conséquences.
L’émancipation des travailleurs précaires sera l’œuvre des travailleurs précaires eux-mêmes ! Tout pour tous !

Paris le 19 décembre 1996

CQFD (des Chômeurs et Quelques Figurants Dédommagés)
c/o CARGO (Collectif d’Agitation pour un Revenu Garanti Optimal)