À cette occasion, Madame Houda-Pépin (elle-même musulmane et donc très au fait de ce qui se passe dans sa communauté d’origine) a livré une allocution convaincante en rappelant notamment le contexte peu connu dans lequel a évolué l’idée de tels tribunaux au Canada:

«L’idée d’implanter des tribunaux dits islamiques a vu le jour, au Canada, il y a une quinzaine d’années, sous l’impulsion de la Rabita al-Islamya, la Ligue islamique mondiale, une organisation qui a son siège social en Arabie Saoudite. La Ligue islamique mondiale avait financé, en août 1991, une rencontre à Washington, à laquelle ont participé des imams des États-Unis et du Canada, notamment de Montréal, de Toronto, de Mississauga, de London, Ontario, d’Edmonton et de Vancouver. Le thème de cette rencontre: élaborer des stratégies pour introduire la charia au Canada et aux États-Unis.

Deux axes d’intervention on été définis: d’abord, convaincre les musulmans du Canada de se soustraire aux lois séculières, considérant qu’il n’y a qu’une seule souveraineté, la souveraineté de Dieu. Arafat Al-Ashi, alors directeur de la Ligue islamique mondiale à Toronto, avait affirmé, et je cite: «Aucun musulman ne peut prétendre à ce titre s’il ne peut appliquer cette loi[…], sinon il est considéré comme non croyant».

Le deuxième axe d’intervention visait le lobbying des élus et des partis politiques afin de susciter leur appui à l’implantation des tribunaux dits islamiques. Le Canada avait été ciblé comme étant le pays où les islamistes estimaient avoir les meilleures chances de mener à bien ce projet à cause des garanties constitutionnelles dont jouissaient les minorités en termes de chartes de droits et de lois sur le multiculturalisme. De plus, si la charia était appliquée au Canada, elle servirait comme un puissant symbole pour décourager les pays musulmans qui cherchent à moderniser leurs codes juridiques. L’un des arguments évoqués par Arafat Al-Ashi touchait les nations autochtones, alléguant qu’ils avaient leurs propres systèmes de justice, alors pourquoi pas les musulmans?

Le comité de suivi issu de cette rencontre a été placé sous la direction d’un personnage aux convictions inébranlables, un avocat qui avait travaillé au bureau du Procureur général de l’Ontario, et considéré comme un expert en matière des lois et des chartes des droits prévalant au Canada. Il s’agit de Syed Mumtaz Ali, également président de la Canadian Society of Muslims, qui a déclaré à un journaliste de Toronto, en septembre 1991, et je cite : «Le divorce est un droit divin accordé au mari. En Islam, le mariage est un contrat civil[…]. Une fois le mariage brisé, le contrat est terminé, le mari n’est pas responsable [de] son épouse»(…)

On peut lire le texte intégral de cette intervention remarquable de Mme Houda-Pépin, ainsi que l’allocution de sa collègue du Parti québécois, Mme Jocelyne Caron, qui rappelle notamment la position des femmes musulmanes du Canada et d’ailleurs sur cette question. Le président de l’Assemblée nationale a fait parvenir la motion adoptée aux autres législatures du Canada.

APPEL à soutenir le combat des femmes canadiennes contre les tribunaux « charia »

Si le Québec a fermé la porte à ce genre de tribunaux, ce n’est pas encore le cas en Ontario, la province voisine. Le gouvernement ontarien doit se prononcer ces jours-ci sur le rapport Boyd (décembre 2004) qui, faisant fi de l’opposition des organisations de canadiennes musulmanes, recommande d’autoriser de tels tribunaux dans le droit de la famille. Des groupes de femmes du Canada ont lancé un appel afin d’exercer des pressions sur le gouvernement de l’Ontario. On propose une lettre d’appui.

Rubrique « Tribunaux islamiques au Canada »

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