Dans les années 60 et 70, des entreprises de première ligne ont coopéré avec les dictatures du Brésil et de l’Argentine pour réprimer des syndicalistes.

Volkswagen, Phillips, Fire-stone, Chrysler et autres entreprises ont aidé à réprimer les dictatures d’Amérique Latine, spécialement en Argentine et au Chili. Ainsi le signale une enquête du journal brésilien O Globo, qui a publié des documents inédits du Département de l’Ordre Politique et Social brésilien. Les documents montrent que les entreprises ont formés avec les organismes de sécurité du Brésil un « groupe de travail » pour détecter les employés qui avaient une militance syndicale, qui étaient licenciés et dans beaucoup de cas torturés et assassinés.

Le coup d’Etat contre Joao Goulart a eu lieu en 1964. En novembre 66, au début d’une période très dure de répression qui durera trois ans, des représentants de General Motors, Volkswagen, Chrysler, Firestone, Phillips et Constanta se sont réunis avec le chef du Département de l’Ordre Politique de Sao paolo et un délégué de l’armée. Selon le compte rendu de la réunion, ils ont discuté des « problèmes » dans les fabriques et ont créé un centre de coordination.
La documentation, compilée et révélée par le journaliste Jose Casado, indique que les entreprises livraient aux services d’intelligence des listes de travailleurs considérés suspects, et qu’elles ont maintenu durant tout ce temps une cooppération « forte » mais « discrète ».
« Nous défendions nos entreprises des terroristes, de la subversion », a déclaré Synesio de Oliveira, représentant du groupe Constanta (entreprise incorporée à Phillips en 1998).
Sur la base de documents obtenus à Washington, Sao Paolo et Buenos Aires, l’enquête révèle que Volkswagen « a monté un département interne » avec les agents de la DOPS et des militaires pour épier les travailleurs, alors que Chrysler, Scania et Firestone « ont créé des appareils d’espionnage » dans les fabriques.
Par exemple, un document daté en juillet 1978 par la filiale brésilienne de la firme suédoise Saab-Scania informe la police du cas de deux travailleurs dont les licenciements « découlent du fait d’avoir participé à un mouvement de grève ».
Les entreprises ont été consultées par O Globo, mais toutes ont nié les faits ou ont assuré qu’elles ignoraient ce qu’indiquait la documentation. Volkswagen a soutenu qu’elle a maintenu une ligne « apolitique » et une relation « avancée » avec ses employés, tandis que Firestone et Chrysler ont dit « ignorer » le sujet.
En Argentine il y a eu un schéma similaire. L’ambassade des États-Unis a informé Washington entre avril 1976 et juin 1978 sur des épisodes qui montraient « la grande coopération entre des gérants et des organismes de sécurité ». L’un des cas les plus connus est celui de Mercedes Benz. En 1975, Carlos Ruckauf, ministre du Travail, a ordonné le licenciement de 115 ouvriers par des raisons politiques. En 1976, sous la dictature, tous les dirigeants syndicaux de la fabrique de Gonzalez Catan (grand Buenos Aires) ont été séquestrés. Des 16 délégués, 14 ont disparu. Leurs familles et les survivants ont obtenu la création, la semaine dernière, d’une commission d’enquête.
Mercedes Benz a eu une conduite étrange avec les familles de ses employés disparus (2), à qui elle a continué de payer le salaire. Certains ont même touché des indemnisations pour des motifs non spécifiés. En revanche, les ouvriers qui ont cessé d’aller travailler parce qu’ils couraient le risque d’être séquestrés ont été licenciés.

Notes :

1- L' »opération Condor » est la collaboration des dictatures sud-américaines (avec le soutien des Etats Unis) pour lutter contre la subversion et assassiner ou se débarrasser des militants ou sympatisants de gauche. (NdT)

2- En Argentine, sous la dictature (1976-1983), 30 000 personnes ont « disparues », au Chili ce sont 3000 personnes qui ont été assassinées. (NdT)

Pagina/12, 20 mai 2005
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)