En septembre 2020, le gouvernement dévoilait un nouveau « schéma national du maintien de l’ordre ». Ce document devait être « l’aboutissement d’une réflexion lancée à la suite de centaines de plaintes pour violences policières ». En réalité, le rapport confirmait et accélérait la fuite en avant de l’Etat français pour mieux réprimer les contestations, en renforçant l’arsenal et en généralisant des pratiques autoritaires. Hier, le Conseil d’État a État décidait d’annuler 4 points importants de ce schéma du maintien de l’ordre :

Les nasses, c’est à dire l’encerclement par la police des manifestants pour les empêcher de se déplacer et les réprimer sur place. Cela veut dire que les innombrables nasses effectuées à Nantes, encore récemment lors des mobilisations contre la « loi de sécurité globale » ou contre les lycéens sont considérées comme illégales.

« L’éloignement » des journalistes lors des opérations de maintien de l’ordre. En écho à la « Loi de sécurité globale », le gouvernement voulait éloigner les preneurs d’images et les témoins médiatiques d’assister aux violences policières. Le Conseil d’Etat s’y oppose.

L’accréditation des journalistes pour pouvoir couvrir les manifs. Une mesure digne de Régimes dictatoriaux. Les protections en manifs pour les journalistes étaient aussi frappées d’interdiction. Deux mesures bloquées également.

Il y a un mois, le Conseil d’Etat avait déjà jugée illégale l’utilisation de drones pour surveiller la population depuis la pandémie.

Ces décisions sont une gifle institutionnelle pour le gouvernement. Même les plus hautes institutions s’alarment de l’accélération autoritaire de la Macronie. Mais cela reste des décisions purement symboliques. Puisque la police n’est jamais condamnée, il est très peu probable que les nasses ou l’usage de drones s’arrêtent à la demande du Conseil d’État. Les faits le démontrent chaque jour, c’est la police qui détient le pouvoir réel.

Enfin, le Conseil d’État a laissé en l’état d’autres mesures du Schéma de maintien de l’ordre tout aussi inquiétantes.

A l’époque, le rapport annonçait que « les moyens spéciaux de type engins lanceurs d’eau ou véhicules blindés méritent d’être renforcés ». Il reconnaissait néanmoins le danger des grenades GLI F4 et GMD, mais envisageait « des moyens innovants […] étudiés et mis en œuvre ». Autrement dit, plutôt que d’abandonner ces grenades, elles seront remplacées par d’autres munitions du même type. En ce qui concerne les tirs de balles en caoutchouc, le rapport annonce que les tireurs de LBD auront « des superviseurs sauf en cas de légitime défense ». Mais officiellement, le LBD doit déjà être utilisé seulement et uniquement en cas de légitime défense. Cette annonce révèle donc que les policiers tirent régulièrement sans être menacés.

Le rapport annonçait la mise en place « d’un référent chargé de l’appui aux victimes, qui n’ont pas pris part aux affrontements avec les forces de l’ordre et cherchent à obtenir réparation pour les dommages subis ». Derrière cette fausse concession, un aveu gravissime : le gouvernement avouait qu’il compte faire d’autres blessés graves, et même des blessés qui ne participent pas aux manifestations. Il n’a donc pas d’intention d’empêcher ces drames, mais simplement de « créer des référents », probablement pour dédommager ces victimes avant qu’elles ne sollicitent la justice.

Il prévoyait aussi la généralisation de la police politique, avec d’avantage de moyens : « les services de renseignement jouent un rôle primordial dans le dispositif de gestion de l’ordre public », ils permettent « l’amélioration de l’anticipation et du suivi des mouvements de contestation ».

Pour finir, ce schéma de maintien de l’ordre annonçait l’envoi, au contact des manifestants, d’unités qui peuvent « combiner résistance au choc et manœuvres en mobilité ». Il propose l’engagement « des Sections de protection et d’intervention 4e génération (SPI4G – CRS) et les pelotons d’intervention (EGM) » pour « procéder à des interpellations » Petit problème : la SPI4G est une section spéciale, militarisée, intégrée aux CRS et créée après les attentats pour « intervenir sur des risques de tuerie de masse ». Le gouvernement assume donc d’envoyer la police antiterroriste pour mater les opposants. Le rapport ajoutait l’usage du « dispositif SARISE, le « système autonome de retransmission d’images pour la sécurisation d’événements », des moyens de surveillance de pointe, eux aussi créer contre la menace terroriste.

Tous ces points, extrêmement préoccupants, n’ont pas été bloqués par le Conseil d’Etat.