Pour le contexte et la description, à la base on était potes, lui c’est Guillaume S. , 27 ans, mec blanc, pas très grand, plutôt fin, cheveux court, blonds, une petite barbe, les yeux bleus, des lunettes, qui porte souvent une casquette kaki/marron et une sacoche en bandoulière, rouge et noire. Vous pouvez le croiser au Père Peinard, à la Maison Blanche, au Winger, au bar place Belfort ou encore à L’iBis. Il se décrit comme anarchiste, allié du féminisme et des luttes queers.

Moi c’est L., personne trans non binaire, afab*. Pas besoin de me décrire plus, on est d’accord.

Après plusieurs tentatives d’écriture j’ai fini par faire le choix de ne pas entrer dans des détails, déjà parce que c’est dur pour moi, et aussi parce que c’est pas la peine d’imposer des détails à des personnes victimes de violences sexuelles qui pourraient être amenées à lire ce texte. Et aussi parce que j’ai pas envie de satisfaire des curiosités malsaines. Néanmoins j’ai conservé tous nos échanges écrits dans l’éventualité qu’ils servent à appuyer ou soutenir la démarche éventuelle d’une autre victime d’agression, passée ou future.

Les premiers attouchements (viol ?) se sont déroulés lorsque j’étais dans un état second, dont il avait pleinement connaissance étant donner que je le lui ai dit clairement et en détails comment je me sentais, j’étais en manque de substances (je suis polydépendant), j’avais mal partout, chaud, froid, du mal à parler, à respirer, je dissociais**, etc. J’ai fini par m’endormir, il était à côté de moi.
C’est quelques jours plus tard qu’il mentionne « le soir ou on a fait du sexe », je comprend pas, je demande des explications, j’aurais d’après lui réagi à ses caresses le soir ou j’étais en manque. J’en ai absolument aucun souvenir. On n’est pas à Toulouse à ce moment, et surtout on est que tous les deux et je ne connais personne à moins de 200km, j’me sens isolé, perdu, bref, je veux gérer ça plus tard, quand on sera rentrés. Je cogite, j’me sens mal mais je dis et ne montre rien.

Retour à Toulouse, j’ai envie de réaborder le sujet mais je sais ni trop quand ni comment, j’suis renvoyé à des tonnes de violences passées, à de la culpabilité…
On est dans un bar, on boit, on rencontre des gens, dont quelqu’un qu’on appellera W., on décide de partir en after chez Guillaume, on boit, on prend des produits.
Les heures passent, le jour vient à se lever, on zone tous les 3 sur le lit, on discute, on rigole, je commence à comater. W aussi.
Guillaume commence à se rapprocher de moi, me caresse, je lui demande d’arrêter, pas de réaction.
Il me pénètre avec ses doigts, j’suis tétanisé, je pleure, je répète que je veux qu’il arrête. W. réagit de suite, lui demande de partir. Guillaume fait genre il comprend pas « qu’est-ce que j’ai fait je suis désolé je comprends pas ». Il part dans une autre pièce, je me calme avec l’aide de W. je dors vite fait.

Quelques heures plus tard, on est réveillés par Guillaume, qui titube, articule peu. Il nous explique qu’il a un technicien qui vient d’arriver pour intervenir dans sa résidence mais qu’il peut pas gérer parce qu’il a pris trop de Valium.

Je consulte mon téléphone et il m’a envoyé un sms ou il me dit qu’il est désolé qu’il a fini une plaquette de Valium, qu’il faut pas que je m’inquiète que trois Valium et demi ça va pas le tuer, qu’il tient a moi profondément, qu’il me souhaite d’être heureux.

Je réponds à mes autres messages, il me dit sur un ton menaçant qu’il espère que je suis pas en train de raconter ça a M., une amie en commun car il « doute qu’elle apprécie ». À cette heure-ci, le respect était décédé depuis un moment.

Une fois assuré qu’il va pas mourir sur place pour esquiver ses responsabilités et juste taper sa pire décente, W. et moi on rentre chez nous. D’ailleurs W., si tu passes par là, merci pour ta bienveillance.

Dans les jours et semaines qui suivent :

Guillaume m’écrit plusieurs autres sms, entre auto-flagellation, justification et culpabilisation.
Il admet mot pour mot m’avoir violé. Tout en m’assignant une part de responsabilité, quand même.

On se revoit lors d’une réunion avec d’autres militants où je décide de raconter ce qu’il a fait.

Puis il est passé en bas de chez M. lorsque j’étais chez elle, alors qu’il venait d’aller raconter ses malheurs auprès d’une copine en commun dans un bar. Alors je suis descendu et je lui ai dit qu’il allait m’écouter parler.
J’ai pris énormément sur moi mais j’avais besoin de tout lui balancer.
Je lui ai dit que j’allais raconter ce qu’il a fait, que je voulais qu’il se remettent en question, qu’il fasse vraiment ce qu’il faut pour ne plus jamais recommencer, qu’après réflexion je ne voulais plus avoir à faire l’effort de le croiser, tout en sachant que ce serait le cas vu les difficultés qu’ont certains lieux à prendre position sur les questions d’agressions. Il a accepté tout en re disant que de toute manière il n’allait plus sortir de chez lui parce que c’était trop dur. Le monde a l’envers.
Je lui ai aussi dit tout l’impact que ça avait sur mon quotidien, que je me sentais trahi qu’il avait brisé notre amitié, que ça ne changerais pas et qu’il m’avait détruit, comme d’autres avant lui. Que ce genre de comportement tuait des gens, littéralement et qu’il était hors de question que ça me revienne aux oreilles qu’il avait recommencé. Et que c’était pas parce que là j’avais pas l’énergie de lui mettre des coups que ça serait toujours le cas.
Il était assis sur le trottoir, passait la majorité de son temps à regarder ses pieds et esquiver le regard des passants qui pouvaient entendre ce que je disais.
Il a dit qu’il s’en voulait et qu’il allait soit disant se prendre en charge pour ne plus avoir ce genre de comportement, qu’il était désolé et tout un tas de choses.

Qui s’avéreront être de grosses conneries étant donner que 2 jours plus tard il était installé en terrasse à 50m de chez moi avec ses potes, et que j’apprendrai que sa vie sociale n’a jamais été aussi remplie. J’ai également appris qu’il racontait que l’on avait une relation ensemble, ce qui est totalement faux, et de toutes manières je ne vois pas en quoi cela allégerait ou justifierai quoi que ce soit.

J’espère que ce texte servira à protéger un maximum de personnes et permettra de rendre les espaces plus safe. Et qu’il se sentira à sa place nulle part. Je n’ai pas porté plainte et ne compte pas le faire, pour autant je me réserve le droit de me faire justice et d’apporter toute forme de soutien nécessaire à d’autres victimes, que ce soit de lui ou d’un autre.

*Afab : Assigné femme à la naissance **Dissociation : l’état dans lequel, à différents niveaux, on devient d’une certaine façon déconnecté de la « réalité. C’est l’opposé de la « connexion » et implique le manque de connexion, habituellement de sa propre identité avec le reste du monde.

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