Le 21 janvier dernier, un groupe d’ami.e.s SDF décident de montrer le bout de leur nez à une fenêtre de la maison qu’iels occupent depuis plusieurs jours et commencent des allers et venues. Des ami.e.s passent aussi les voir. La maison en question est leur domicile principal, iels y reçoivent du courrier, y commandent de la nourriture et bien sûr y vivent en toute discrétion. N’ayant pas réussi à connaître le nom du nouveau propriétaire, iels n’ont pas encore pu le prévenir, expliquer leur situation, gérer avec lui le rétablissement de l’électricité etc. Il fait froid et il pleut, dormir dehors ou dans son véhicule devient difficile et dangereux, iels espèrent au moins pouvoir s’installer et se chauffer pour l’hiver. Le bâtiment est une maison d’une petite 100aine de m² avec un jardin accessible, dans le secteur de pont du Cens (3 impasse Saint-Amour, Orvault). La boîte aux lettres déborde et des personnes habitant le quartier avaient confirmé que l’habitation était inoccupée depuis plusieurs années déjà. L’ancienne propriétaire étant décedée en 2018. Cherchant un abris, les ami.e.s avaient discrètement fait le tour de la maison, constaté par la grande baie vitrée qu’elle était bien vide et s’y sont finalement introduit par une fenêtre mal fermée. Pendant plusieurs jours iels ont du y vivre dans le froid et l’obscurité mais une petite semaine à tenir dans ces conditions ça vaut le coup si ensuite on obtient un abris pour quelques mois, et puis au moins on peut vivre ensemble.

Malheureusement ce fameux 21 janvier, les voisins paniquent. Les squateureuses qu’ils interpellent, leur expliquent tranquillement leur situation mais la conversation est très brève, la police est appelée. Les occupant.e.s ne s’alarment pas outre mesure, iels sont chez elleux, ont des preuves de ce qu’iels avancent et au moins comme ça le propriétaire sera prévenu et on va enfin pouvoir discuter. Iels s’attendent quand-même à un coup de pression de la police qui souvent ne se gêne pas pour expulser illégalement s’ils trouvent une porte facile à ouvrir et ont donc renforcé portes et fenêtres. Dès le départ la police ne les écoute pas, refuse de les croire, se moque et est désagréable. Finalement ils interviennent à une petite dizaine d’agents, font le tour du jardin, s’acharnent sur plusieurs des ouvertures à la fois et finissent pas défoncer des volets et la porte derrière pour rentrer, commettant d’importantes dégradations. A ce moment il reste seulement trois personnes dans la maison, elles n’ont pas le temps d’emporter toutes leurs affaires, sont embarquées et placées en garde à vue pendant 40 heures au motif d’une « tentative de vol en réunion avec effraction dans un local d’habitation » ! On croit rêver, que peut on bien voler dans une maison vide, des bouts de papiers peint ?! Quel.le.s voleureuses se barricadent dans la maison visée et y rentrent et en sortent en plein jour devant les voisin.e.s ?! Bref, le motif était une excuse, s’appuyant sur des témoignages de voisin.e.s, bravo la délation.

La maison ayant été laissée ouverte, les habitant.e.s encore en liberté y retournent et s’y barricadent de nouveau. Sur une nouvelle demande des voisin.e.s, les flics repassent le lendemain, ré-expulsent sans se rendre compte que des personnes étaient encore cachées dans le bâtiment. Le soir une voiture de vigiles arrive pour sécuriser la maison et découvre avec surprise qu’elle est toujours habitée ! Ils apprennent aux occupant.e.s que l’habitation appartient à l’association les petits frères des pauvres, et sont d’autant plus étonnés d’une telle situation. Le matin du 23 janvier, les trois personnes en GAV sont libérées, dont une sous X, elles sortent a priori sans suite. Comme souvent lors de ces gardes à vues, tous les droits n’ont pas été respectés, le médecin refuse d’examiner une personne, au prolongement les droits ne sont pas correctement notifiés, les personnes doivent réclamer de nombreuses fois pour obtenir de l’eau etc. (Les keufs sont même aller jusqu’à menacer une peluche avec une paire de ciseaux pour tenter d’obtenir une identité ! ^^ )

La joie de la libération est de courte durée, car pendant ce temps là, une représentante des petits frères des pauvres est arrivée devant la maison et discute sèchement avec les habitant.e.s. Elle leur propose une seule option, deux nuits pour deux personnes (alors qu’il y a 6 habitant.e.s) au 115 de Sainte-Luce (commune à 15km de là), ce qui est loin d’être une solution et est plutôt ressentie comme une insulte de sa part. Elle se justifie alors en avançant que la maison est insalubre alors qu’elle avouera elle même que le diagnostique n’a jamais été fait ! Elle ajoute que l’association à peur d’être tenue pour responsable en cas d’accidents, ce qui est n’est pas possible car les occupant.e.s sont « sans droits ni titres », et qui d’autre part est paradoxale quand on remet les gens à la rue ! Les squateureuses lui explique que si elle désire vraiment une expulsion elle doit passer par une procédure en justice, elle coupe court au dialogue et une 30aine de policiers apparaissent subitement. Les forces de l’ordre interviennent de nouveau, aidées sans subtilité par des voisin.e.s ouvrant leur portail pour faciliter les manœuvres, offrant des cookies etc. Ils sont secondés également par l’entreprise ABACCA serrurerie (reconnaissable à leur camion décoré d’une image de vitre brisée). Les habitant.e.s proposent au serrurier d’exercer son droit de retrait, il refuse répondant que les causes et les conséquences ne le regarde pas puis il utilise lui même disqueuse et pieds de biche avec la police qui expulse de nouveau illégalement le bâtiment, embarquant 4 nouvelles personnes au commissariat. Elles sont emmenées pour une garde à vue au motif de « violation de domicile » (leur propre domicile?!). Face à l’absurdité de cette situation, elles sont finalement libérées au bout d’une heure sous X, sans aucune notification, en terme juridique c’est ce qu’on appelle une détention arbitraire. La maison sera rapidement refermée, sécurisée par des vigiles, puis des alarmes, malgré le coût que cela représente.

Malheureusement, ce genre de situation n’est plus vraiment inédit. En effet, la vague médiatique ainsi que les directives gouvernementales de ces derniers mois tendent à légitimer et encourager les expulsions de squat de façon illégale, bien trop souvent en faisant passer la totalité des squatteureuses comme des voleureuses de domiciles qui viendraient s’installer dès lors qu’un.e propriétaire laisserait son domicile vacant durant quelques jours.
Hors la réalité est tout autre, en effet, on compte en fRance près de 3 millions de logements vides et inoccupés (qui ne sont donc pas des domiciles) pour plus de 300 000 personnes sans domicile fixe. Près de 60% de ces logements sont laissés vides depuis plus d’un an servant avant tout une chose, la spéculation immobilière et la gentrification des villes, augmentant de façon incessante le prix du m², et diminuant de plus en plus l’accès au logement des personnes les plus précaires. On compte sur Nantes environ 30 000 logements vides pour 10 000 personnes sans domicile fixe, ce n’est donc pas un problème de nombre de logement mais bel et bien un problème d’inégalités d’accès au logement, sans parler du mal logement qui touche également des millions de personnes. Malgré cela nous ne pouvons que constater ces derniers temps la facilité avec laquelle les propriétaires (AJP Immobilier, Nantes Metropole, Petit Frère des pauvres, Maison urbaine etc.) expulsent les squatteureuses de façon extra-légale voire illégale, parfois à l’aide de milice armées et violentes, parfois avec la complicité de la police (grossomerdo la même chose mais avec des uniformes), afin de remettre des gentes à la rue en plein hiver. Le tout dans une ambiance bel et bien de plus en plus hostile vis à vis des squatteureuses, qui se traduit par une complicité croissante de la part d’une frange de la population.

Ces voisin.e.s vigilant.e.s qui plutôt que d’aller proposer des cookies maison à leur nouveauxelles voisin.e.s qui occupent une maison laissée vide depuis plusieurs années, vont aller les servir aux policiers en guise de remerciement après une expulsion car ils se sentent maintenant « plus en sécurité ». Ces bonnes vieilles méthodes de délation et d’allégeance à la police, qui ont par ailleurs augmentées ces derniers temps avec l’arrivée du Covid, nous rappellent à quel point on vis ici dans un pays de merde qui garde en lui sa culture de la collaboration et de la poukaverie, le tout déguisé dans des pseudos « actes de citoyennisme » (vomir).

Mais au-delà de ces voisin.e.s vigilant.e.s, un autre marché de plus en plus croissant vient lui aussi mettre à mal l’accès au logement. En effet, lorsque vous aller faire un don à petit frère des pauvres, vous vous dites sûrement que cela va aider une personne pauvre et isolée à retrouver un peu de confort et de vie sociale, PERDU ! En effet la police lorsqu’elle est intervenue, s’est faite aidée par une entreprise de serrurerie ainsi qu’une entreprise de sécurité privée qui a blindé et muré tout les accès de la maison, posée des alarmes et des caméras et qui laisse 24H/24 deux agents de sécurité devant la maison pour empêcher toute réoccupation, le tout au frais de Petit frère expulseurs des pauvres. Ces entreprises de sécurité privée sont de plus en plus présentes, proposent des prix de plus en plus bas, et permettent ainsi aux propriétaires de spéculer en dormant sur leurs deux oreilles (et bien au chaud). Il est de plus en plus habituel de voir des bâtiments vides et inoccupés, mais malgré tout sécurisés, laissant peu de chance aux personnes à la rue pour y trouver un abris. Une alarme ou une caméra a donc plus de chance de passer la nuit au chaud dans un bâtiment vide que les 300 000 personnes sdf que l’on compte aujourd’hui en fRance et qui ne cessent d’augmenter.

Plutot ACAB que ASAP !