Barbara Pompili justifie ainsi cette préférence : « La mine est en train de se refermer sur elle-même et pour retirer des déchets supplémentaires, on ne peut le faire que d’ici 2025. Sinon, on se place dans une situation très difficile. » Elle considère que « la solution la plus sûre pour l’environnement comme pour les travailleurs est l’option où l’on ne retire plus de déchets et où l’on confine dans des conditions optimisées. »
Si le stockage définitif de ces déchets ultimes est finalement entériné sous prétexte de l’affaissement de la mine, ce sera la conséquence de l’attentisme des gouvernements successifs et non pas parce que le retrait était techniquement impossible. Vingt ans que les élus et les associations environnementales travaillent de concert pour demander le retrait total de ces déchets qui menacent directement la ressource en eau et la nappe phréatique alsacienne, la plus grande d’Europe. Mais 18 Ministres de l’Ecologie et de nombreux revirements plus tard n’auront finalement conduit qu’à deux décennies d’inaction.

Les signes étaient pourtant encourageants. En 2012, l’État s’était positionné pour une évacuation partielle du site et le confinement définitif du restant des résidus. Entre 2014 et 2017, 2300 tonnes de déchets sensibles sur les 42 000 tonnes au total ont été retirées du site. Par la suite, les rapports et études se sont succédé pour étudier la faisabilité du déstockage. En 2018, le dernier rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) affirmait qu’il était possible de retirer l’intégralité des déchets. En septembre 2018, un rapport parlementaire retentissant préconisait l’extraction de la majeure partie des déchets. Mais en 2019, le gouvernement a annoncé renoncer à l’extraction de déchets supplémentaires, invoquant le surcoût de l’opération et le risque sanitaire pour le personnel. Sous la pression des élus, l’alors Ministre De Rugy avait concédé une nouvelle étude, disponible depuis décembre 2020. Surprise : sur les 6 scénarios proposés, aucun n’étudie le retrait total, au mieux 25% des déchets seraient retirés. La confiance est rompue entre élus locaux d’un côté et l’État de l’autre.

Le déstockage est certainement une opération très délicate, mais de nombreux rapports montrent qu’un retrait massif de ces déchets toxiques est faisable et incontournable pour éviter la contamination irréversible de la ressource en eau. Plus qu’une promesse, la réversibilité de l’installation était une obligation légale. Il est d’autant plus indispensable de l’honorer maintenant que les galeries sont fragilisées, que les risques de pénétration de l’amiante, du cyanure ou encore de l’arsenic seraient inévitables. Cette exigence de retrait ne se ferait pas au prix d’un risque sanitaire pour les travailleurs : les retraits de déchets de mercure entre 2014 et 2017 ont été scrupuleusement suivis par la médecine du travail et ont montré que le personnel n’avait pas été contaminé.

Stocamine est devenu pour nous un exemple emblématique de ce qui nous attendrait à Bure : les promesses de réversibilité balayées, l’accident qui ne devait pas arriver mais qui est arrivé, la lenteur décisionnelle malgré l’urgence souterraine, les différentes options mises en balance selon leur coût. Parce que si le gouvernement invoque tardivement le risque sanitaire pour les travailleurs des mines, c’est longtemps le coût qui a freiné le processus du déstockage…

Nous espérons que cette visite à Wittelsheim aura ravivé les craintes de la Ministre quant au projet Cigéo. Il est tout aussi urgent de déstocker les déchets chimiques de Stocamine que d’abandonner le projet Cigéo à Bure. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’enrayer des pollutions inévitables et la condamnation du Grand-Est de la France.