Pendant que les manifestations contre le projet de loi dit de « sécurité globale » se multiplient, largement appelées par des organisations unitaires regroupant syndicats, partis et monde associatif, nous constatons avec amertume que sur le front de la lutte contre le projet de loi dit « confortant les principes républicains » (anciennement intitulé « contre les séparatismes »), c’est le silence totale et le malaise de la part de la gauche blanche, quand ce n’est pas carrément un refus de soutenir les musulman-e-s et une adhésion non assumée au projet de loi.
Alors nous vous le demandons, FI, EELV et NPA, c’est QUOI votre problème avec l’islam et les musulman-e-s ?

Si au NPA on veut bien reconnaître l’existence d’une « islamophobie d’Etat » et le caractère fondamentalement raciste du projet de loi (ce qui déjà est un grand pas), il n’en reste pas moins que les discours des leaders retombent vite dans la rhétorique du « c’est une diversion de la part de Macron pour ne pas aborder les vrais problèmes, à savoir la crise économique, climatique, sociale et actuellement sanitaire ». Non mais c’est pas bientôt fini de toujours évacuer le sujet pour placer autre chose au centre ? C’est incroyable de voir cette incapacité qu’a la gauche blanche de parler de racisme, il faut inévitablement qu’elle essaie de faire glisser le sujet vers autre chose. On passera d’ailleurs sur le mépris de la vision blanche des « vrais problèmes » puisque visiblement tout ce qui ne la touche pas elle, n’est pas un « vrai problème ».
Nous devons quand même souligner que Macron n’a PAS besoin d’organiser une diversion ou on ne sait quoi pour faire passer ses mesures libérales, car en premier lieu vu l’indifférence de ses adversaires politiques envers l’islamophobie, ce n’est pas une stratégie valable, et en second lieu, ça fait des décennies que les néo-libéraux font passer lois anti-sociales sur lois anti-sociales et ielles n’ont pas eu besoin de convoquer la peur de l’islam pour ça. Ce n’est pas que Macron ne veut pas parler des problèmes sociaux, c’est qu’il estime, en bon néo-libéral, qu’il n’y a pas à en parler, tout ce qu’il fait lui semble normal. Il faudrait quand même arrêter de feindre de s’étonner de voir un néo-libéral se comporter en néo-libéral.

Les lois qui visent les musulman-e-s sont faites pour viser les musulman-e-s, et cet objectif se suffit en lui-même, pas besoin de verser dans le complotisme et d’aller chercher des « sens cachés » à ce que fait le gouvernement.
Autre rhétorique en vogue chez le NPA (et qui expliquerait d’ailleurs leur relative admission de l’existence de l’islamophobie), il s’agirait là d’une stratégie de Macron pour « diviser les travailleurs » en opposant travailleurs d’origine française et main d’oeuvre immigrée. Le NPA en effet, est issu de la vieille tradition de la gauche française de la lutte des classes, opposant prolétariat et patronat. Plus à la page que leurs collègues des syndicats et des autres partis de gauche, ielles ont compris qu’une partie de ce prolétariat était non-blanc-he, et par conséquent avait d’autres préoccupations que celles des travailleurs/euses blanc-he-s. Et que ne pas le prendre en compte reviendrait à perdreune partie non négligeable du dit prolétariat. Cependant, le NPA (et tou-te-s celles et ceux qui souscrivent à cette rhétorique) doit remettre les choses dans le bon ordre : ce n’est pas Macron qui divise le prolétariat avec ses lois, c’est le prolétariat qui de base n’est pas uni. Ce qu’on appelle  » prolétariat » regroupe en effet des catégories de personnes très différentes aux intérêts divers et parfois contradictoires, il ne suffit pas « d’être prolétaire » pour être en lutte contre le système capitaliste, nous dirons même que beaucoup y adhèrent malgré tout, le prolétariat n’est pas « naturellement » de gauche. Et en ce qui concerne le rapport du prolétariat blanc aux travailleurs/euses racisé-e-s, on a depuis longtemps constaté que le dit prolétariat blanc n’avait aucun problème à se maintenir séparé des travailleurs/euses racisé-e-s.

En effet, ce sont ces dernier-e-s qui font les boulots dont les blanc-he-s ne veulent pas, tout en bas de l’échelle, et qui donc permettent au prolétariat blanc de se trouver dans une position intermédiaire, inférieure aux classes bourgeoises mais supérieure à la main d’oeuvre racisée qui lui sert de bouc-émissaire occasionnellement, et cela de façon totalement assumée (ielles ne sont pas manipulé-e-s, ielles y adhèrent en pleine connaissance de cause, et même s’il y avait une part de manipulation, il faudrait se demander pourquoi elle prend si bien). Ainsi, l’union des travailleurs/euses, si elle doit avoir lieu, ne pourra JAMAIS se faire sans aborder en face le problème du racisme en France. Le NPA et les autres, en prétendant qu’il s’agit d’une stratégie de Macron pour diviser et que donc il ne faut pas parler de racisme en profondeur, sont elles/eux-mêmes une des raisons pour lesquelles la division se maintient.

Mais comme on a dit, le NPA est quand même le parti le plus à la page, à la France Insoumise, ça dit carrément qu’on a le droit d’être islamophobe (Henri Peña-Ruiz en Août 2019) – rhétorique pourtant d’extrême-droite porté par Zemmour entre autres – et que l’islamophobie d’ailleurs est un mot que la FI n’emploie pas (Jean-Luc Mélenchon dans une interview récente sur BFMTV). Si la FI a fait beaucoup parler d’elle lors du soutien affiché de JL Mélenchon à la marche contre l’islamophobie (qui avait suscité beaucoup d’espoirs de voir la gauche blanche ENFIN se rallier aux luttes antiracistes), la stratégie du 2 pas en avant 3 pas en arrière de la dite FI donne le vertige. Pour rappel, c’était bel et bien JL Mélenchon qui soutenait la loi contre le port du voile en 2004, et c’était lui aussi qui disait lors de sa campagne de 2017 « être contre le communautarisme », tout en disant par ailleurs qu’il ne fallait pas stigmatiser les populations musulmanes. La FI adhère également largement aux 2 théories citées ci-dessus : la « diversion » et la « division des travailleurs/euses », ou dans leur cas « des Français-e-s » (oui c’est une petite variante car la FI est particulièrement républicaine et attachée à l’idée d’unité de la nation, plus qu’à la question de la lutte des classes).

L’islamophobie est le nom donné à la forme de racisme qui s’exerce contre les populations musulmanes, il faudrait VRAIIIIIMENT que la gauche blanche arrête de trembler devant ce mot, car il n’y a pas de quoi. Au meilleur de sa forme JL Mélenchon a bien voulu admettre qu’il existerait « une haine des musulman-e-s », mais nous devons souligner que le racisme n’est pas spécialement une question de haine. Utiliser ce type de vocabulaire entraîne sur le terrain des émotions, qui seraient alors non-contrôlables, et surtout, qui individualisent le problème. Or, le racisme est un système complet, pensé, calculé, institué et qui exerce sa violence continuellement sur celles et ceux qui le subissent. Le racisme est avant tout une vision politique et une organisation de la société selon la race, et cette structure se maintient parce qu’elle est présente à tous les niveaux de la société, et la haine ne joue pas grand rôle dedans. Il s’agit plutôt de comprendre que pour des dominant-e-s, il est considéré comme normal de dominer, et si la haine entre en jeu à un moment, c’est quand les dit-e-s dominant-e-s sentent leur pouvoir vaciller.
Quant au fait de « pouvoir critiquer l’islam en tant que religion » défendue par Henri Peña-Ruiz qui justifie ainsi le »droit à l’islamophobie », on tient à souligner que des personnes musulmanes le font déjà et depuis toujours, donc on voit pas ce que des non-musulman-e-s iraient apporter en s’en mêlant, et que lorsqu’on est une personnalité publique on doit faire attention aux mots qu’on utilise. L’islamophobie n’étant PAS la critique de l’Islam, M. Henri Peña-Ruiz est donc tout bonnement en train de dire qu’on a le droit d’être raciste envers les musulman-e-s, sans aucune réaction conséquente du reste de la FI, laissant volontairement planer le doute et la confusion. Preuve en est, personne n’utilise des mots comme « athéephobe » ou « cathophobe ». C’est donc qu’il y a bien une fixette sur l’islam, et que ce qui dérange tant, ce n’est pas la question religieuse.

Jean-Luc Mélenchon est le candidat de la France Insoumise pour les élections présidentielles de 2022, on est en droit de demander à la France Insoumise, quelle position sera la sienne vis-à-vis de la question de l’islamophobie et de l’intégration des populations musulmanes, car franchement c’est le flou total. Un coup votre candidat dit une chose, 3 jours après il en dit une autre, et son projet de société, ultra-républicain, n’est pas vraiment centré sur la tolérance et la liberté de culte. En tout cas, ce ne sont pas ses anciennes positions qui vont rassurer, nous on a totalement l’impression que la FI souscrit pleinement au discours du gouvernement sur le séparatisme (tout en s’en défendant) et à l’idée qu’il y aurait un « bon Islam » et un « mauvais Islam ». Mediapart a récemment révélé les grandes lignes du projet de charte à faire signer aux imams de France, une grave atteinte à la laïcité, comprenant l’interdiction de parler de « racisme d’Etat », allez-vous donc vous y opposer en tant que parti de gauche, siégeant à l’Assemblée Nationale ? Nous constatons un silence bien gênant (et gêné) de votre part.
Enfin, Europe Ecologie les Verts gagne le pompon avec son candidat potentiel Yannick Jadot qui souscrit publiquement à l’idée de « séparatisme » et se désolidarise des musulman-e-s, tandis que le maire EELV de Grenoble réclame des remboursements de subvention au CCIF, récemment dissous et cible de l’acharnement du gouvernement (visiblement EELV pense que le CCIF n’a pas assez de problèmes comme ça actuellement). Né-e-s avant la honte !

Tout ce beau petit monde se verrait bien en tout cas en opposant-e-s farouches à Marine Le Pen au second tour des élections, mais quelles garanties avons-nous donc que ce ne seront pas, au final, les mêmes ? Quelle différence existe-t-il vraiment alors qu’à chaque fois les candidats bafouillent sur la question du racisme, ne veulent pas s’engager réellement contre l’islamophobie, et se taisent sur la place des personnes racisées dans leur projet de société ? Pour rappel, Macron aussi se présentait en tant que « rempart » face à l’extrême-droite, tout en gardant soigneusement un vide dans ses discours sur la question du racisme. Finalement qu’est-ce qui place tous ces gens à gauche et contre le FN/RN, à part le fait qu’ielles le prétendent ? Concrètement, on ne voit pas grande différence, alors qu’ielles laissent s’exercer les violences envers les personnes non blanches et laissent le gouvernement s’acharner contre les musulman-e-s. Si nous devions malgré tout relever une différence, nous dirions que l’extrême-droite est pro-active dans son racisme, tandis que la gauche blanche elle veut maintenir une situation de statu quo (mais qui reste défavorable aux populations non-blanches et fait monter le FN/RN).

Mais qu’attendez-vous au juste pour réagir ? Que l’extrême-droite soit vraiment au pouvoir ? Vous, qui ne cessez de vous référer à la Résistance de la Seconde Guerre Mondiale, persuadé-e-s que vous êtes, que vous auriez été « dans le bon camps », le fait est qu’aujourd’hui alors que le gouvernement prétend mettre en place des lois d’exception visant une catégorie racisée de la population, comme le furent les populations juives à l’époque, vous, vous détournez les yeux et prétendez ne rien voir, comme en vérité le firent 90% des Français-e-s.
Rien que dernièrement, un appel national à manifester contre l’islamophobie avait été lancé pour le 12 Décembre 2020 par différentes organisations concernées. Or à Nantes, pourtant réputée en tant que vivier des luttes et ville de gauche, il n’y a rien eu (rien de rien).
Pourtant, le projet de loi dit « de sécurité globale » s’inscrit ni plus ni moins que dans la continuité du projet de loi « contre les séparatismes », lui-même dans la continuité de dizaines d’années de répression policière exercée sur les populations non blanches.

Mais dans l’esprit de la gauche blanche française sommeille toujours le soupçon envers les personnes racisées, que si elles se font discriminer et réprimer, c’est qu’elles ont bien du quelque part le mériter. L’innocence est un luxe qui n’est jamais accordé aux personnes non blanches.
Vous avez d’ailleurs récemment découvert les violences policières lors de la répression des mouvements sociaux majoritairement blancs en centre-ville, mais vous ne vous êtes jamais vraiment alarmé-e-s de la répression policière raciste et coloniale qui harcèle quotidiennement, brutalise, viole, mutile et tue en toute impunité les populations non blanches en banlieue et dans les départements dits d’outre-mer, considérant finalement cette situation comme « normale ». Ce qui vous semble actuellement « anormal » c’est de voir des blanc-he-s (qui plus est militant-e-s et de classe moyenne à aisée) être traité-e-s comme ces populations racisées. Ainsi lorsque vous protestez contre les violences policières et contre le projet de loi « sécurité globale », en refusant de parler pleinement de racisme et de ses spécificités, ce que vous revendiquez n’est pas la fin des violences policières, mais un « retour à la normale » ; c’est-à-dire faire admettre que la répression policière n’a pas sa place en manifestation mais qu’elle demeure une possibilité et une nécessité en banlieue.
Vous vous faites les modèles des droits humains, universalistes, vous prétendez ne pas voir le racisme et déclarez que parler de racisme divise ou va recréer les races. Cette logique absurde vous permet de maintenir vos privilèges tout en continuant de prétendre ignorer que le racisme est toujours bel et bien présent et que des populations n’ont pas les mêmes droits que vous dans la réalité, et bientôt explicitement dans la loi. Vous ne vous battez que pour vous-mêmes en vérité, mais vous prétendez nous entraîner derrière vous au prétexte que vous soutenir à gagner des droits va nous en faire gagner à nous aussi. On a déjà entendu cette théorie quelque part, ça s’appelle la théorie du ruissellement (et c’est un mensonge)

En ce moment, l’Etat français accentue sa politique de criminalisation et de déshumanisation des populations non blanches, en renforçant son contrôle et ses mesures de maintien de l’ordre des quartiers dits désormais « sous reconquête républicaine », de fichage, d’incarcération (en prison et en centre de rétention administrative) et d’expulsion du territoire française. Et les populations musulmanes et leurs associations sont expressément menacées de représailles si ces dernières « ne se confortent pas aux valeurs républicaines », impliquant en premier lieu de ne parler ni d’islam ni d’islamophobie. Toutes ces mesures politiques représentent de graves atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux et constituent autant de violences politiques, policières et judiciaires, mais vous ne voulez TOUJOURS pas les considérer comme telles !! Et cela, parce que , tout comme le gouvernement, vous pensez au fond qu’il faut sévir et encadrer les populations non blanches considérées comme déjà ou potentiellement déviantes et dangereuses pour la France et son unité. Et finalement, il est bien pratique pour vous, la gauche blanche, de laisser s’empirer la situation, pour venir ensuite la déplorer et ainsi vous distinguer comme « La Gauche sauveuse et humaine » qui trouve que « ça va trop loin » et qu’il faut donc élire, nous tenant au chantage « Sans nous, vous êtes seul-e-s et ça va être pire ! ».

Mais nous ne rentrerons pas dans ce jeu, et nous vous le re-demandons, en quoi, concrètement, mériteriez-vous qu’on vous reconnaisse comme « la gauche progressiste adversaire de l’extrême-droite » alors que vous n’avez RIEN en termes de projet antiraciste, ni en termes de garanties pour les populations non-blanches, et que vos sympathisant-e-s tiennent très souvent des discours dignes du FN/RN en appelant la police à laisser les gens du centre-ville tranquilles et à aller plutôt « casser du voyou en banlieue », ou en déclarant qu’effectivement il existe des « valeurs incompatibles entre certaines cultures » (ce qui est une théorie tout droit venue de l’extrême-droite) sans que vous vous en alarmiez et sans que vous ne prévoyiez quoi que ce soit pour y remédier ? Alors que vous ne faites RIEN pour lutter contre le racisme, et RIEN actuellement pour mettre fin aux attaques islamophobe du gouvernement ? Doit-on vous croire sur parole ? Les promesses dans le vide n’engagent que celles et ceux qui y croient, et si dès à présent vous ne faites RIEN, il y a peu de probabilités que vous fassiez quoi que ce soit plus tard.
La gauche blanche française, vous n’êtes qu’une enveloppe vide pétrie d’illusions et de grands discours vides, qui n’offrez aucun espoir pour l’avenir, car vous refusez de regarder les choses en face ! L’heure est grave, il faut sortir des schémas répétitifs et des grandes déclarations vides, il faut un vrai projet de société basé sur la tolérance, la liberté et l’égalité ! Il faut vous mettre au travail, de concert avec toutes les minorités, pour construire la société de demain, et non pas comme vous le faites, rester sur vos acquis en attendant qu’un sauveur arrive à la présidentielle !

Cessez de vous bercer dans vos illusions de grandeur morale passée qui va de soit, vous n’êtes plus des enfants à qui il faut raconter des histoires rassurantes en leur offrant une vision du monde bien binaire et bien manichéenne dans laquelle vous êtes les gentil-le-s et vous combattez les méchant-e-s! La gauche blanche doit être plus qu’une garderie pour blanc-he-s en mal de reconnaissance de leur supériorité morale ! Secouez vos rangs et allez secouer vos candidats, être de gauche dans la France actuelle demande un effort constant quand on est matraqué-e-s H24 d’idées de droite. Si vous ne voulez pas fournir cet effort, vous n’avez rien à faire à gauche.

Nous sommes là, et vous ne ferez pas société sans nous : le passé esclavagiste, colonial et sanglant de la France ne peut être changé. Mais le futur dépend de vos choix. Responsabilisez-vous et réagissez !