La Grande Ourse, c’est un squat multiple, une nébuleuse de collectifs, qui agissent depuis plus de deux ans à Angers. Dans un premier bâtiment, expulsé à l’été 2019, elle avait pu développer un service d’hébergement d’urgence auto-géré, un espace d’organisation politique et culturel. Renaît de ses cendres il y a bientôt un an, elle ré-émerge dans un bâtiment de 2500m² en plein centre-ville, dans un format élargi. C’est le départ d’une expérimentation sociale, politique et culturelle qui a marqué les derniers mois.
Hébergeant une quarantaine de personnes et soutenant beaucoup d’autres dans différents lieux de vie sur Angers, elle a alerté sur le droit au logement, réalisé des permanences administratives d’accès au droit, permis à des personnes de stabiliser leur situation, d’accéder à la scolarité, aux soins, à la dignité ; elle a réalisé en complicité avec le RAARE, lors du premier confinement, des distributions alimentaires massives, et maintient encore aujourd’hui l’ouverture de sa freepicerie pour l’accès à une alimentation locale et respectueuse du Vivant ainsi qu’à des produits de première nécessité.
Visant l’autonomie matérielle et politique, elle a favorisé l’émergence d’un réseau de ravitaillement et d’agriculture auto-gérée et solidaire (le RAARE), un garage autonome (le GAAS), une auto-école auto-gérée, un bar associatif, une médiathèque et une salle de sport, des ateliers gérés par et pour des précaires.
Se refusant à s’abandonner à un monde dont la toxicité interne ne commence à peine qu’à révéler l’étendu des dégâts qu’elle nous prépare, elle a permis à des groupes et collectifs de luttes sociaux, écologistes, gilets jaunes ou syndicaux à s’y organiser.
Face aux perspectives les plus sombres qui nous étranglent, elle a mis un point d’honneur à raconter des récits, à vivre des fêtes, à faire se rencontrer précaires, militant-e-s, français-e-s ou étranger-e-s, travailleur-euse-s et étudiant-e-s, monde associatif et autonomie politique autour d’un concert, d’une bière, d’un débat ou d’une projection.

Aujourd’hui, face à une décision de justice d’une extraordinaire dureté, la Grande Ourse est expulsable sans délai. Le commandement de quitter les lieux, assorti de la décision de justice, nous sont parvenus hier matin. Nous sommes sommés de quitter les lieux avant vendredi 30 octobre, sans délai, la veille du weekend du début la trêve hivernale, en plein chaos sanitaire. La décision de justice se fait le juste diapason de l’atmosphère globale : cauchemardesque.
Le juge a qualifié la voie de fait. Malgré des jurisprudences claires qui rappellent qu’une voie de fait, c’est un acte de violence ou d’effraction commise pour entrer dans les lieux, malgré cela elle a été retenue. Et tous les délais, dont ceux liés à la trêve hivernal ou à la crise du COVID nous ont été retiré, simplement parce que nous n’avions pas demandé au propriétaire de pouvoir investir son bâtiment, vide depuis plusieurs années.
Le choc est frontal. La guerre est au moins nationale. Des expulsions de squat, ZAD, ou campements, plus ou moins légales, ont lieu partout en France : campements et squats à Angers, à Toulouse, à Lille et à Caen, La Commune et l’Ambassade à Nantes, Le village du peuple à Donges, la ZAD de Roybon, Le Collège Sans Frontières Maurice Scève à Lyon… et la liste continue à s’allonger chaque jour. Sur le plan législatif, la loi ASAP a été adoptée ; elle vise entre autre à faciliter les expulsions immédiates de squat – sans pour autant, à aucune moment, évoquer le destin des populations qui ne trouve plus que dans les squats un espace pour éviter la rue. Les budgets sont fermés, et ne sont pas prêts de s’ouvrir, l’État est défaillant, et il va le rester, mais il semble que la guerre contre les squats prime, est s’ouvre sur une séquence plus violente que jamais – sur fonds de dégradation économique et sociale majeure en cours ; et avec des possibilités très limitées de protester – merci au couvre-feu et à l’imminent confinement Vol. 2. Nous vivons précisément ce que peut avoir d’autoritaire l’État d’Urgence sanitaire.

C’est donc absolument maintenant que nous appelons à nous organiser à la hauteur de la menace qui pèse sur nous, sur la Grande Ourse, sur le mouvement squat, sur le mouvement social, sur le droit au logement et à l’hébergement ; à la hauteur des heures sombres dans lesquels nous entrons, sur un plan, bien au-delà du sanitaire, économique, social et écologique.

Pour cela nous appelons :
– A nous faire part de vos solutions si jamais vous pouvez héberger des personnes en prévisions de l’expulsion,
– A nous rejoindre massivement, le samedi 31 octobre, dès 16h sur l’Esplanade du Coeur de Maine à Angers pour une manifestation pour le droit au logement, contre l’expulsion de la Grande Ourse et contre la menace nationale vis-à-vis des squats,
– A nous rejoindre à la Grande Ourse toutes les après-midi pour préparer les mobilisations et l’expulsion qui peut advenir dès vendredi 30 ou samedi 31 (un petit sleeping existe, envoyez un mail ou mp en amont en indiquant votre nombre et ville d’origine pour qu’on puisse s’organsier),
– A diffuser largement notre appel, et à manifester votre soutien en graff, banderoles, vidéos, ou toute forme d’intervention dans l’espace urbain, à Angers ou ailleurs (envoie un mp),
– A nous envoyer vos contacts téléphonique et ou mail par mail à assemblee.logement[at]protonmail.com afin d’être tenu au courant si l’expulsion est mise en œuvre.

SQUAT PARTOUT