Nous évoquions il y a deux jours, dans un article, le recrutement au sein du lycée présidé par Tiphaine Auzière, la belle fille de Macron, d’un professeur néo-nazi. Le lycée privé « autrement » implanté dans le 16e arrondissement de Paris, qui facture l’année à 9500€, comporte parmi ses enseignants, un vieux routard de l’extrême droite radicale : Pascal Gauchon. L’information avait était également parue dans Le Figaro, qui s’était bien gardé de préciser l’orientation politique de ce professeur, et Le Canard Enchainé, qui l’avait soulignée.

Notre article avait été partagé plusieurs milliers de fois. Mais Facebook a imposé, sur l’article, un encadré mentionnant : « Manque de contexte ». Comme s’il s’agissait d’une « fake news ». Les milliers de personnes qui ont partagé l’article ont reçu ce message sur leur compte.

Première surprise, lorsqu’on clique sur le lien sensé « vérifier » l’info, l’article est « réservés aux abonnés ». Empêchant donc la plupart des gens d’accéder à l’article.

Deuxième surprise, l’article du Monde ne contredit pas notre publication. Alors que Facebook indique que « ces informations pourraient induire des personnes en erreur », l’article du Monde ne fait que confirmer que le professeur néo-nazi est bien sur l’organigramme de l’établissement, mais qu’il va « enseigner en prépa ». Et alors ? L’article ose même dire que le lycée n’a « rien à voir avec la prépa du même nom lancée au même moment, qui partage les mêmes locaux, certains professeurs et une partie de la direction ». Paul Bismuth n’a rien à voir avec Nicolas Sarkozy, même s’il partage le même avocat, le même numéro de téléphone, les mêmes affaires et la même enveloppe corporelle. Le « nous n’avons aucun lien juridique », ajoute la fille de Brigitte Macron.

Plus grave, cette mode du « fact checking » est un pur produit des médias dominants. Les informations « checkées » sont toujours celles venant de médias indépendants, de réseaux sociaux ou de personnes isolées. Ces informations sont uniquement traitées, interrogées, sur le mode de la suspicion permanente . Et la parole dominante, celle de la police, des politiciens, des instituions, uniquement traitée sous forme de vérités qu’il faudrait prendre pour argent comptant. Pourtant, les mensonges éhontés de la classe politique ou des autorités policières, innombrables, s’étalent chaque jour dans les médias, quasiment toujours sans vérification.

Juste après l’attaque de la fête de la musique par la police à Nantes, et alors que les images et les témoignages que nous avions recueillies tournaient massivement, un média de « fact checking » écrivait « Des personnes sont-elles tombées dans la Loire lors de l’intervention de la police le 21 juin ? » Pas un mot sur la personne disparue. Et toujours cette formulation agaçante sous forme de question. Alors que le titre aurait du faire la « une » de tous les journaux sous forme affirmative : « Des personnes tombées dans la Loire lors d’une charge policière ». Tourner toutes les sources indépendantes et toutes les infos non officielles sous forme de question est en soit un choix journalistique.

Le même média de « fact checking » publiait aussi : « La France est-elle un des seuls pays européens à utiliser le LBD ? » avec un article truffé d’erreurs. Il y a eu aussi « Des personnes ont-elles été arrêtées à Nantes vendredi pour la confection d’une banderole ? », la réponse étant : oui, et ce scandale aurait mérité mieux qu’une question. Ou encore après une manif réprimée « cette photo d’un policier qui semble étrangler un homme a-t-elle été prise à Nantes ce week-end ? » : notez l’art de l’euphémisme, écœurant. Alors même que des photos, des vidéos et des témoignages prouvaient déjà la strangulation jusqu’à l’évanouissement d’un manifestant par un agent de la BAC. Encore une fois, cette info aurait du être affirmée, et mise en lumière. Plus récemment, des médias de « fact checking » ont mis plusieurs jours à « vérifier » une agression raciste à Paris, alors que l’info aurait du être traitée proprement et rapidement. Ici encore, la parole des dominés est forcément traitée avec suspicion, mise en doute, et relativisée.

Pour finir, n’oublions pas que Le Monde qui remet en cause notre article est possédé par deux milliardaires, Xavier Niel et Mathieu Pigasse, et largement subventionné par l’Etat. Prétendre qu’il s’agit d’un « média de vérification indépendant » est simplement faux. Et recouvrir un article avec, disant qu’il « manque de contexte » est proche de la tromperie.

Dans le climat d’avalanche de mensonges racistes, sécuritaires et de diffamations, ces « vérificateurs » préfèrent mettre en doute quelques phrases pouvant offenser la belle fille du président ou les autorités. C’est un choix. Et il est bien éloigné de la recherche désintéressée de la vérité.