Les luttes de classe en temps de pandémie

L’année 2019 a été une année de mouvement de classe mondial d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis des décennies, peut-être depuis la vague des luttes révolutionnaires des années 60 et 70. La normalité capitaliste du business as usual a été profondément ébranlée par une myriade de manifestations, de grèves, d’émeutes et même, dans certains endroits, de mutineries dans les forces armées et la police. Des centaines de milliers de prolétaires en colère sont descendus dans les rues du Chili, de la France, du Liban, de l’Irak, d’Haïti, de Hong-Kong, de l’Iran, de l’Inde, de la Colombie et de bien d’autres endroits… Pour de nombreux militants communistes, ces mouvements représentaient une bouffée d’air frais. Sur cette lancée, nous observions les émeutes à Sao Paulo, à Recife, à Rio ou encore l’occupation du métro à New York ou les protestations contre les entreprises polluantes à Wenlou dans le delta de la rivière des Perles dans l’espoir que ce sont là les signes que la révolte prolétarienne se propage telle une trainée de poudre et commence à engloutir ces immenses centres d’accumulation du Capital. Le Nouvel An arriva et le mouvement ne montra aucun signe de perte d’énergie. Au contraire, de nouvelles éruptions apparaissaient presque chaque semaine dans une autre ville, une autre région, un autre pays… Et puis, trois mois après le début de l’année 2020, tout s’est arrêté brusquement. Du moins en apparence.

Nous ne prétendons pas, comme certains le font, que la pandémie de Covid-19 est en soi un canular ou une propagande de l’État, fabriqués dans le but d’écraser et de faire taire le mouvement de classe et de reconstituer la « paix sociale » et le front uni interclasse contre « l’ennemi commun ». Mais en pratique, cela a produit exactement les mêmes effets. Alors que la pandémie de Covid-19 se propage dans le monde entier, les mesures répressives de l’État contre le prolétariat se multiplient : couvre-feux massifs, interdiction des rassemblements, piratage des Smart Phones afin de « tracer le virus », mise à jour des logiciels de reconnaissance faciale derrière les caméras de surveillance omniprésentes pour reconnaître le visage des personnes portant un masque médical, fermeture des frontières, etc. À cela s’ajoute un récit idéologique bourgeois de lutte pour le bien commun, de besoin de rester calme et patient, tandis que « nos héros nationaux » en première ligne mènent une bataille contre « l’ennemi invisible ». Et ne vous y trompez pas, dit le récit, ces héros ne sont pas seulement des médecins et des infirmières traitant les patients du Covid-19, mais ce sont aussi des flics qui nous protègent « pour notre propre bien », des « philanthropes » comme Bill Gates ou Elon Musk avec leurs solutions visionnaires pour nous sauver tous (tout en gagnant « un peu » d’argent en cours de route) ou des journalistes qui apportent les nouvelles analyses et les rapports sur le nombre de morts aux masses confinées.

Nous ne pouvons pas non plus affirmer avec certitude que le Covid-19 a été délibérément créé en laboratoire comme une arme, bien qu’il existe une longue histoire du complexe militaro-scientifique de l’État capitaliste faisant précisément cela : des expériences sur la syphilis à Tuskegee, en passant par l’apparition du virus de Marburg dans un laboratoire de virologie en Allemagne à l’époque de la « guerre froide », jusqu’au développement du bacille de la peste bubonique porté par des ogives en Union soviétique, et sans même parler outre mesure du fameux Institut de virologie de Wuhan (et son laboratoire P4) qui a tant alimenté l’imagination fertile de certains milieux conspirationnistes et dont l’une des spécialisations est précisément la recherche sur les… coronavirus, il est clair que les maladies infectieuses ont leur place dans l’arsenal meurtrier du Capital. Le Covid-19 provient très probablement d’un des animaux sauvages vendus sur un marché alimentaire et a muté en une souche transmissible à l’homme. Mais quelle que soit son origine, ce qui crée les conditions de propagation des infections, c’est la nature même de la société capitaliste – concentrée autour de centres urbains densément peuplés, de pôles d’accumulation du Capital et de liens commerciaux entre eux servant à la circulation des ressources, des marchandises et des travailleurs, y compris les futurs travailleurs (étudiants) et les travailleurs dans un processus de reproduction de leur force de travail (touristes).

Comme l’accumulation du Capital représente aussi inévitablement l’accumulation de la misère, chacune de ces agglomérations contient des quartiers surpeuplés, des véhicules de transport public, des usines et des bureaux où la logique de production rend impossible de se protéger, un système de santé qui n’est conçu que dans le but de « réparer rapidement les travailleurs », etc. Bien entendu, grâce aux moyens de transport modernes, nous sommes tous appelés à voyager plus loin, plus vite et en plus grand nombre qu’auparavant. Et comme le montre la situation au Brésil, même les bourgeois peuvent propager le virus avec leurs voyages d’affaires ou de loisirs. Oui, tout le monde peut potentiellement attraper le virus, c’est un grain de vérité dans une fable propagandiste bourgeoise, cette fable qui prétend que : « Nous sommes tous dans le même bateau ». Lorsque ces salauds de milliardaires transmettront le virus à leur nounou ou à Bolsonaro lui-même lors d’une réunion publique, ce seront une fois de plus les quartiers prolétariens qu’il décimera.

Bien sûr, c’est le prolétaire qui se voit à nouveau offrir le « choix » libre et démocratique de tomber malade avec le Covid-19, de souffrir de la faim et de se retrouver sans abri ou d’être brutalisé par les forces répressives ou tout ce qui précède. Mais cette fois, l’imposition de cette terreur ne se fait pas sans heurts pour le Capital et son État. La pandémie et le confinement qui en a découlé ont d’abord eu un énorme effet pacificateur sur le mouvement prolétarien enragé, mais en même temps, ils ont clairement mis en évidence l’inhumanité inhérente à cette société basée uniquement sur le fait de générer du profit à tout prix et aux dépends de l’humain. Nous sommes censés croire que les mesures imposées par l’État sont destinées à nous protéger. Nous sommes des hooligans irresponsables, lorsque nous descendons dans la rue pour nous opposer à l’ordre public, lorsque nous nous réunissons pour discuter et nous organiser ou lorsque nous pillons des supermarchés ; mais lorsque nous nous rendons au travail dans un bus rempli de personnes qui toussent ou lorsque nous sommes assis côte à côte sur un tapis roulant ou à un bureau, nous sommes en quelque sorte vaccinés par la plus-value que nous produisons. La réalité est simple : il a toujours été dans l’intérêt du Capital de nous rendre « socialement distants » afin de paralyser notre capacité à nous organiser pour la lutte des classes, mais pas lorsqu’il a besoin de nous pour produire des marchandises, et/ou pour reproduire la paix sociale et donc le rapport social capitaliste, par le biais de la coopération qui n’est ici qu’une médiation. Confronté à cette tromperie, il n’a pas fallu longtemps pour que la propagande du confinement commence à s’effriter et que la résistance de classe recommence à entrer en éruption.

En Italie, cela a commencé par des mutineries dans les prisons de tout le pays lorsque les visites ont été interdites. Dans le même temps, aucun moyen de protection contre la maladie n’avait été fourni aux prisonniers. De violents affrontements avec les gardiens et les flics ont eu lieu dans vingt-sept prisons, celle de Modène ayant été pratiquement détruite. Les gardiens ont été pris en otage et certains prisonniers ont réussi à s’échapper. Au moins sept prisonniers ont été assassinés. La propagande de l’État prétendra plus tard, sans vergogne, que leur mort était due à une overdose de drogue.

Peu après, une vague de grèves sauvages a balayé le pays, lorsque les travailleurs de nombreuses entreprises industrielles, dont FIAT et Arcelor Mittal (ex-Ilva), ont exigé et, dans de nombreux cas, imposé avec succès la fermeture immédiate des usines. Des grèves dans les supermarchés et des grèves des livreurs de denrées alimentaires ont suivi, exigeant des équipements de protection et des mesures sanitaires. Les syndicats se sont tout d’abord ouvertement opposés à ces grèves parce qu’elles sapent l’économie, pour ensuite donner pathétiquement à certaines d’entre elles « leur bénédiction » lorsque la lutte était terminée. Pendant ce temps, dans le sud de l’Italie, moins touché par l’infection proprement dite, mais où les miettes en période de couvre-feu sont encore plus réduites et où la distribution de nourriture chancèle, les confrontations occasionnelles avec les flics et les pillages de supermarchés menacent de se transformer en « émeutes de la faim ». Mais cela ne s’est pas limité à l’Italie.

Partout dans le monde, les prisonniers sont parmi les plus durement touchés par cette double réalité inhumaine de la maladie mortelle et des mesures répressives de l’État, en raison des conditions de surpopulation et d’isolement à l’intérieur des prisons. Quoi qu’ils aient fait pour être embastillés, et peu importe qui ils sont, les prisonniers sont avant tout des prolétaires persécutés par la société capitaliste pour avoir manqué de respect, pour certains d’entre eux, envers son fétiche le plus sacré (la propriété privée !), alors que la majorité des autres sont cyniquement enfermés pour avoir passé outre le processus classique et légal d’appropriation des marchandises convoitées. Globalement parlant, ils sont au trou pour avoir brisé le monopole de la violence usurpé par l’État, après avoir été poussés dans un bain de sang fratricide par les contradictions sociales et l’aliénation qui sont inséparables du modus operandi capitaliste : « la propriété c’est le vol » et vice et versa. Ils ont été parmi les premiers à se soulever contre les nouvelles mesures de contrôle social, contre le renforcement de l’atomisation et de la déshumanisation et contre la séparation d’avec leurs proches. Contre le taux extraordinairement élevé de mortalité du Covid-19 dû à un environnement dégoûtant et malsain où ils sont contraints de vivre. Malgré l’horrible violence de l’État et le peu de solidarité organisée depuis l’extérieur, partout dans le monde, ils ont été parmi les premiers à briser la « paix sociale » imposée par le confinement et à lutter contre les gardiens et les unités spéciales de la police, à brûler les prisons, à essayer de s’échapper et de rejoindre les camarades à l’extérieur. Ce fut également le cas en Colombie, au Venezuela, en France, en Argentine, aux États-Unis, au Brésil, au Liban, en Russie, en Iran… En ce sens, ils ont représenté par leur pratique sociale (à un moment déterminé et dans des circonstances particulières) une étincelle du mouvement de classe actuel et à venir ; ils ont été l’incarnation de la force agissante de notre classe, ce que notre classe est appelée à faire pour sa libération. Ils ont ouvert une brèche dans le rideau anesthésiant de la propagande de « santé publique » et ils ont montré au reste de la classe la réalité nue à laquelle nous sommes confrontés et comment lutter contre elle.

Et une vague de grèves sauvages, d’émeutes et de pillages réapparaît sur tous les continents – en France, au Cameroun, aux États-Unis, en Indonésie, au Kenya, en Colombie, au Liban, au Venezuela, au Chili, en Inde, en Russie, en Belgique, en Turquie, en Iran, au Sénégal… pour n’en citer que quelques-uns. Bien que le mouvement soit encore beaucoup plus faible et sporadique qu’avant la pandémie, en raison de la répression, d’un contrôle social plus sophistiqué ou de la peur de contracter la maladie, les contradictions sociales qui ont donné naissance à la dernière vague sont toujours présentes et vouées à être encore plus extrêmes dans les mois à venir.

Au Liban comme ailleurs dans le monde, la colère du prolétariat bouillonne à la faveur des mesures de confinement depuis le mois de mars pour finalement déborder sous forme d’un soulèvement dans la prison de Qoubbeh à Tripoli le 8 avril dernier. Peu après, les rues de nombreuses villes du pays se sont à nouveau remplies de manifestants en colère. Cette fois-ci, les énormes manifestations, mais largement pacifistes, qui constituaient une grande partie du mouvement de 2019, sont remplacées par des affrontements plus petits, mais déterminés et violents. Le courant prolétarien militant, qui a toujours été présent dans le mouvement, a refait surface et il choisit à nouveau les cibles appartenant à notre ennemi de classe – des banques sont incendiées ainsi que des postes de police, des postes de contrôle et des véhicules militaires, des supermarchés sont pillés, etc.

Notons au passage un élément important : que le prolétariat, dans sa lutte contre l’exploitation et plus particulièrement dans sa lutte contre l’augmentation du taux d’exploitation, prenne pour cible par l’action directe les banques et les institutions financières du capitalisme national et international, c’une chose fondamentale que nous soutenons. Maintenant, que des structures militantes développent toute une théorie qui en arrive à personnifier le Capital à travers la figure ignoble de la banque et du capital financier, et à enfourcher dès lors le cheval de bataille de la dénonciation de la « bancarisation », de « l’oligarchie financière » et de « la ploutocratie », c’est encore une autre chose et nous ne pouvons pas les suivre sur ce terrain dangereux dont la conséquence est de détourner le prolétariat de sa lutte contre les fondements mêmes de la société capitaliste et in fine de nier notre critique communiste de la totalité de l’existant. Indéniablement, le prolétariat est l’ennemi irréconciliable de l’argent, mais celui-ci n’est jamais qu’une forme abstraite exprimant la valeur d’échange et ne peut en aucune manière être confondu à l’essence même du Capital et ses rapports sociaux…

Mais revenons au développement des luttes de notre classe en temps de pandémie. Au moment de la rédaction de ce texte, le meurtre de George Floyd par des flics à Minneapolis s’est avéré être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et les manifestations massives contre la violence et la misère de l’État se répandent à travers les États-Unis, avec des émeutes quotidiennes, des attaques contre les postes de police, les médias bourgeois, des pillages de marchandises, des blocages d’autoroutes, etc. et ont obligé Donald Trump à se cacher dans un bunker. Avec des années de colère accumulée et la réalité d’une misère écrasante, l’attitude cynique du gouvernement face à la gestion de la pandémie de Covid-19 et les 40 millions de chômeurs, il ne semble pas y avoir d’apaisement à l’horizon.

Pour comprendre ce que cette pandémie et le couvre-feu qui y est associé signifient pour les conditions sociales et économiques de cette société et pourquoi elle constitue potentiellement un point de non-retour, nous devons examiner de plus près le business as usual capitaliste.

Pour réaliser des profits, un capitaliste doit vendre ses marchandises sur le marché, marchandises qui réalisent ainsi leur valeur, la valeur qui s’y cristallise durant le processus de production. Comme il est constamment en concurrence avec d’autres capitalistes, il doit essayer de vendre ses marchandises moins chères que la concurrence. Pour maintenir leur taux de profit, ils doivent constamment faire baisser le coût unitaire de production de la marchandise. Cela peut se faire en réduisant le coût de la main-d’œuvre (le bien nommé « capital variable »), par exemple en diminuant le salaire horaire des travailleurs. Cependant, le salaire d’un travailleur ne peut être réduit sous le niveau minimal nécessaire pour lui permettre de survivre physiquement et de reproduire sa force de travail. Le seul autre choix pour le capitaliste est d’essayer d’augmenter la productivité du travailleur, de lui faire produire plus de marchandises dans le même laps de temps, bref d’augmenter le taux de « travail gratuit » fourni par celui-ci. De cette façon, un capitaliste peut payer moins de travailleurs pour produire la même quantité de marchandises. La quantité de travail qu’un seul travailleur peut effectuer pendant une période donnée ne peut pas non plus augmenter indéfiniment, mais elle est déterminée par les limites physiologiques du corps humain.

Un capitaliste peut surmonter ce problème grâce à l’automatisation – en remplaçant autant de travail humain que possible par des machines. Le travailleur devient alors de plus en plus un simple appendice de la machine, chargeant les ressources et déchargeant les produits finis, contrôlant leur qualité, réparant et entretenant la machine, etc. pendant que la machine crache les produits l’un après l’autre, de manière autonome. Cela permet à ce capitaliste individuel de faire baisser le prix unitaire de production d’une marchandise et, en vendant plus d’unités de cette marchandise à un prix inférieur, de conquérir une plus grande partie du marché que ses concurrents.

Ce capitaliste perd cet avantage, cependant, au moment où ses concurrents introduisent les mêmes innovations technologiques et où le prix inférieur d’une marchandise devient la nouvelle moyenne. La seule façon logique pour lui d’aller de l’avant est alors de répéter tout le cycle. Le problème est qu’en se débarrassant des travailleurs et en les remplaçant par des machines, ce capitaliste a réduit le rapport entre le travail vivant (qui est le seul qui puisse être exploité pour générer de la plus-value et donc du profit – c.-à-d. les travailleurs) et le travail mort (qui au contraire nécessite des investissements pour le faire fonctionner – c.-à-d. les machines). Comme toutes les fractions du Capital suivent la même logique, à un moment donné, le taux moyen de profit (dans une région donnée ou globalement) tombe en dessous du niveau nécessaire aux investissements pour relancer ce cycle. La dernière option, pour tenter de retarder une crise inévitable, consiste à prendre un crédit, qui n’est jamais qu’une expression monétaire des profits promis sur l’avenir.

Cela nous ramène à la réalité de la pandémie, du confinement mondial et à la prise de conscience de nombreuses fractions bourgeoises (et de leurs créanciers), qu’aucun profit futur ne les attend. Non seulement la plupart d’entre eux n’ont pas pu produire leurs marchandises, mais avec les nombreux travailleurs (qui sont aussi les principaux consommateurs des marchandises dans le capitalisme) qui perdent leur emploi maintenant ou dans un avenir proche et avec l’aggravation de la misère générale, il n’y aura personne pour les acheter. Les faillites de nombreuses entreprises surgissent comme des champignons après la pluie et bientôt les banques et les compagnies d’assurance suivront. Alors que la majeure partie du monde est soit toujours soumise à un couvre-feu au moins partiel, soit elle essaye de s’en remettre au milieu d’une réalité faite de commerces aux rideaux définitivement baissés, la vache sacrée de l’économie est atteinte de la fièvre aphteuse.

La bourgeoisie mondiale commence à se diviser en deux alliances idéologiques, en fonction de leurs intérêts économiques et stratégiques. La première alliance est soit capable de gratter davantage de profits de la situation de confinement, soit elle dispose d’économies qui lui permettent de reporter temporairement ces profits et de parier sur de « nouvelles » stratégies de contrôle social pour maintenir le prolétariat à l’écart de la rue et en toute sécurité sous la domination idéologique de la bourgeoisie. Cette alliance est alignée sur les secteurs qui peuvent faire travailler leurs travailleurs à domicile sur Internet, qui fournissent les biens et les services aux consommateurs piégés à la maison ou qui fournissent des services médicaux et pharmaceutiques.

Bien entendu, le complexe militaro-industriel entre également dans cette catégorie. Non seulement les dépenses militaires ne diminuent pas pendant la pandémie, mais au contraire, de nombreuses fractions nationales de l’État mondial investissent massivement tant dans leur capacité de contrôle social (militarisation accrue de la police et des gardes-frontières, nouveaux logiciels d’espionnage, etc.) que dans leur capacité meurtrière (avions de combat, tanks, missiles, etc.) Il est clair qu’il s’agit là d’une préparation à la répression de la lutte des classes à venir ou à une tentative de la détourner et de transformer ses participants en chair à canon dans une nouvelle guerre capitaliste. Avec la concurrence toujours présente entre les États-Unis, la Chine et la Russie ainsi qu’avec de nombreuses petites puissances, le risque de la guerre inter-bourgeoise mondiale augmente chaque jour. D’autant plus que la bourgeoisie de ces pays la trouvera plus attrayante comme moyen de canaliser la colère du prolétariat chez elle.

Quant à la seconde alliance, elle a été beaucoup plus affectée, ses profits sont en chute libre et elle veut redémarrer l’activité immédiatement, même au prix de quelques millions de travailleurs morts. Quoi qu’il en soit, on attend du prolétariat qu’il fasse des sacrifices pour le « bien commun » – par exemple pour soutenir la pérennité de la société capitaliste de misère, d’exploitation, d’aliénation et d’oppression.

La pandémie de Covid-19 a fait voler en éclats la mascarade bourgeoise et a mis à jour la profonde crise structurelle du capitalisme. Nous pouvons déjà voir le chômage monter en flèche alors que des millions de travailleurs sont licenciés aux États-Unis, en Europe, en Russie, au Brésil, en Inde, etc. et nous pouvons nous attendre à ce que cette tendance se poursuive dans les mois à venir. La réaction du prolétariat semble inévitable et ce n’est qu’une question de temps.

Mais notre ennemi de classe ne va pas attendre les bras croisés. La violence et la terreur d’État vont s’intensifier ainsi que l’utilisation croissante des technologies numériques et de l’intelligence artificielle (IA) pour contrôler la force de travail et réprimer toute expression de résistance prolétarienne. De même que nos foyers feront partie de notre lieu de travail à une échelle beaucoup plus grande que jamais, nos exploiteurs et leur État développeront d’autres moyens (techniques, sociaux, législatifs, etc.) pour nous espionner, pour nous contrôler même à la maison. Parallèlement à cela, l’idéologie de la « nouvelle révolution technique » et de « l’Industrie 4.0 » se développe, qui tente de nous convaincre que nous devrions soutenir et adopter le développement de l’IA, de l’automatisation et du progrès capitaliste en général, car « cela nous facilitera la tâche à tous ». Même si ces robots sont destinés à accélérer notre élimination en tant que force de travail et à ne nous laisser aucun moyen de subvenir à nos besoins. Cette tendance crée inévitablement une réaction de notre classe, qui se matérialise en un mouvement « luddite moderne ou numérique » s’opposant à l’automatisation et à l’adoption de l’IA dans un contexte de résistance au progrès capitaliste. Malheureusement, ce mouvement est souvent coopté par la social-démocratie primitiviste qui, au lieu d’exproprier les moyens de production numériques et de les réorienter vers les besoins de la lutte prolétarienne, pousse à un rejet vulgaire de la technologie et laisse à notre seul ennemi de classe le soin de s’en servir comme d’une arme contre nous.

Comme d’habitude, nous pouvons nous attendre à toute une série de techniques de pacification utilisées par toutes les variantes (« socialiste », « communiste », « anarchiste », syndicaliste, de gauche, de droite, ethnique) de la social-démocratie – qui n’est jamais que l’organisation bourgeoise pour les travailleurs. Certaines de ces techniques ont été souvent utilisées par le passé pour affaiblir et diviser les mouvements prolétariens, pour nous effrayer, nous coopter, nous séparer, nous isoler, nous désorganiser ; elles feront appel à notre « bon sens », nous menaceront de chômage, nous dresseront les uns contre les autres sur la base de critères nationaux, raciaux, de genre, religieux, politiques, etc. ; elles nous promettront des miettes de pain et nous inviteront à participer à l’organisation de notre propre exploitation. Nous pouvons le voir clairement, par exemple, dans l’approche pacifiste et qui est source de divisions des militants professionnels du mouvement Black Lives Matter, qui cooptent le mouvement contre la violence d’État aux États-Unis. La fraction bourgeoise « verte » – dirigée par des groupes comme « Extinction Rébellion » (qui devrait être plus correctement renommé « Extinction de la Rébellion ») et soutenue par les investisseurs des grandes compagnies du secteur de l’énergie – deviendra plus active et essaiera agressivement de nous vendre un programme de « choix écologiques individuels » et de « soutien aux alternatives durables » comme fausse solution à la catastrophe capitaliste. Enfin et surtout, il y a toujours la possibilité d’une seconde vague de la pandémie ; et de nombreuses autres pandémies à l’avenir, car une exploitation plus poussée de la nature permettra de mettre au jour de nouveaux agents pathogènes comme par exemple l’anthrax et d’autres « virus géants » qui devrait remonter à la surface terrestre lorsque les sols gelés profonds du permafrost où ils se trouvent enfermés depuis des siècles et des millénaires se mettront à fondre suite au réchauffement climatique. Mais cette fois, la bourgeoisie mondiale – armée de nouvelles connaissances scientifiques et de nouveaux vaccins, de forces répressives nouvellement équipées et de nouvelles méthodes de cooptation sociale – sera prête à s’en servir efficacement et sélectivement comme d’une arme contre le mouvement de notre classe.

Alors, que signifie cette nouvelle normalité du statu quo capitaliste pour nous, communistes, et pour le mouvement prolétarien dans son ensemble ? Comment lutter contre l’inhumanité du Capital et de son État et pour une communauté humaine mondiale tout en nous protégeant nous-mêmes et nos camarades de la maladie mortelle ? Il s’avère que le mouvement est déjà capable de saisir organiquement cette question et, en pratique, d’apporter des solutions par l’auto-organisation de classe. La protection contre le Covid-19 est produite par le mouvement prolétarien lui-même, tout comme les autres moyens nécessaires pour soutenir la lutte (nourriture, médicaments, armes, abris, etc.) ont toujours été produits par les mouvements prolétariens passés. Les médecins et les infirmières en grève ou impliqués d’une autre manière dans la lutte fournissent les masques et les produits de désinfection, les écrans faciaux sont imprimés en 3D et distribués, ainsi que la nourriture et le matériel médical pillés dans les supermarchés – aux États-Unis, au Liban, en France… Nous devons souligner qu’il est nécessaire de capter et de développer cette énergie afin de l’élargir pour contrer tous les moyens meurtriers que le Capital libère contre notre mouvement, en plus des maladies – armes, chars, produits chimiques, espionnage, arrestations et isolement, famine, propagande…

Il est de plus en plus clair que tout cet épisode du couvre-feu n’a été qu’une interruption temporaire de l’activité de notre classe, qu’au lieu de l’étouffer, il a plutôt servi de cocotte-minute et a dépouillé toute la prétention de la société bourgeoise, pour mettre à nu les contradictions capitalistes. Aujourd’hui, nous nous trouvons à nouveau à la croisée des chemins de l’histoire. La fin de cette pandémie est peut-être proche, mais la pandémie de la catastrophe capitaliste ne peut que s’aggraver. La décennie qui nous attend sera peut-être la plus brutale de l’histoire de l’humanité, avec la généralisation mondiale de la guerre, de la pauvreté, de la destruction de la nature, et de la maladie, et peut-être la fin de la race humaine, ou bien ce peut être une période où toute cette société inhumaine sera déchirée dans une lutte de classe révolutionnaire.

  • Organisons-nous contre l’État mondial et tout son arsenal meurtrier, y compris les maladies ! Nous devons mettre un terme aux meurtres, aux mutilations et aux arrestations de la police ! Nous devons résister pratiquement aux tentatives de l’État de nous affamer jusqu’à la soumission, en expropriant tout ce qui nous est nécessaire, en expropriant la terre, en expropriant les moyens de production !
  • Développons des moyens – physiques, électroniques, organisationnels, programmatiques – pour protéger le mouvement ! Nous devons venir préparés ! Ou mieux dit, nous devons aller là où l’État ne nous attend pas ! Nous devons « être comme de l’eau » ! Nous devons dénoncer et attaquer le pacifisme toxique de la social-démocratie ! Nous devons dénoncer et attaquer les défenseurs de la propriété privée !
  • Opposons-nous à toute tentative de la bourgeoisie qui nous transforme en chair à canon dans la guerre capitaliste ! Nous devons nous organiser avec nos frères et sœurs prolétaires en uniforme envoyés pour réprimer notre mouvement, afin de briser leurs rangs et de les faire retourner leurs armes contre leurs propres commandants !
  • Crachons au visage de tous les idéologues bourgeois qui tentent de nous diviser avec leur myriade d’identités positives, de symboles et de drapeaux à défendre !

Contre l’épée de Damoclès de la catastrophe capitaliste qui plane au-dessus de nos têtes, nous opposons la lutte révolutionnaire insurrectionnelle pour le communisme !

# Guerre de Classe – Été 2020 #

Tout comme le reste du monde, nous avons été pris au dépourvu par la pandémie de Covid-19 et le confinement qui en a découlé, qui a affecté notre capacité organisationnelle. Nous n’avons pas pu terminer la publication de nos documents sur le mouvement de classe mondial qui s’est développé rapidement et qui a ébranlé le monde en 2019 et dans les premiers mois de 2020. Pour cette raison, nous publions notre texte ici « en annexe » à notre analyse de la nouvelle réalité « post-Covid ». Nous sommes convaincus que non seulement il est important de se réapproprier, de célébrer, d’analyser et d’apprendre de cette marée haute de la lutte des classes d’hier, mais qu’elle est intimement liée au tsunami de demain.