Point sur la situation de l’habitat sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes – mai 2020

Voici des nouvelles de ce que nous continuons à vivre et à construire dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes. Nous vous écrivons plus particulièrement depuis la commission habitat de l’assemblée des usages.

Au printemps 2018, quelques mois après l’abandon du projet d’aéroport, des blindés ont détruit une grande partie des constructions de la ZAD, et ont tenté de forcer ses habitant·e⋅s à abandonner leurs formes de vies hors norme. Vous avez alors été très nombreu·x·ses à nous témoigner un soutien précieux.
Malgré ce coup de force du gouvernement, nous sommes nombreu·x·ses à être restées et à continuer d’y défendre d’autres façons de vivre que celles dictées par les cadres d’administrations toujours en retard sur les enjeux de notre époque. Regroupées en assemblée des usages, nous tentons de réagir collectivement à l’injonction à la légalisation engagée en 2018.

Cette tentative du gouvernement de normaliser et d’appauvrir nos existences a pris plusieurs formes.

Au niveau agricole les administrations n’ont pas voulu accepter les cadres réglementaires permettant à nos formes collectives de culture d’exister et nous ont imposé des signatures individuelles de projet ne concernant qu’une quinzaine de personnes sur les plus de 150 personnes qui s’activent dans le bocage. Aujourd’hui, nous avons des baux sur toutes les terres que nous utilisons. Mais ces cadres agricoles individuels ne peuvent pas prendre en considération l’entremêlement des activités, et particulièrement les activités sociales et culturelles de la zone.
Sur le plan du foncier nous avons créé le fonds de dotation La Terre en Commun1, structure qui permet la propriété collective des bâtis et terres dont nous prenons soin. Malgré cela le conseil départemental s’entête à rester propriétaire même du bâti alors qu’il n’en a pas vocation. De fait, les habitants n’ont pas de statut reconnu.

Enfin au niveau des constructions, un travail a été mené par la commission habitat sur la visibilité de ce qui se vit ici, et sur les projections des habitant·e·s, afin de contrecarrer la vision triste et figée des institutions chargées d’aménager le territoire. Le calendrier des institutions était assez défavorable à une réflexion collective sereine, mais nous ne nous sommes pas laissé·e·s abattre. Juste après les expulsions, alors que les plaies étaient vives, l’assemblée des usages a décidé de contrer le calendrier insensé de la communauté de commune d’Erdre et Gesvres (CCEG, qui regroupe la plupart des communes sur lesquelles se trouve la ZAD). Suite à l’abandon du projet, le nouveau PLUi a simplement rayé la mention aéroport de son document, distribuant des zones agricoles et naturelles sur la ZAD. Il nie complètement l’histoire des décennies de lutte qui ont mené à la préservation du bocage et à la défense des fermes de des cabanes.

Avec des soutiens du monde de l’urbanisme et de l’architecture, une équipe a rédigé dans l’été 2018, une contribution au PLUi intitulée « Pour un Territoire Environnemental Habité »2, pour exposer d’autres formes que leur zone agricole, non habitée, où seuls les logements de fonction sont autorisés. Ce document a circulé dans les services de l’état, du conseil départemental et de la CCEG. Mais ce document comme les dizaines d’autres contributions sur le devenir l’ancienne zone aéroportuaire à l’enquête publique du printemps 2019 sont restés sans effets sur le PLUi validé fin 2019.

L’enjeu est d’articuler des outils légaux et a-légaux contre une vision hégémonique et dominante de l’aménagement qui, malgré les nouveaux discours écolo en vogue, ne considère pas les territoires dans leur résilience et leur lien aux vivants. Les PLUi restent vecteurs de la vielle notion de zonage, qui définit un type de réglementation et assigne une fonction type à chaque zone. Ils fonctionnent ainsi comme une sorte de fiction figée sur une réalité elle-même en mouvement. Le nouveau caractère intercommunal augmente la distance entre les personnes qui vivent sur le territoire et les lieux de prises de décisions. Les zones dédiées à l’agricole restent empruntes d’une vision de l’aménagement inféodée à l’organisation métropolitaine des territoires.

Les institutions armées de leur nouveau PLUi ne reconnaissent pas ce que la ZAD a permis de construire, réduisant la zone à un usage agricole. En décembre 2019, elles nous ont menacé d’attaquer juridiquement les constructions illégales et demandé de poser des permis de construire sans ouvrir aucune discussion sur les formes atypiques qui peuplent le bocage. Ceci sans créer de cadre d’exception dans une situation où la plupart des bâtiments concernés sont en fait déjà construits. Le cynisme est tel que le nouveau PLUi fait disparaître certains bâtiments historiques rasés durant le projet d’aéroport et que nous avons reconstruits depuis.

Nous avons choisi de répondre dans un premier temps aux demandes de dialogue selon les termes des institutions, tout en agissant pour essayer d’infléchir le cadre qui nous est imposé. Nous avons ainsi posé en début d’année 2020 une trentaine de permis de construire pour faire reconnaître des constructions de la ZAD, pour la plupart d’entre elles des bâtiments agricoles, mais aussi des reconstruction d’habitats en dur détruits par l’état en 2012 lors de l’opération César. Nous attendons les réponses à ces demandes pour l’automne.

Dans le même temps, nous avons déposé en février 2020 un recours gracieux auprès de la communauté de commune d’Erdre et Gesvres pour forcer le PLUi adopté fin 2019 à ne plus omettre la réalité de la ZAD de manière dangereuse pour son avenir. Si nous n’obtenons pas de réponse positive à notre demande mi-juillet, nous continuerons la bataille juridique sur ce point et par tout autre moyen à notre portée3.

Contre l’aéroport et son monde : la première partie est gagnée ; il reste la seconde, difficile, longue et fastidieuse, pleine de méandres et de zones d’ombre pas toujours agréables à explorer. Nous vous convions à prêter main forte à cette aventure de déploiement d’une lutte victorieuse à tous les autres pans de nos vies, ici comme ailleurs.

Nous faisons donc appel à vous et à vos réseaux pour que ce précédent renforce tous les lieux où les gens sont en train de changer les façons d’habiter.

La commission habitat de l’Assemblée des Usages

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1https://encommun.eco
2https://zad.nadir.org/spip.php?article6156
3Depuis la rédaction de ce texte, nous sommes toujours sans réaction de la CCEG et sommes donc en train de rédiger un recours contentieux pour le tribunal administratif.