Depuis le 25 mai dernier, la MJ de Louvain-la-Neuve « Chez Zelle » est, comme toutes les Maisons des Jeunes et les autres associations du secteur « Jeunesse », soumise à un protocole émanant du Cabinet de la Ministre Valérie Glatigny pour la réouverture et la reprise de certaines activités. Ce protocole nous impose de « prévoir un registre reprenant les présences des enfants/jeunes, animateurs et techniciens pour garantir le suivi en cas d’urgence (1) ».

 

Dès le 29 mai nous avons demandé au Service Jeunesse (FWB) des précisions sur la nature des données à consigner, ainsi que sur l’usage qui en serait fait, et par qui. Nous n’avons à ce jour pas obtenu de réponse à ce courriel mais le protocole pour l’organisation des activités durant l’été, reçu le 5 juin, précise que les données à consigner sont le nom, le prénom, l’adresse et le numéro de téléphone et prévoit que « [l]’exploitation des données est exclusivement réservée aux instances de traçage compétentes (2). »

Ces instances ne sont pas identifiées et l’usage des données, ainsi que la durée de leur conservation, ne sont toujours pas précisées. Malgré l’impossibilité dans laquelle nous serions de fournir ces informations à notre public, ce qui nous placerait en défaut par rapport au Règlement Général sur la Protection des données (RGPD), le protocole prévoit que « si un ou plusieurs jeunes refusent les mesures sanitaires, l’association est en droit de leur interdire l’accès (1) ». À la question « Quelle responsabilité pour les associations si le système de traçage vient à l’encontre du RGPD, ou si des personnes extérieures refusent de donner leur nom ? » la réponse donnée par la FAQ de la Fédération des Maisons des Jeunes est « C’est obligatoire. Si refus, fin du contact immédiat (3) ».

 

Or, pour l’ensemble de la population vivant en Belgique, le traçage des contacts est prévu sur une base individuelle et volontaire. Ce protocole l’institutionnalise en instrumentalisant les Organisations de Jeunesse (OJ) et les Centres de Jeunes (CJ) et le rend obligatoire pour une partie de la population, ce qui constitue une première discrimination, accompagnée d’une exclusion pour les jeunes qui refuseraient de s’y soumettre.

 

Dans l’Horeca, ce type de mesure a été abandonné car, selon la Première Ministre, « ces propositions strictes ne correspondent pas au respect du RGPD, le Règlement général sur la protection des données. Et donc, on ne peut l’imposer pour avoir accès au restaurant (4) ».

 

Par ailleurs, de nombreuses inquiétudes, mises en garde et appels à la prudence et au débat démocratique concernant les atteintes aux droits et libertés fondamentales liées au traçage sont émises par de nombreu.x.ses act.eur.rice.s de la société belge (Amnesty International, l’Autorité de Protection des Données, la Ligue des Droits Humains,…).

Nous partageons ces inquiétudes et, de manière plus spécifique, nous voyons aussi dans ce protocole d’importantes contradictions avec nos missions telles que définies par le décret « Jeunesse », principalement avec le respect des droits humains (et donc celui du droit à la vie privée) et l’ouverture du lieu à toutes et tous.

 

De plus, le décret nous demande de favoriser le développement d’une citoyenneté critique, active, responsable et solidaire. En ce qui concerne la dimension critique, les préoccupations et réflexions dont nous font part les jeunes rejoignent très souvent les arguments évoqués ci-dessus et nous ne pouvons que soutenir cette réflexion critique et leur refus de se plier à des mesures qui iraient à l’encontre de leurs principes.

 

En nous appuyant sur ces réflexions collectives, nous pensons être parfaitement en mesure de développer avec notre public des mécanismes de solidarité et de responsabilité individuelle et collective pour répondre adéquatement à la situation sanitaire actuelle. Un registre de présences à usage strictement interne et clairement défini pourrait très facilement être proposé sur une base volontaire.

 

Ni la mise en œuvre du protocole, ni l’alternative à laquelle nous somme contraint.e.s (à savoir la poursuite de la fermeture « des OJ et CJ qui ne pourraient pleinement assurer cette mise en œuvre (1) »)ne nous semblent légales, nécessaires et proportionnées. L’une et l’autre privent des jeunes de l’accès à un lieu de socialisation et de pratiques artistiques et culturelles très important pour un grand nombre d’entre elles et eux.

 

 

C’est pourquoi nous demandons une révision de ce protocole afin de le rendre conforme tant à nos missions en tant que Maison des Jeunes qu’aux normes supérieures que sont la Constitution belge, la Convention Européenne des Droits de l’Homme et le Règlement Général de Protection des Données.

 

 

Cette lettre ouverte a été envoyée ce mardi 30 juin 2020 à la Sinistre Valérie Glatigny. Si vous souhaitez lui donner plus de poids, vous pouvez la signer ICI

 

 

Références :
(1) Protocole Réouverture des associations de jeunesse à partir du 25 mai
(2) Protocole pour l’organisation de l’accueil temps libre des enfants durant les vacances d’été 2020 dans le cadre de la crise sanitaire Covid-19 (http://www.servicejeunesse.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=235bf0e4bca85c5d7e506704071aa47beb174299&file=fileadmin/sites/sj/upload/sj_super_editor/sj_editor/documents/2020/5juin2020/20.06.03_Protocole_ATL_ete_2020_non_residentiel.pdf)
(3) Faq pour la sortie de confinement du secteur jeunesse (FMJ – 26 mai 2020)
(4) Conseil national de sécurité : les cafés et les restaurants peuvent rouvrir dès ce lundi 8 juin, voici les mesures à respecter (https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_conseil-national-de-securite-les-cafes-et-les-restaurants-peuvent-rouvrir-des-ce-lundi-voici-les-mesures-a-respecter?id=10514586)