Depuis le 30 mars, les nouvelles distances d’épandage des pesticides ont été quasiment abolies. Ces zones de non-traitement (ZNT) qui ulcèrent la FNSEA sont fixées à 10 m des habitations pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses depuis un arrêté du 27 décembre 2019 « relatif aux mesures de protection des personnes ». Une protection qui ne semble plus d’actualité en plein état d’urgence sanitaire.

De l’ordre du symbolique et difficilement contrôlables, ces distances peuvent en effet être réduites par arrêté préfectoral, en cas de signature d’une charte de bon voisinage entre agriculteur·ices et riverain·es. Or, « la difficulté de mener la concertation publique dans le contexte en cours de la crise de Covid-19 », rend caduque cette condition, explique candidement le ministère. Les préfectures se contenteront d’un simple engagement. La « bonne foi » suffit quand vous êtes puissant·es !

« La période n’est pas propice à une consultation sereine et réellement démocratique des diverses parties prenantes », conviennent dix-neuf organisations dont Eau & Rivières de Bretagne, l’UFC-Que Choisir ou l’Union syndicale Solidaires. Elles en tirent toutefois la conclusion inverse et demandent l’interdiction des épandages de pesticides à proximité des habitations. Une campagne d’interpellation des préfets est organisée via la plateforme « Shake ton politique ».

Plus offensive, l’association Sauvegarde du Trégor observe que cette autorisation intervient dans une période où les populations rurales sont sommées de restez chez elles. Elle estime même que les préfets de Bretagne ont choisi « la peste plutôt que le choléra » (lire sur Facebook).

« Cette mesure ne s’inscrit-elle pas dans la droite ligne de la fermeture en 2018 d’une unité de fabrication de masques à Plaintel, dans l’indifférence des pouvoirs publics dont vous êtes un des représentants majeurs en Bretagne, interroge Sauvegarde du Trégor. [Voir notre article sur le sujet, NDR] Comme toujours la même politique imprévoyante et irresponsable, côté pile soutien actif à un lobby, côté face désintérêt pour un enjeu de santé publique. »

Si la chimie de synthèse fait régulièrement les gros titres, les traditionnels épandages printaniers de lisier et de fumier donnent aussi les larmes aux yeux. Littéralement. Sans même parler de leur qualités olfactives, ces déjections animales sont responsables de l’essentiel des émissions d’ammoniac (NH3) en France.Un gaz qui forme du nitrate d’ammonium par combinaison avec l’oxyde d’azote, dont les très petites particules sont nocives pour l’environnement.

La Bretagne, terre d’élevage intensif, en est la première région émettrice. L’observatoire régional de la qualité de l’air, Air Breizh, a enregistré un pic de pollution les 27 et 28 mars, attribué par son président Gaël Lefeuvre au chauffage domestique et à l’activité agricole.

Alors que le ballet des épandeurs ne fait que débuter, quatre organisations bretonnes montent au créneau pour demander l’encadrement de ces pratiques, arguant d’un lien éventuel entre la présence de particules fines et la hausse de la mortalité au Covid-19.

L’association Respire est allée plus loin en déposant un référé liberté devant le Conseil d’Etat, mais la requête a été rejetée lundi 20 avril. La haute juridiction reconnaît malgré tout le problème puisqu’elle encourage l’Etat à « faire preuve d’une vigilance particulière […] notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes [en cas de franchissement avéré des seuils] ».

Si les scientifiques restent prudents – des études étant en cours -, la directrice de recherche à l’Inserm, Isabella Annesi-Maesano, et le docteur Thomas Bourdrel, membres du collectif Air santé climat cités par Mediapart le 13 avril (article payant), rappellent que la pollution de l’air fragilise notre système immunitaire. Et donc la capacité de notre corps à répondre à une agression inconnue. Ielles demandent aux préfets des mesures urgentes pour limiter les émissions de particules fines liées aux épandages agricoles.

Cet article est extrait de la neuvième Gazette des confiné·es, disponible en ligne.

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